B 12 MARC 04, 35-41 (13)

Scourmont : 23.06.2024

Frères et sœurs, le lac de Tibériade a été l’occasion d’inoubliables pages de l’Évangile. Jésus y accomplit des miracles et y assure une prédication qui renforce la foi de ses disciples. Nommé également mer de Galilée, ce vaste lac riches en poisson de ses eaux, alimentées par le Jourdain, explique le nombre de petits villages de pêcheurs qui s’installèrent sur ses rives. C’est dans ce cadre idyllique que Jésus prêcha lors de son séjour en Galilée, après avoir rallié à lui les deux frères Simon, appelé Pierre, et André, tous deux pêcheurs sur les rives du lac. Jésus s’était adressé à eux de manière prophétique : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Mc 1,16). Jésus invitera de la même manière deux autres frères habitant également sur les rives du lac de Tibériade, Jacques, fils de Zébédée, et Jean, qui abandonnèrent eux aussi leurs filets pour suivre le Maître (Mc 1,19).

Mais, plus encore peut-être que ces appels, c’est sur ce lac de Tibériade que Jésus accomplit un des miracles les plus connus des Écritures, un miracle que saint Luc relate en ces termes : « Alors qu’une foule immense se pressait pour écouter Jésus, il décida de monter dans l’une des deux barques amarrées près de lui et qui appartenait à Simon. Après avoir terminé son enseignement, il dit à Simon : ‟Avance au large, et jetez vos filets pour la pêche” » (Lc 5,1-4). Simon se permet de rappeler au Seigneur qu’ils ont déjà passé toute la nuit sans rien prendre. Cependant celui-ci consent : « Sur ta parole, je vais jeter les filets » (Lc 5,5). Alors, le miracle se produisit : « Ils capturèrent une telle quantité de poissons que leurs filets allaient se déchirer. Aussi firent-ils signe à leurs compagnons de l’autre barque de venir les aider » (Lc 5,6-7).

Simon, profondément troublé, comprend alors qu’il s’agit d’un signe et confesse : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur » (Lc 5,8). Mais, Jésus répond alors à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras » (Lc 5,10). La métaphore de la pêche, l’une des plus connues de la Bible, et l’envoi en mission des disciples, s’accomplirent donc sur les rives du lac de Tibériade. Mais, ce premier miracle allait être suivi d’un autre, non moins impressionnant.

De longue date, le lac fut (et est encore) connu pour ses terribles tempêtes dues aux forts contrastes de températures. Or, un soir, après avoir enseigné à une foule nombreuse qui s’attardait, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive » (Mc 4,35). Étrange voyage initiatique que Jésus propose à ses proches. Naviguer de nuit, c’est déjà difficile pour les Hébreux qui ne sont pas un peuple marin, mais affronter une tempête dans l’obscurité, voilà qui ne peut que les remplir d’effroi !

Alors survient une violente tempête. Les vagues se fracassent sur la frêle embarcation et menacent de la faire sombrer. La mer c’est, symboliquement, le lieu des forces de mort, des ténèbres, de l’inconnu. Ce n’est pas pour rien que les riverains appellent le lac de Tibériade « mer de Galilée », car les tempêtes y sont aussi violentes qu’en haute mer. Face à cette situation périlleuse, les disciples craignent de perdre la vie, et Jésus dort paisiblement sur un coussin, à la grande stupeur des disciples terrifiés. Aussi, décident-ils de le réveiller : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » (Mc 4,38). Alors Jésus apostrophe les éléments, menaçant le vent et s’adressant à la mer : « Silence, tais-toi ! » (Mc 4,39). Immédiatement, le vent s’apaise et les flots retrouvent leur calme. Jésus leur pose alors une question, celle qui touche aussi bien notre conscience que notre cœur : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (Mc 4,40). Oui, pourquoi avoir si peur de la vie, de la mort, et entre les deux de presque tous les événements qui surviennent à l’improviste ? Pourtant, dans la Bible, le Seigneur ne cesse de nous dire de ne pas avoir peur, 366 fois exactement, comme si Dieu nous le disait chaque jour de l’année et une fois de plus pour les années bissextiles ! Les disciples ne répondent pas mais passent de la peur à la crainte devant cet homme qui agit comme Dieu : « Qui est-il donc, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (Mc 4,41). Il leur faudra auparavant cheminer avec Jésus puis rencontrer le Ressuscité.

Bien d’autres paroles et miracles furent, en ces lieux bibliques, prononcés et accomplis encore par Jésus ; l’un d’eux de par son importance se doit cependant d’être encore rappelé… La foi des disciples devait être une nouvelle fois, sur ce même lac de Tibériade, fortement mise à rude épreuve… Alors qu’à la fin de la nuit, un nouveau fort coup de vent surgit, Jésus, resté sur la rive, vient à leur rencontre en marchant sur les flots… Paniqués, ils se mirent à crier et pensent qu’il s’agit là d’un fantôme. Mais, Jésus les rassure et leur dit : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur ! » (Mt 14,27). Pierre, une nouvelle fois dubitatif, ose cependant : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux » (Mt 14,28). Jésus lui répond : « Viens ! ». Pierre s’exécute et commence à marcher sur la mer, mais à l’instant même où il prend conscience de la force du vent, celui-ci prend peur et commence alors à s’enfoncer. « Seigneur, sauve-moi ! » (Mt 14,30), lance-t-il à Jésus dans un cri de désespoir. Jésus étend la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Mt 14,31). 

Une nouvelle fois, l’espérance dans le message de salut proposé par Jésus n’est pas pleinement entrée dans le cœur de ses disciples ; bien que leur foi, entre la pêche miraculeuse et la marche sur la mer qui suivit, ait été renforcée, la route sera encore longue… Mais les miracles et paroles de Jésus au lac de Tibériade demeureront présents tant dans les Écritures que dans les esprits. Et, de nos jours, leur force n’est-elle pas des plus urgentes en nos temps parfois difficiles ?

Nous voici déjà loin de Pâques et le mystère de l’identité du Christ vient nous rejoindre. Que s’est-il passé dans la nuit du tombeau ? La vie a-t-elle vraiment triomphé de la mort ? Tous les croyants portent cette question. Chacun de nous esquisse sa réponse. L’évangéliste Marc, avec une délicatesse infinie qui respecte notre acte de chercher et de croire, livre la sienne : en Jésus, il y a tout de Dieu. En lui rien ne manque. Les textes du jour nous en donnent la démonstration. L’épisode de la tempête apaisée par Jésus assure l’identification de Jésus à Dieu. Mais la Parole du jour n’opère pas comme une recette de cuisine. Il ne s’agit pas d’entendre la réponse mais de risquer la nôtre. Humblement, en avançant de deux petits pas.

Le premier petit pas est une question : suis-je bien dans la foi des Écritures pour confesser que Jésus Christ est Seigneur ? Suis-je alors en mesure de vouloir vivre avec lui, de lui et en lui ? L’Évangile montre que les disciples ont fait ce choix, car ils sont dans la barque avec lui, sans pour autant être sûrs de leur foi. Ne puis-je pas me compter parmi eux ?

Et le second pas, avec saint Paul (2 Co 5,14-17) : Qu’est-ce que cette foi fait de moi ? Qui suis-je devenu par la force de ma foi ? Quel être nouveau s’est éveillé en moi ? C’est sans doute sur ce terrain que Jésus voulait entraîner ses disciples : non pas les époustoufler par sa puissance de Fils, mais les ouvrir à la nouveauté de ce qu’il les appelle à devenir.

L’espérance chrétienne nous invite à marcher sur la mer de la peur, sans crainte d’enfoncer parce que le Père de Jésus est aussi le Dieu tout-puissant qui se révèle en un tout-petit, et au-delà en chacun et chacune de nous aussi, par son Esprit.