B 27 MARC 10,02-16 (13)

Chimay : 03.10.2021

Frères et sœurs l’Évangile de ce dimanche nous montre deux manières de se comporter à l’égard du Christ : d’un côté, nous trouvons celle des petits enfants ; Jésus les donne en exemple pour leur manière d’accueillir le Royaume de Dieu : « Le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent » (Mc 10,14). Ce Royaume est offert à tous. Pour l’accueillir, il suffit de se laisser aimer par Dieu comme seuls les petits enfants savent le faire. Face à eux, l’Évangile nous montre ceux qui ne cherchent qu’à piéger Jésus. Ils n’hésitent pas à utiliser la ruse pour l’enfoncer. Ces deux attitudes, celle des petits enfants et celle des pharisiens nous interpellent : comment accueillons-nous la Parole de Dieu ? Avec droiture et générosité ? Ou dans l’indifférence et le refus ?

 

Cette différence dans l’accueil de la Parole de Dieu est illustrée par la question des pharisiens à Jésus : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » (Mc 10,2). Déjà au temps de Jésus, l’engagement du mariage posait question. Jésus renvoie les pharisiens à la Loi de Moïse qu’ils connaissent par cœur. Il leur rappelle le projet de Dieu pour le couple : « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un » (Gn 2,24). Pour Dieu, le mariage est un engagement fort. L’homme est appelé à dominer le monde : « l’homme donna leurs noms à tous les animaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes des champs » (Gn 2,20) ; mais l’amour n’est pas rapport de domination : il est reconnaissance mutuelle jusqu’à ne plus faire qu’un avec sa partenaire. L’homme reconnaît la femme semblable à lui et l’amour qui l’attache à elle lui fait rompre toutes ses attaches antérieures, même les plus solides comme celles de la parenté. Ainsi, sous des dehors imagés, la Bible distingue en l’homme son pouvoir de domination de sa capacité à aimer qui est de reconnaître autrui pour un autre lui-même. Et Jésus ajoute : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Mc 10,8). L’unité des époux réalise le dessein créateur de Dieu qui veut que, par l’amour, l’homme et la femme ne fassent plus qu’un.

Quant aux pharisiens, ils savent que la Loi permet de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. Jésus leur répond que si Moïse a fait cette concession, c’est « à cause de l’endurcissement de leur cœur » (Mc 10,5). La Bible prend les gens là où ils en sont pour les amener progressivement vers la Révélation dans le Christ Jésus. Mais cet enseignement du Christ est très fort ; car il défend la dignité du mariage. L’homme et la femme qui se marient sont appelés à former une communauté de vie, de partage et d’amour. À travers leur manière de s’aimer et d’aimer leurs enfants, ils disent quelque chose de l’amour passionné qui est en Dieu. Or c’est précisément cela qui a été voulu par Dieu depuis les origines. Il a voulu que leur amour soit un écho de celui qui est en lui.

Cependant il est vrai que tout cela ne va pas sans difficulté. Il suffit de voir tous ces couples qui n’arrêtent pas de se déchirer et qui finissent par se séparer. Nous voyons aussi des vies de familles très déroutantes : certaines se contentent d’être des familles hôtels-restaurants ou des familles-dortoirs. Elles sont une simple juxtaposition de personnes ; il n’y a pas de vrai dialogue sur les questions essentielles. La dureté de cœur des contemporains de Jésus n’est pas éloignée de la nôtre. Ce qu’il y a de différent c’est que nos échecs, signe de notre péché, sont saisis dans le projet d’amour de Dieu. C’est cela, la miséricorde de Dieu : elle reconstruit et ressuscite ce qui a été perdu, blessé, brisé.

Un jour, Jésus a dit qu’il est « venu pour que tous les hommes aient la vie en abondance » (Jn 10,10). Cela vaut aussi pour les couples. Par le sacrement de mariage il veut les aider à ne plus faire qu’un dans l’amour. Aujourd’hui, nous le prions d’ouvrir le cœur de tous les époux à son projet d’amour. Aimer c’est une aventure qui s’appuie sur la fidélité de Dieu. L’union de l’homme et de la femme nous dit quelque chose de l’alliance entre Dieu et les hommes. En vivant dans l’amour, le respect et la fidélité, ils témoignent à leur manière d’un Dieu qui aime, qui pardonne et qui se donne. Un jour j’ai connu un couple dont l’homme est parti avec une femme plus jeune, plus jolie, plus d’adon, etc. Mais le monsieur a développé un cancer. Comme sa deuxième femme ne voulait pas d’un cancéreux, il est revenu vers sa première femme, qui l’a soigné jusqu’à sa mort. Il faut croire en l’Évangile pour pardonner ainsi.

C’est vrai que tout cela n’est pas facile à vivre. Mais aujourd’hui, Jésus nous annonce une bonne nouvelle : ce qui est impossible aux hommes ne l’est pas pour Dieu. Dieu seul peut nous donner un cœur neuf, un esprit nouveau. Le problème de chacun de nous n’est pas la conversion des autres mais la nôtre ; c’est de transformer notre propre cœur. Dieu seul peut nous apprendre à aimer comme il nous aime. Il est fidèle, même si nous le trahissons. Il nous conserve sa tendresse absolue indépendamment de la nôtre. Alors, « soyons parfaits comme notre Père du ciel » (Mt 5,48). Même si ce n’est pas apparent, sa volonté coïncide toujours avec notre bonheur.

Recevons cet enseignement du Seigneur comme un appel à défendre la famille sans relâche. À son époque, le pape Jean-Paul ii nous rappelait que l’avenir de l’humanité passe par la famille. C’est là que nous apprenons le sens du partage, du don et du respect de l’autre. C’est aussi là que nous apprenons à nous ouvrir à la richesse du pardon et de l’écoute, au respect des différences, à la patience qui fait grandir.

La lettre aux hébreux (2,9-11) ne nous parle pas aujourd’hui spécialement du mariage. Mais elle nous révèle cet amour passionné de Jésus pour tous les hommes. « Jésus n’a pas honte de les appeler ses frères » (Hb 2,11). C’est un amour qui est resté fidèle et qui s’est donné jusqu’au sacrifice de sa vie « au profit de tous » (Hb 2,9). Par sa Passion, sa mort et sa résurrection, il nous a ouvert le chemin de la vraie vie. Or la perfection de la vie, c’est d’aimer. Et la perfection de l’amour, c’est de donner sa vie pour ceux que l’on aime. Ce que le Seigneur attend de nous, c’est que nous venions à lui comme les petits enfants dont nous parle l’Évangile. C’est autour de lui que doit se construire l’unité des familles et celle des communautés chrétiennes. Il ne demande qu’une chose : le laisser nous aimer, totalement, laisser vivre pleinement son Esprit qui habite au plus profond de notre être.

A propos des enfants, rarement Jésus se fâche, et lorsqu’il le fait c’est toujours pour des raisons qui touchent à l’essentiel. Dans la deuxième partie de cette page d’Evangile d’aujourd’hui, Marc nous donne à voir une scène qui a dû étonner ses contemporains. Les disciples voulaient garder Jésus pour eux seuls. Les enfants les dérangent. Mais ces enfants ont de l’importance pour Jésus. Alors Jésus se fâche, et si l’évangéliste prend soin de le noter c’est que Jésus a dû rabrouer vertement ses disciples. Jésus manifeste aux enfants de l’attention, du respect, de la bienveillance. Chacun, même le plus petit, est accueilli par Dieu. Et chacun est invité à se laisser accueillir par Jésus, comme un petit enfant. Lorsqu’un bébé arrive dans une famille, il devient le centre de l’attention. Il semble qu’il n’a rien à nous apporter et, pourtant, c’est lui qui nous fait sourire. Le Royaume, ce n’est pas un problème à résoudre mais un mystère à accueillir.

En ce dimanche, nous nous tournons ensemble vers notre Dieu qui est source de tout amour. L’Eucharistie, c’est Dieu qui se donne pour nous faire vivre de son amour à l’intérieur de nos familles et de nos divers lieux de vie. Dieu nous aime tous inconditionnellement quelle que soit notre situation et quels que soient nos torts. Il vient nous chercher là où nous en sommes pour nous inviter à faire un pas de plus sur le chemin de la vie. Que cette bonne nouvelle nourrisse notre espérance, notre vie et notre prière !