B 12 MARC 04, 35-41 (15)

Chimay : 20.06.2021

Frères et sœurs, après les métaphores botaniques de dimanche dernier, les textes bibliques de ce dimanche nous envoient à la mer et ses tempêtes : dans la Bible, les flots sont le refuge des forces du mal, l’abîme du péché. Mais c’est pour nous inviter à passer de la peur à la confiance que nous en parle saint Marc. Nous savons tous que cela n’est pas facile, surtout quand nous sommes affrontés à des tempêtes. Aujourd’hui encore des marins périssent en mer, et nous, nos vies traversent des moments de crise.

 

La première lecture nous parle de Job (38,1.8-11) quand il se trouve douloureusement éprouvé par le mal, saisi de frayeur face au chaos. Il reproche à Dieu de rester muet devant la souffrance qui lui est infligée et qui lui paraît injuste ; mais Dieu lui répond en affirmant sa puissance sur la mer, et, à travers elle, sur tout ce qui détruit l’homme. La suite de ce récit nous montrera que Job va retrouver une situation bien plus belle que celle qu’il avait au début.

Ce cri de souffrance est toujours d’actualité : des hommes, des femmes et des enfants sont douloureusement éprouvés par la maladie, la pauvreté, la famine, l’abandon, l’exploitation, etc. Beaucoup n’ont plus la force de crier vers le Seigneur ; nous pouvons le faire en leur nom. Ce cri est une prière que Dieu entend. La bonne nouvelle c’est qu’il ne nous laisse pas désespérés. Il ne cesse de venir vers nous.

Toutes ces souffrances qui accablent notre monde, le Christ les a prises sur lui ; c’est la grande découverte de Paul : Jésus est mort pour tous les hommes en portant le poids de leur mal ; nous ne devons plus rester centrés sur nous-mêmes mais sur lui qui est mort et ressuscité pour nous. Notre priorité absolue doit être d’accueillir cette vie nouvelle qu’il nous a obtenue par sa Passion et sa mort ; c’est une vie essentiellement caractérisée par un immense amour, « car le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né » (2 Co 5,17).

Dans l’Évangile, nous voyons que c’est cet amour qui pousse le Christ vers « l’autre rive » (Mc 4,35). Pour comprendre cette décision, nous devons savoir qu’il ne s’agit pas seulement de l’autre côté du lac, mais du monde païen. Jésus veut le rejoindre là où il en est. Il veut le libérer des puissances du mal et lui annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile. C’est une manière de dire qu’il n’est pas venu pour le seul peuple d’Israël mais aussi pour tous les hommes du monde entier. Il veut que « tous aient la vie en abondance » (Jn 10,10).

Ce passage vers une région païenne soulève la tempête et met à l’épreuve la foi des disciples. Au moment de la traversée, les puissances du mal se déchaînent pour faire obstacle à cette annonce de l’Évangile. Elles veulent engloutir la barque de la Parole ou de l’Eglise pour l’empêcher d’atteindre cette autre rive. Ce qui est étonnant dans cet évangile, ce n’est pas la peur des disciples ni leur crainte quand ils reconnaissent Jésus comme Dieu. Le plus surprenant c’est la question qu’il leur pose : « Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? » (Mc 4,40). Parfois, face à une épreuve, les gens vont dire : « Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? ». Et Jésus de répliquer : « Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? » (Mc 4,40). Le cri du cœur du Christ ne signifie pas que sa patience est à bout. Jésus ne désespère pas de nous. Il veut nous faire remarquer que nous perdons notre temps loin de lui et que nous pouvons avoir une confiance totale dans son action dans notre vie.

Le seul fait que Jésus soit dans la barque ne signifie pas que les vagues ne menacent pas l’embarcation. Cela vaut aussi pour nous : il ne faut pas croire que nous ne serons pas éprouvés du fait que nous vivions dans la grâce, que nos prières soient ardentes et que nous fréquentions les sacrements. Il ne faut pas prendre pour acquis que, nous comportant honnêtement, la vie sera facile et que tout ira selon nos souhaits. Ce qui est important pour nous c’est de bien s’assurer que Jésus est dans la « barque de notre vie » particulièrement quand les crises et les épreuves surviennent. Sa présence dans nos vies est le fondement qui nous donne espérance et force, que les eaux soient calmes ou agitées.

Quand on se trouve sur un bateau mal maîtrisé, face à une violente tempête, on a vite fait d’avoir peur. Quand saint Marc écrit son évangile, il s’adresse à des chrétiens persécutés. L’Église est un peu comme la barque de Pierre en train de couler. Ils ont l’impression que Jésus dort. Le soir du Jeudi Saint, dans le jardin de Gethsémani, les trois disciples de Jésus dorment. Dans le passage d’aujourd’hui, Jésus dort dans la barque. Il y a toute la différence du monde entre ces deux « sommeils ». Quand les disciples dormaient, le Christ était laissé complètement seul à un moment où il aurait eu besoin de leur compagnie. Dans le bateau, Jésus n’avait pas laissé ses apôtres seuls. Il était entièrement avec eux et les protégeait d’un possible danger. Alors, ils l’appellent au secours : « Seigneur, sauve-nous ; nous périssons » (Mt 8,25). Et dans son Évangile, Marc rappelle aux chrétiens ce qui s’est passé autrefois avec Jésus et les Douze sur la mer. Ils étaient complètement désemparés par la violente tempête qu’ils ont dû affronter. Marc veut révéler à travers la signification biblique de la mer toute la portée du geste de Jésus. Les vagues qui se jettent dans la barque annoncent les tourments que connaîtront les disciples et l’Eglise après Pâques. Alors, il leur semblera que le Christ dort, qu’il est inerte. Pourtant, lui qui est capable comme Dieu de maîtriser la mer, n’est-il pas le vainqueur de la mort depuis sa résurrection ? Avec Jésus, les puissances du mal n’ont jamais le dernier mot. Car au cœur de la tempête, se relier à Dieu comme un sauveur reste un soutien et une force. « Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : “Silence, tais-toi !” Le vent tomba, et il se fit un grand calme » (Mc 4, 39).

Si nous voulons être fidèles au Christ, nous sommes appelés à sortir de notre petit confort et à le suivre vers l’autre rive. De nombreux prêtres, religieux, religieuses et laïcs ont quitté leur famille, leurs amis pour aller vers l’inconnu. Ils ont traversé les océans pour annoncer Jésus à des peuples qui ne le connaissaient pas. Et actuellement, nous voyons des prêtres africains, indiens ou autres qui ont quitté leur famille et leur pays pour venir nous évangéliser. L’Évangile doit être annoncé à tous.

Cet évangile est une bonne nouvelle pour notre Église et notre monde affrontés aux tempêtes de la vie. C’est surtout un appel à la foi. Le Seigneur marche à nos côtés. Il est sur la barque de Pierre. Depuis le matin de Pâques, nous sommes passés sur « l’autre rive » celle de la « recréation » du monde. Désormais, plus rien n’est comme avant. Nous vivons de la vie nouvelle du Ressuscité. Cette vie doit être remplie de solidarité, de partage, de justice. Désormais, nous pouvons vivre comme le Christ, « non pour être servis mais pour servir » (Mc 10,45). Nous pouvons affronter les mêmes combats que lui pour maîtriser toutes les tempêtes des hommes, celles du mal et de la haine sous toutes ses formes. Avec lui, nous sommes assurés de la victoire.

Le Seigneur est toujours là au cœur de nos vies. Son Eucharistie nous le rappelle. Quelles que soient les tempêtes, et même s’il semble dormir, il veille sur nous comme sur son bien le plus précieux. Il est proche de nous, en nous. Il est notre lumière et notre salut. Rien ne saurait nous séparer de son amour.