B PÂQUES 06 JEAN 15,09-17
Frères et sœurs, les pages bibliques de ce jour nous présentent de magnifiques textes qui nous parlent de l’amour de Dieu et du prochain. C’est un commandement que nous trouvons tout au long de la Bible, surtout dans le Nouveau Testament. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour » (Jn 15,9). « Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous aime » (Jn 15,12). Cet amour nous vient du Père. Pour nous atteindre, il passe par le cœur de Jésus. Et il ne demande qu’à passer par le nôtre pour se communiquer à tous ceux et celles qui nous entourent. Jésus nous communique cet amour qui est en Dieu pour le rayonner autour de nous. Grâce à lui et avec lui, nous pouvons travailler à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel.
Mais vous et moi ne sommes pas naïfs. En y regardant de près, nous voyons bien que ce n’est pas gagné. Nous vivons dans un monde qui souffre de la guerre, de la violence, du racisme, de la pandémie, de l’égoïsme, de l’indifférence, de la misère et des injustices de toutes sortes, sans compter ses nombreux problèmes économiques. Plus profondément encore, combien de personnes en notre monde cherchent encore le sens de leur vie, ne connaissent pas Dieu, vivent sans espérance ?
Malgré tout cela, en ce jour, le Christ nous invite à mettre plus d’amour et plus de fraternité entre nous. Cela doit commencer à l’intérieur de nos familles, chez nos proches et dans toutes nos relations. Des familles, des voisins qui n’arrivent pas à s’entendre, cela n’est pas acceptable. Et tellement dur à vivre, n’est-ce pas ? Ne pas parvenir à vivre en toute cordialité avec ceux et celles qui nous sont proches. Vivre à côté de personnes qui ne nous parlent pas, ne nous estiment pas, et peut-être nous haïssent, c’est non seulement un contre témoignage, mais dur à vivre. C’est pourquoi il est absolument essentiel de ne jamais oublier cette parole du Seigneur : « Demeurez dans mon amour ». Demeurer, cela veut dire : « Installez-vous et restez-y » pour « Que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11).
Dans la lecture des Actes des Apôtres (10,25-48) que nous avons entendue, nous avons vu que Pierre n’avait pas tout compris. Pour les juifs convertis au Christ, tout soldat romain était un ennemi national. Tout étranger était exclu du Royaume. Il était interdit à tout juif pieux de fréquenter la maison des païens. Souvenez-vous de la Samaritaine (Jn 4,1-42). Les premiers chrétiens partageaient cette façon de voir. Ils ignoraient que l’expansion de l’Évangile devait se traduire par le rassemblement de toutes les nations (Jn 11,45-57).
Mais l’Esprit Saint va faire voler en éclats toutes ces barrières. Pierre doit intégrer dans la communauté des croyants un païen converti. La famille de Corneille au complet. L’Évangile de Jésus Christ est pour tous, même pour ceux qui sont très loin au départ. Cet appel nous rejoint quand avons tendance à juger ceux qui ne sont pas de notre bord. Il y a des paroles méprisantes et blessantes qui sont un obstacle à l’annonce de l’Évangile. Je n’irai pas lire jusque dans le fond de votre cœur, mais pitié !, ne venez pas lire dans le mien non plus. Nous oublions que ces personnes ont la première place dans le cœur de Dieu. Elles sont son bien le plus précieux. En les rejetant, c’est contre Dieu que nous péchons. « Toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40), en mal ou en bien.
La lettre de saint Jean (1 Jn 4,7-10) insiste fortement sur le grand commandement de l’amour : « Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres puisque l’amour vient de Dieu ». L’amour du frère s’enracine dans l’amour dont Dieu nous aime. Il faut le dire et le redire : Dieu nous a aimés, il a aimé le monde pour que nous vivions de sa vie, c’est-à-dire de l’amour. Il s’est offert en sacrifice pour le pardon des péchés, c’est-à-dire pour nous réconcilier les uns avec les autres, pour construire un pont entre nous et non pas un mur. Il attend de nous une réponse qui soit à la mesure de son amour pour nous, un amour qui est sans mesure. Jamais Dieu ne nous retirera son amour. C’est pourquoi « la mesure d’aimer Dieu, c’est de l’aimer sans mesure » dira Saint Augustin.
« Dieu est amour » (1 Jn 4,8.16), nous affirme saint Jean, avec une audace théologique déconcertante : comment un homme, fut-il évangéliste, peut-il oser identifier le Dieu infini à un mot humain, même celui de l’amour ? Saint Jean affirme ceci comme le fruit de sa méditation de l’Écriture et de la vie du Christ. Sans doute parce que l’Amour qu’est Dieu ne s’est pas révélé de manière abstraite mais dans le concret d’une histoire. Il s’est manifesté au long de l’histoire d’Israël à travers les alliances renouées malgré les infidélités humaines. Dieu n’a pas manifesté son amour de manière générale ou désincarnée ; il l’a fait dans les limites de l’espace et du temps, dans les limites de la vie humaine de Jésus de Nazareth : en donnant sa vie pour ses amis et pour tous les hommes, le Christ nous a prouvé son grand amour, cet amour dont il n’y a rien de plus grand, puisqu’il est celui de Dieu même. « Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13). Pour saint Jean, reconnaître cette relation d’amour, c’est faire entrer Dieu dans notre vie.
Certes l’amour peut faire des déclarations, parfois solennelles. « Je t’aimerai toute la vie, peu importe ce qui adviendra… » Les chansons d’amour pullulent. Mais surtout l’amour se révèle par des actes, par des gestes posés au quotidien ou lors de circonstances critiques. Le geste extrême de l’amour fut posé quand un homme innocent, Jésus, se laissa librement mettre en croix. Son symbole est ce cœur blessé, transpercé, exposé à nos regards. Certes cette démonstration d’amour est très humble. « Je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,29), dit Jésus. Le chemin de l’Amour est celui de l’abaissement et de l’humilité : là est toute la vie du Christ. Saint Matthieu présente le visage humain de cet amour qui appelle à lui tous les petits pour les soulager de leur fardeau. « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous soulagerai » (Mt 11,28). C’est dans son humanité que se cache sa divinité.
Cette humilité du Fils de Dieu peut devenir celle de ses frères, les enfants de Dieu par adoption que nous sommes. Méditer sur la vie de Jésus peut rendre humble le cœur des fils de Dieu : car le disciple est appelé à devenir semblable au Maître. En effet, une affirmation centrale traverse les textes de Saint Jean. « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés » (1 Jn 4,10). Oui, Dieu a choisi Israël comme chacun de nous de manière libre et sans raisons humaines. « Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît pas », disait Pascal.
Une des plus grandes souffrances dans nos sociétés, c’est le mal d’amour. Combien de personnes croient qu’elles ne valent pas la peine d’être aimées ? Combien finissent par se convaincre d’être de trop et cherchent refuge dans des pratiques qui les détruisent à petit feu ? Combien en arrivent à se donner la mort ? Trouver sur son chemin quelqu’un qui témoigne de l’amour de Dieu pour le monde représente une issue de secours, une bonne nouvelle. C’est le charisme de l’amour. Pour cela, un seul chemin, se mettre à l’école de Jésus et nous aimer les uns les autres comme Jésus nous a aimés, humblement et radicalement.
En venant à l’Eucharistie, nous accueillons cet amour qui vient de Dieu. En Jésus, il se donne à nous pour que nous vivions. Il ne cesse jamais de faire le premier pas vers nous. Nous n’aurons jamais fini de contempler ces merveilles dans l’histoire de notre monde et dans notre vie. « Prier pour les autres est la première façon de les aimer et cela nous pousse à une proximité concrète » dit le Pape François. Alors oui, prions ensemble les uns pour les autres. Que le Seigneur nous rassemble tous dans la paix de son amour.