B 30 MARC 10,46b-52 (16)

Scourmont : 27.10.2024

 quteur

Frères et sœurs, « Poussez des cris de joie pour Jacob ! Acclamez la première des nations. Faites résonner vos louanges et criez tous » (Jr 31,7). On aurait pu imaginer que ces paroles du prophète Jérémie sont adressées à un peuple rayonnant de joie. En fait, il n’en est rien. Jérémie se trouve devant des gens qui ont tout perdu ; ils ont été déportés en terre étrangère. Or c’est à ce moment-là que le prophète s’adresse à eux pour raviver leur espérance. Il leur annonce que Dieu n’abandonne jamais son peuple ; qu’il ne cesse jamais de l’aimer malgré ses péchés ; un jour, il le délivrera ; il le ramènera vers sa terre. Ce sera un jour de grande joie, aussi bien pour les gens valides que pour ceux qui ont de la peine à se déplacer (Jr 31,7-9).

La lettre aux Hébreux (Hb 5,1-6) nous annonce que ce changement s’est opéré bien au-delà de toutes nos espérances. Elle nous parle du grand prêtre pris parmi les hommes qui intercède en notre faveur. Jésus nous est présenté comme le médiateur entre Dieu et les hommes. Il nous libère de nos péchés pour nous permettre d’aller à Dieu. « Il est capable de compréhension envers ceux qui commettent des fautes par ignorance ou par égarement » (Hb 5,2). Appartenant au monde de Dieu et à celui des hommes, Jésus nous met en communion. Le pape Jean-Paul ii disait qu’il donne Dieu aux hommes, et les hommes à Dieu. C’est ainsi qu’il réalise à la perfection les conditions du vrai sacerdoce. Par sa mort et sa résurrection, il nous ouvre le monde éternel.

Avec l’Évangile, c’est la promesse de Jérémie qui se réalise : cela se passe à Jéricho, la ville la plus basse du monde (400 mètres au-dessous du niveau de la mer). Cette ville représente le monde du péché, loin de Dieu. Un monde sur lequel Dieu se pense avec miséricorde. Jésus entre dans cette ville pour nous en sortir. Il vient dans ce monde d’aveugle spirituel pour nous rendre à la lumière. C’est une manière de dire qu’il peut venir nous chercher très loin et très bas, qui que nous soyons. Qu’on pense aux personnes qui ont été délivrées de leur malheureuse vie pour entrer en amitié avec Dieu : sainte Marie-Madeleine, saint Augustin, saint Charles de Foucauld et bien d’autres.

Et c’est la rencontre avec l’aveugle Bartimée. Sa situation l’a marginalisé par rapport à la société. Il n’a rien et il n’est rien. Il ne vit que des piécettes que les gens veulent bien lui donner sans prendre le temps de poser leur regard sur lui. Et quand il crie vers Jésus, les gens veulent le faire taire : « Tais-toi, nous accueillons un personnage important… Ne viens pas nous faire honte ». Mais il insiste de plus belle, car il entendu parler de Jésus qui guérit les blessés, « ce Fils de l’homme qui est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus (Lc 19,10).

Nous sommes parfois comme cette foule qui regarde passer la parade mais ne veut pas être dérangée par l’aveugle Bartimée. C’est ce qui se passe quand nous ne voulons pas entendre le cri des pauvres, la détresse des exilés, la souffrance des malades, la révolte de ceux et celles qui se sentent trahis, les victimes d’abus de toutes sortes, qui sont harcelées au travail, les femmes immigrées qui sont réduites à l’état d’esclave. Comme cette foule, nous avons la tentation de faire la sourde oreille car nous nous sentons désarmés devant les blessures et les injustices de notre temps. Nous ne voulons pas emprunter ce chemin moderne de rencontre avec Dieu.

Et pourtant, Jésus nous demande de convier tous les blessés de notre temps. Aujourd’hui comme autrefois, il nous demande de les fréquenter. Il veut leur permettre de rencontrer la chaleur et la lumière d’un visage qui ressemble à celui de Dieu. Nous ne sommes pas le Sauveur, mais nous pouvons permettre la rencontre de Celui qui est la source de toute paix et de toute joie. Saint Paul ne nous invite-t-il pas à « revêtir le Christ » (Ga 3,27) ? Revêtir le Christ, c’est donc être associé à la personnalité du Christ et à se comporter, comme lui et avec lui, à transformer notre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu (Rm 12,2). Par notre baptême de conversion, nous revêtons le Christ comme un manteau. Nous recevons sa nature miséricordieuse ; il nous appartient de faire ce choix et de développer en nous son caractère. Nous pouvons dès lors vivre d’une manière digne du Maître et accomplir les œuvres bonnes auxquelles nous sommes appelés. Nous acceptons aussi par-là de ne pas nous prévaloir de nous-même, ou de nous pavaner comme si nous étions dignes d’être remarqués et applaudis... mais ayant revêtu Christ, celui que le monde voit c’est LUI, celui que les gens peuvent applaudir lorsque nous accomplissons des exploits c’est LUI. Car tout ce que nous pouvons faire de bon, c’est LUI qui l’accomplit par nous, et c’est par sa puissance agissante en nous que nous pouvons accomplir infiniment au-delà de ce que nous espérons et pensons, afin qu’à travers nous, ce soit LUI dont nous sommes revêtus qui soit vu, reconnu, et loué !

La médiation que Jésus nous confie, c’est d’être les témoins authentiques de l’espérance qu’il est venu apporter. Comme Jérémie en son temps, nous sommes envoyés pour être les messagers de cette espérance. Nous devons résister au danger de sombrer dans les lamentations, le pessimisme, la critique négative. Nous sommes appelés à une grande vigilance dans nos conversations et nos écrits. L’Évangile de la fête de tous les saints nous rappellera le bonheur des artisans de paix et de ceux qui rayonnent la joie autour d’eux (Mt 5,9). Ne nous laissons pas aveugler par les médias qui ne pensent qu’à déverser ce qui ne va pas trop bien et amorce le pire.

Le Seigneur est là pour nous guérir de nos aveuglements, pour nous ouvrir à l’amour de Dieu et à celui de tous nos frères. Laissons Bartimée nous apprendre à avoir cette confiance inébranlable en Jésus. Des gens chercheront peut-être à nous en dissuader. Les mêmes pourront nous en féliciter plus tard. La confiance est un combat de tous les jours, parfois dans l’obscurité de la foi. Mais grâce au fils de Timée, nous savons que la nuit n’a pas le dernier mot. C’est de cette espérance que nous avons à témoigner tout au long de notre vie auprès de tous ceux et celles qui nous entourent.

Le premier chemin que nous ouvre l’évangile d’aujourd’hui est celui de la confiance. Alors que tout le monde s’en prend à ce mendiant aveugle en l’accablant de reproches, Jésus l’invite et l’accueille. Alors que tout le monde veut le faire taire, Jésus lui donne la parole. Alors que tout le monde ne voit en lui qu’un marginal sans avenir, Jésus le reconnaît comme une personne. Jésus lui fait confiance. Alors d’un seul coup tout devient possible ! Bartimée jette son manteau de mendiant, bondit et court vers Jésus. Il suffit d’une marque de confiance pour que celui qui était assis se lève, pour que celui qui était écrasé se retrouve debout. Si tous les disciples de Jésus prennent ainsi le temps de s’arrêter, s’ils préfèrent la rencontre personnelle des frères à toutes les grandes idéologies, ils changeront le monde.

Le second chemin que nous ouvre cet évangile est celui de la lumière. Bartimée aurait pu demander à Jésus la fortune, la renommée ou la gloire. Il demande la vue. Marc nous indique ainsi que la foi n’est pas un « savoir », mais un regard pour « voir ». Voir et croire dans l’Évangile deviennent un même chemin. Souvenons-nous de saint Jean au matin de Pâques : « Il vit et il crut » (Jn 20,8).