C CARÊME 05 JEAN 08,01-11 (19)
Scourmont : 06.04.2025
Frères et sœurs, la Parole de Dieu ce dimanche nous offre une clé pour mieux entrer dans l’esprit du Carême. Trop souvent, nous utilisons celle qui nous mène à des solutions de facilité sans trop d’effort.
C’est ce qui apparaît dans les paroles d’Isaïe (Is 43,16-21). Pour les hébreux, les traces du passé tenaient une place importante. Ils avaient à cœur de faire mémoire des merveilles de Dieu. Il y avait eu la libération de l’esclavage en Égypte, la traversée de la Mer Rouge et toutes ces années d’Exode vécues au désert avec la manne, les cailles et le serpent d’airain. Aujourd’hui, nous voyons Isaïe s’adresser au peuple condamné à l’exil à Babylone. Le prophète lui annonce le retour vers la Terre promise. Car Dieu est libérateur et sauveur. Il ne cesse jamais d’aimer son peuple. Il est toujours là pour le libérer et le sauver.
En bref pour nous, ça signifie que même si nos cœurs sont arides comme le désert, Dieu y fera passer les fleuves de son amour et de sa grâce. Nous avons souvent trop tendance à idéaliser “le bon vieux temps” où tout était meilleur. Et aujourd’hui, beaucoup de chrétiens désespèrent car ils sentent bien que tout part à la dérive. Mais il y a une chose qu’il ne faut jamais oublier : Notre Dieu n’a pas changé. Il reste celui qui veut sauver le monde. Il est capable de faire fleurir tous les déserts, ceux de nos familles, ceux de nos milieux de vie et ceux de notre monde. Il est capable d’apporter la paix là où le sang coule aujourd’hui. Mais pour cela, il nous faudra laisser tomber nos armes. La fête de Pâques n’est pas seulement celle de notre libération passée. C’est aussi celle de notre propre délivrance par un Dieu qui sauve et qui pardonne aujourd’hui.
C’est ce Christ sauveur et libérateur qui est intervenu dans la vie de Paul (Ph 3,8-14). Lui qui était un fidèle observateur de la loi nous rapporte qu’il a été libéré d’un péché plus caché et plus profond : c’est le péché de celui qui se croit parfait et irréprochable, le péché de celui qui se laisse aller à l’orgueil. Paul était un pharisien très engagé. Il ne pensait pas avoir besoin d’être libéré car il s’estimait juste « de la justice venant de la Loi de Moïse » (Ph 3,9). Mais quand il a rencontré le Seigneur, sur la route de Damas, il a compris que sa vie allait de travers. Paul a saisi qu’il a besoin d’être libéré de son orgueil, de ses prétentions, de ses compétences de « monsieur-je-sais-tout ». Tous les avantages qu’il avait autrefois, il les considérait désormais comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, le Seigneur !
Paul pensait faire une bonne œuvre en persécutant et éliminant les chrétiens. Il sait désormais que c’était injuste et criminel. A partir du moment où il a rencontré le Christ, toute sa vie a été complètement bouleversée. Il découvrait désormais que sa relation avec lui est une relation qui libère. En dehors de lui, ce qui semble essentiel n’est que “balayure”. C’est pourquoi il nous transmet que le bonheur de connaître le Christ est un bien qui surpasse tous ceux que le monde prétend nous procurer. Paul nous montre le but de notre vie, le monde de Dieu où nous sommes tous appelés à rejoindre le Christ.
Dans son Évangile, saint Jean raconte le procès de cette femme coupable d’adultère. Ses accusateurs sont des scribes et des pharisiens, des experts de la Loi de Moïse, des personnes reconnues pour leur ferveur religieuse et la sainteté de leur vie. D’après la loi de Moïse, cette femme devait être lapidée. Mais s’ils se tournent vers Jésus, c’est d’abord pour le piéger. S’il refuse de condamner la femme adultère, il ne respecte pas la Loi de Moïse. Et s’il la condamne, il est en contradiction avec la miséricorde qu’il prêche. « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36).
Renversement de situation, la manœuvre des bien-pensants se retourne contre eux : Jésus ouvre un nouveau procès, celui des accusateurs : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre » (Jn 8,7). Et voilà que chacun est renvoyé à sa propre conscience. Devant Dieu, personne n’est sans péché. Personne n’oserait lancer la première pierre sans se contredire. D’une manière ou d’une autre, tous étaient coupables de quelque chose. Seul Celui qui est sans péché peut pardonner et remettre en route. Jésus relève la pécheresse, lui permet de repartir, de se réinsérer dans la société et d’être restaurée sur le chemin de la vie. Oui, tous ont péché, la femme adultère tout comme ses accusateurs, mais Jésus sauve. Jésus libère.
Avant de faire la leçon aux autres, nous avons besoin d’enlever la poutre qui est dans notre œil (Mt 7,3). Cette poutre, c’est l’orgueil et le mépris à l’égard de ceux qui ont fauté. C’est la prétention de se croire meilleur que les autres. C’est la naïveté de se croire sans péchés. Tout cela nous empêche d’accueillir l’amour qui est en Dieu et de le propager. Nous ne devons jamais oublier que le Christ est venu chercher et sauver tous les pécheurs (Lc 19,10), même ceux qui ont commis le pire. Il nous ouvre à tous un chemin d’espérance. Car Jésus refuse d’enfermer les hommes dans leur péché : il croit possible la conversion de chacun de nous.
Était-ce une nouvelle loi dont Jésus traçait les traits sur le sable ? Nous ne le saurons jamais. Mais il vient inscrire dans le cœur de chaque pécheur cet appel plein de pardon et de confiance : « Va et désormais ne pèche plus » (Jn 8,11). Et nous, qu’en disons-nous ? Que disons-nous de ce Dieu qui pardonne à la femme adultère et convainc les honnêtes gens de leurs péchés ? Que disons-nous de ce Dieu qui ne lance pas la première pierre, que lui seul est en droit de jeter ? Sommes-nous bouleversés de reconnaissance devant cette tendresse de Dieu pour les pécheurs que nous sommes ? Sommes-nous décidés à nous laisser aimer et pardonner par lui ? Et à ne plus jeter de pierres sur nos frères et sœurs pécheurs ?
En ce jour, nous sommes venus à Jésus avec le désir d’accueillir sa parole et de nous laisser transformer par elle. Il peut « changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair » (Ez 36,26). C’est avec lui que nous trouverons la joie d’aider, de soutenir, de partager, de consoler et d’aimer. Que sa Parole soit lumière pour notre monde et que son amour apaise ceux qui souffrent et qui ont besoin de libération. Amen.