B 16 MARC 06, 30-34 (12)
Chimay : 18.07.2021
Frères et sœurs, l’Évangile nous dit que Jésus « fut saisi de compassion, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6,34). Les foules ne lâchaient plus Jésus, ni les apôtres. De partout on cherchait à les suivre. Ceux-ci, les apôtres, revenaient comme d’instinct auprès de Jésu qui les avait envoyés en mission. Ils étaient partis sur les routes de Galilée en proclamant le Royaume, en appelant à la conversion. Ils avaient été mandatés par Jésus pour porter eux aussi l’Évangile dans les villes et les villages. Leurs paroles étaient accompagnées de signes puisque, comme leur maître, « ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à beaucoup de malades et les guérissaient » (Mc 6,13). – Au passage, on ne manquera pas de reconnaître dans l’onction d’huile sur les malades, le geste même que les prêtres accomplissent encore aujourd’hui sur les plus affaiblis : le sacrement des malades. Jésus avait déjà délégué les siens afin de poursuivre et de mener à bien son ministère de prédication et de guérison jusqu’à la fin.
Et l’Évangile nous dit que le Christ fut saisi de pitié devant ce désarroi des foules abandonnées à elles-mêmes. Cette page d’Évangile rejoint notre monde dans ce qu’il vit. Jésus voit les foules qui sont devant lui, celles de son temps et celles d’aujourd’hui. Il constate qu’elles sont « comme des brebis sans berger ». Beaucoup ne savent pas où ils vont – suite à des épreuves comme celles des inondations –, d’autres ne savent pas ce qu’ils sont, ni ce qu’ils font sur cette terre. Ils sont nombreux ceux et celles qui vivent sans enthousiasme, sans intérêt pour quoi que ce soit. Pensons à ceux qui sombrent dans la drogue ou d’autres dépendances ou qui mettent fin à leurs jours.
Cette image des « brebis sans berger », nous la retrouvons dans le livre du prophète Jérémie (23,1-6). Il nous décrit le désarroi du troupeau abandonné. Troupeau dispersé faute de berger. Il « est dispersé sur toute la surface du pays… sans personne qui aille à sa recherche ». Nous avons là une terrible accusation contre les responsables politiques et autres. Leur mission était de rassembler leur peuple dans la paix et l’unité. Or c’est le contraire qui arrive. Les uns et les autres n’ont pensé qu’à leurs intérêts personnels. Ils se sont enrichis au détriment des plus pauvres. Et c’est à cause d’eux que leur peuple est dispersé.
Le prophète Jérémie ne se contente pas de dénoncer des malheurs. Il nous dit que Dieu n’abandonne pas son peuple. Il vient à nous avec toute la tendresse d’une mère qui aurait perdu son enfant dans la nature. Voici ce qu’il nous dit : « Je viens moi-même chercher mon troupeau pour en prendre soin. Je l’arracherai de tous les endroits où ils ont été dispersés… Je le ferai paître dans un bon pâturage ». Oui, le Seigneur est « saisi de compassion ». C’est ce que nous dit l’Évangile. Dire que Jésus est « saisi de pitié » cela signifie qu’il est pris aux entrailles comme une mère pour son enfant ou encore comme un père pour son fils. Il ne supporte pas de voir cette foule partir dans tous les sens « comme des brebis sans berger ».
La bonne nouvelle, c’est qu’il veut les aider à retrouver un sens à leur vie. Il veut faire en sorte qu’ils ne se sentent plus perdus. Lui seul peut les aider à sortir de leur solitude et leur donner une espérance. Alors, il se met à les enseigner longuement. Contrairement aux mauvais pasteurs, il se dépense corps et âme. Lui-même nous dit qu’il est venu « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10).
Mais ce qu’il nous faut bien comprendre, c’est que Jésus ne vient pas faire le chemin à leur place. Il vient le faire avec eux. Il ne vient pas leur apporter des solutions à leurs problèmes. Il vient leur apporter la lumière de sa présence, la chaleur de son amour. Alors leur vie prend un sens. Ils découvrent qu’ils ne sont plus seuls, qu’ils vont vers plus d’amour. Car Dieu est avec nous « tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).
Cette bonne nouvelle, nous ne pouvons pas la garder pour nous. Le Seigneur cherche à ce que son amour, sa lumière et sa présence soient portés au monde entier. Il désire que chacun de nous soit un berger pour les autres, berger au nom de Jésus. C’est notre mission et notre responsabilité. Nous sommes envoyés pour être porteurs de joie et d’espérance auprès de tous les blessés de la vie. Ils nous sont confiés par le Christ lui-même. Il attend de nous que nous allions vers eux avec la même qualité d’amour et le même regard que lui.
Dans sa lettre aux Éphésiens, Saint Paul nous apporte un éclairage nouveau sur le Christ et sa mission. Un mur de haine sépare encore hommes et peuples. Il ne croulera que sous la poussée d’un amour qui s’enracine dans celui de Jésus. Le Christ se présente à tous comme le grand rassembleur. Par son sacrifice, il réalise l’unité du genre humain brisée par le péché. Il a abattu « le mur de la haine » que certains hommes avaient élevé pour défendre leurs privilèges. Dieu qui aime tous les hommes veut que nous arrivions à nous rassembler et à nous aimer. Dès maintenant, nous sommes invités à nous tourner vers la croix du Christ. Elle unit le ciel et la terre. Elle attire tous les hommes à lui. L’amour de Dieu qui se révèle dans la croix du Christ annonce le pardon et la réconciliation des hommes avec Dieu et entre nous.
Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus emmène les disciples à l’écart pour refaire leurs forces. La mission est si absorbante qu’ils en oubliaient de manger. Pour les apôtres que sont tous les baptisés, il est nécessaire d’apprendre à savoir se ressourcer auprès de Jésus. Comme alors, Jésus se laisse trouver à l’écart, dans les lieux déserts, là où les bruits et les distractions se taisent, du moins pour quelques instants. En d’autres termes, chacun d’entre nous peut et devrait chercher à rencontrer le Seigneur quotidiennement dans le silence de la prière cœur à cœur. Seul moyen pour conserver ou retrouver courage, force et joie pour mener à bien chaque journée. Comme pour Jésus et ses apôtres, ces petits moments de répit autour du Maître ne durent jamais très longtemps. Déjà, la foule les voit, accourt et les rejoint. Saint Vincent de Paul résumait cela par la fameuse formule : « Quitter Dieu pour Dieu ». Oui, quitter Dieu dans la prière pour aller à sa rencontre dans les hommes et les femmes que nous côtoierons aujourd’hui même.
Enfin l’Évangile de Marc ne nous dit pas le contenu du sermon de Jésus ce jour-là. Peut-être pourrions-nous résumer l’enseignement de Jésus à ses disciples en ce jour par un aphorisme léger : « Est missionnaire selon le cœur de Dieu, non pas celui qui fait beaucoup de choses pour Dieu mais celui qui se laisse totalement faire par Dieu » ; ou par cette courte phrase de Saint Bernard : « Peu, bien, jusqu’au bout ».
Pour partager la Bonne Nouvelle, il faut d’abord en vivre, et pour en vivre vraiment il faut s’abreuver à l’unique source de la Vie : le Christ. La force lumineuse que l’on peut puiser dans la prière – comme l’eau vive que Jésus propose à la Samaritaine – peut alors se partager à l’infini avec ceux que nous rencontrons. Car Jésus est « la Voie, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6).