SAINT SACREMENT JEAN 06, 51-58 (année A) 

Frères et sœurs, après le sommet eucharistique du Jeudi Saint, nous nous retrouvons pour une grande fête de l’Eucharistie, celle du Saint Sacrement du Corps et Sang du Christ. Mais en fait, chaque célébration eucharistique est un sommet, car Jésus lui-même s’y donne en nourriture. Il a voulu nous laisser sa présence sous la forme d’un repas. L’Eucharistie est vraiment la nourriture essentielle de notre vie. Le curé d’Ars disait : « Vous n’en êtes pas dignes mais vous en avez besoin ». Les textes bibliques de ce dimanche nous préparent à accueillir ce don de Dieu.

 

La première lecture nous ramène au vie siècle avant Jésus Christ (Dt 8,2-16). Pour le peuple d’Israël, c’est une période de prospérité et d’abondance ; la tentation est grande de croire que cette réussite vient du seul génie des hommes. On se pose la question : « Pourquoi continuer à honorer Dieu alors qu’on est tiré d’affaire ? » Mais la Parole de Dieu vient le rappeler à l’ordre : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant 40 années dans le désert » (Dt 8,2). La marche dans le désert était un temps de probation. Au cours de cette difficile traversée, Dieu n’a jamais cessé d’être là. Il a multiplié les bienfaits pour assurer la survie de son peuple. Il a fait pleuvoir la manne (Ex 16,4) et jaillir l’eau du rocher (Ex 17,1-7). Il a surtout offert sa Parole qui est la nourriture essentielle du chrétien.

Quand le peuple se nourrit de la manne, il reconnaît que tout vient de Dieu. Nous aussi, nous reconnaissons que nous dépendons de Lui. C’est le seul moyen de ne pas devenir esclave d’un autre car le vrai Dieu est libérateur. Nous qui vivons dans un monde indifférent ou hostile à la foi chrétienne, nous devons réentendre cet appel du Seigneur : « Souviens-toi ! ». N’oublie jamais de te nourrir de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie.

Dans sa première lettre aux Corinthiens (10,16-17), l’apôtre saint Paul insiste précisément sur l’importance de l’Eucharistie. La bénédiction de la coupe et la fraction du pain ne sont pas que des gestes rituels. Elles ne sont pas non plus une simple évocation des gestes du passé. Sous le signe du pain et du vin, nous communions au Corps et au Sang du Christ ; nous faisons nôtre l’amour de Celui qui a livré son Corps et versé son Sang pour nous et pour la multitude. Cet amour qui nous unit à lui doit aussi nous unir à tous nos frères et sœurs. Nous apprenons à les regarder avec le regard même du Christ, un regard plein d’amour et de miséricorde. On a demandé un jour à saint Thomas d’Aquin lequel de ces deux éléments était le plus important : l’hostie consacrée ou la personne qui la recevait. L’illustre théologien répondit : « L’Eucharistie est destinée aux baptisés et en ce sens, le sujet qui la reçoit est prédominant ». Tout de même étonnant comme réponse !

N’est-ce pas là le message que nous, chrétiens, sommes chargés d’annoncer en ce début du xxie siècle ? En effet, que nous dit la parole qui sort de la bouche de Dieu ? Elle nous interdit de nous taire devant un ordre immoral qui concentre 90 % de l’activité économique entre les mains de quelques géants de l’industrie et de la finance alors que les pays du tiers-monde se partagent la dixième partie du gâteau.

L’Évangile d’aujourd’hui nous propose un extrait du long discours sur le Pain de vie. C’était après la multiplication des pains près du lac de Tibériade. Jusque-là, Jésus avait demandé à ses auditeurs de croire en sa parole. Aujourd’hui, il franchit un nouveau pas dans la révélation de sa personne. Ce pain dont il parle, il dit que c’est lui-même « pain vivant » ; il dit aussi que c’est « sa chair donnée pour la vie du monde ». Il annonce ainsi sa mort qu’il présente comme don de la Vie éternelle au monde.

Le Pain descendu du ciel c’est donc Jésus lui-même. Sa chair et son sang sont une nourriture qui donne la Vie éternelle. Aujourd’hui comme autrefois, Jésus nous demande de faire un acte de foi. Il faut se nourrir de son enseignement et boire ses paroles. Elles sont celles du Fils qui nous apporte la vie du Père. Mais pour accueillir ce don, il nous faut sortir de nos certitudes et de nos raisonnements humains. Il nous faut avoir un cœur de pauvre, entièrement ouvert à celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6).

Pendant des siècles, à la Fête-Dieu, on a promené l’hostie à travers les rues de la ville pour signifier la présence du Christ au milieu de la cité. Il est relativement facile de faire une procession. Il est plus difficile et engageant de rendre le Christ visible par le témoignage de notre foi, par la force de notre charité. C’est à cela pourtant que nous nous engageons lorsque, partageant la chair et le sang du Seigneur, nous devenons son corps ici et maintenant.

L’Eucharistie est « Pain de vie ». Cette fête d’aujourd’hui doit raviver notre désir de communion avec Dieu pour « demeurer en lui et lui en nous » (Jn 15,4). « Toute Eucharistie est bien plus forte que tout le mal du monde ». C’est vrai, à chaque messe, nous célébrons le sacrifice du Christ et sa victoire sur la mort et le péché (Jn 16,29-33). Nous rendons grâce à Dieu qui ne cesse de nous combler de ses bienfaits. Malheureusement, nous sommes trop souvent victimes de la routine alors que nous devrions être dans l’émerveillement. Nous entrons dans l’Eucharistie sans transition, sans préparation. Et nous repartons souvent sans avoir pris le temps d’accueillir Celui qui veut faire en nous sa demeure. Et surtout nous n’avons pas compris que nous sommes envoyés pour vivre la communion.

Il nous faut aujourd’hui retrouver la force du message de l’Évangile. Quand nous sommes rassemblés pour célébrer l’Eucharistie, c’est vraiment LE moment le plus important de la journée. Malheureusement, beaucoup sont de grands absents : tout cela n’est pas nouveau. Déjà, au moment où saint Jean écrit son évangile, il souffre beaucoup de la désaffection des communautés vis-à-vis de l’Eucharistie. Alors, il leur rappelle avec force ce que Jésus avait dit aux juifs d’autrefois : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel » (Jn 6,51). 

Que cette bonne nouvelle nous mette dans la joie, l’action de grâce, et donne un élan nouveau à toute notre vie.