B 14 MARC 06,01-06 (15)

Scourmont : 07.07.2024

Frères et sœurs, les textes bibliques de ce dimanche nous parlent de ces personnes qui ont entendu l’appel de Dieu. Nous avons tout d’abord le témoignage du prophète Ézéchiel (2,2-5) ; il est envoyé vers un peuple rebelle qui s’est révolté contre Dieu. Il sait qu’il ne sera pas écouté car il sera affronté à l’endurcissement des cœurs. Mais rien ne l’arrête : qu’on l’écoute ou qu’on ne l’écoute pas, il faut que la parole de Dieu soit proclamée. Il fait penser à la détermination de la petite Bernadette de Lourdes qui disait à ses contradicteurs : « Je ne suis pas chargée de vous le faire croire mais de vous le dire ». C’est ainsi que Dieu appelle des petits ou des humbles pour nous transmettre ses messages. Grâce à ses messagers il nous offre de nous convertir et de retrouver l’amitié perdue.

Incidemment nous avons entendu dans la deuxième lettre aux Corinthiens (12,7-10), le témoignage de l’apôtre Paul. Il nous décrit les conditions pénibles de son apostolat ; il a reçu des révélations extraordinaires, mais il est aussi accablé de difficultés et d’humiliations « faiblesses, insultes, contraintes, persécutions et situations angoissantes » (2 Co 17,10). Cependant Paul découvre que Dieu agit dans sa faiblesse à lui. L’apôtre n’est pas seul dans sa mission. Le principal travail, c’est Dieu qui le fait dans le cœur de ceux qu’il met sur sa route. La force de Paul, c’est celle du Christ.

Enfin dans l’Évangile d’aujourd’hui, nous retrouvons Jésus à Nazareth. Sa prédication aurait pu être un succès. Partout en Galilée, tout le monde se réjouit de ses paroles et de ses miracles. Mais les gens de Nazareth ne voient en lui que le fils du charpentier du village ; ils connaissent trop bien sa famille. Ce qu’on lui reproche, c’est de dire la parole de Dieu sans être qualifié pour cela : « D’où cela lui vient-il ? » (Mc 6,2) ; il n’a pas fait d’étude de rabbin ; il est un simple laïc. Le charpentier du village peut-il nous apprendre quelque chose sur Dieu ? Voilà donc le Christ empêché d’être reconnu comme Messie : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu… » (Jn 1,11) écrit saint Jean dans le Prologue de son évangile. Nous n’avons pas à juger les gens de Nazareth ; nous sommes souvent rebelles quand on vient nous parler de la part de Dieu.

Que nous apprend la réaction des coreligionnaires de Jésus, sinon notre tendance spontanée à rejeter toute parole neuve qui pourrait nous amener à sortir de nos préjugés et de nos routines ? Rapidement un système de défense se met en place, consistant à dévaloriser systématiquement la personne dont la parole dérange, sans même chercher à discerner si le message ne viendrait pas de Dieu. Une attitude réductrice qui nous permet de conserver notre tranquillité d’esprit. En nous révélant ainsi à nous-mêmes, l’Écriture ne veut pas nous humilier, mais nous elle invite à nous engager sur un chemin de vérité et de libération. « La vérité vous rendra libres », a dit Jésus (Jn 8,32).

Toutefois, ce n’est là qu’un aspect de l’enseignement évangélique qui nous ouvre le cœur du Seigneur. Jésus se révèle comme un Dieu qui, incarné parmi nous, prend le risque de ne pas être entendu. Un Dieu qui vient à nous non dans une toute-puissance contraignante, mais dans la vulnérabilité de l’amour. Cet amour qui se propose à notre liberté et à notre capacité d’aimer, sans nous faire violence. Le scandale de la Croix se profile ici. Expression de la folie et de la faiblesse de Dieu dont il nous reste à découvrir la sagesse et la force (1 Co 1,25). À nous donc d’invoquer l’Esprit Saint pour qu’il nous établisse dans cette confiance et cette disponibilité du cœur, source d’un discernement et d’un amour authentique.

L’Écriture nous apprend que rien ni personne ne peut arrêter l’annonce de la bonne nouvelle. Devant le refus de ses compatriotes, Jésus est parti vers les villages voisins. Les missionnaires de l’Évangile n’ont pas à être découragés si on refuse de les accueillir ; comme Jésus, ils doivent « secouer la poussière de leurs pieds » (Mt 10,14), et partir annoncer l’Évangile ailleurs, car tous doivent l’entendre.

Le problème des auditeurs de Jésus, c’est qu’ils étaient enfermés dans leurs certitudes et leurs traditions. C’est souvent vrai pour nous aussi ; en effet, c’est au plus intime de chacun de nous, ainsi que de l’Église, que l’on trouve les résistances les plus fortes à la nouveauté de l’Évangile. Nous pensons savoir beaucoup de choses sur Dieu. Mais ce que nous pouvons en dire sera toujours insignifiant par rapport à ce qu’il est réellement. Nous n’aurons jamais fini de nous poser la question : qui est Jésus pour nous ? Cette question, nous la retrouvons tout au long de l’Évangile de saint Marc. Et la réponse nous est donnée par un centurion païen au pied de la croix : « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu » (Mc 15,39). 

Comme le prophète Ézéchiel et saint Paul, nous avons conscience de nos pauvretés et de nos faiblesses. Mais le Seigneur compte sur nous pour être ses porte-paroles. Le Seigneur choisit les petits et nous en sommes. Dieu ne choisit pas ses envoyés parmi les meilleurs mais bien souvent parmi les pauvres, parmi les pécheurs. N’oublions pas que les grands témoins de la foi sont des pécheurs pardonnés. Pensons simplement à Pierre qui avait renié le Christ car il avait peur. Mais en accueillant le pardon du Christ, il a reçu de lui la mission d’être le berger de son peuple.

Le baptême a fait de nous un peuple de prophètes, marqués par l’Esprit Saint, appelés et envoyés. Dieu connaît les circonstances de la mission. Il sait mieux que nous ce qui risque d’être pesant et de nous décourager. A ceux qu’il a appelés, il promet sa présence et son assistance. Bien sûr, comme tous les prophètes d’autrefois, nous risquons nous aussi de connaître des difficultés. Nous sommes affrontés à l’incroyance, la mal croyance et l’indifférence. Dans le monde entier, de très nombreux chrétiens sont persécutés et mis à mort. Et à l’intérieur même de l’Église, nous assistons à des contre-témoignages qui font mal. Cette Église de Jésus Christ reste un peuple de pécheurs. Nous pouvons être tentés de la critiquer, de dire ce que nous en pensons. Mais un enfant ne peut rompre le lien vital qui l’unit à sa mère.

Dans la vie, les situations d’inconfort sont nombreuses. Il faut parfois vivre entourés de personnes qui tiennent pour des minus. Dieu ne propose pas de faire disparaître ces gens-là. Il n’envisage pas non plus de faire de l’humiliation et de la honte, des sentiments à rechercher ou à valoriser. Dieu a un tout autre plan. Sa réponse est d’être avec qui lève les yeux vers lui et avec qui veut bien être avec lui. Il fera sa demeure en cette personne. Se laisser habiter par le Seigneur pour être en capacité d’habiter n’importe où et de traverser les situations les plus inconfortables. Cette présence de Dieu au cœur de la vie s’appelle la grâce.

En célébrant cette Eucharistie, rendons grâce pour la confiance que Dieu nous fait en nous associant à sa mission. Disciples-missionnaires, levons les yeux pour remettre entre ses mains nos fragilités. Que s’accomplisse pour nous aujourd’hui sa parole : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2Co 12,9).