C SAINTE FAMILLE LUC 02, 41-52 (13)

Chimay : 26.12.2021

Frères et sœurs, en cette fête de la sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, la liturgie nous propose trois lectures qui nous parlent de la famille. Dans le premier livre de Samuel (1,20-22.24-28), nous avons le témoignage d’Anne. Par ses prières insistantes, elle a reçu de Dieu un fils. Elle l’emmène au temple de Jérusalem pour qu’il soit consacré au Seigneur pour toujours. C’est une manière de rappeler que les enfants n’appartiennent pas seulement à leurs parents. Ces derniers n’en sont pas les propriétaires. Les enfants sont un don de Dieu qui est Père de tous les hommes. Dans ce récit, Anne préfigure Marie, la mère de Jésus : elle ne reçoit que pour donner. C’est dans ce don à Dieu que s’enracine la vocation personnelle de tout homme.

 

Dans la seconde lecture, saint Jean (1 Jn 3,1-2.21-24) nous invite à faire un pas de plus. Ce qui est premier, c’est l’immense amour que Dieu nous porte. Nous sommes réellement comblés de l’amour même dont le Père aime son Fils. Il va jusqu’à nous faire entrer dans sa famille : « Il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes » (1 Jn 3,1). Un jour, le Fils de Dieu se manifestera au monde pour réaliser pleinement ce que nous sommes déjà. Nous nous préparons à ce grand jour en nous efforçant de vivre les commandements de Dieu : avoir foi en son Fils Jésus et nous aimer les uns les autres.

C’est en effet cet amour fraternel qui permettra au monde de reconnaître les enfants de Dieu. Tout au long de notre vie, nous apprenons à aimer les autres de l’amour dont Dieu nous aime. Saint Jean nous invite tous à demeurer en Dieu. Demeurer, c’est s’installer dans cet amour qui est en Dieu et y rester. Avec la foi, l’amour peut devenir profond car il prend sa source en Dieu, une source qui ne peut jamais tarir.

L’Évangile de saint Luc nous présente aujourd’hui Jésus qui s’est rendu en pèlerinage au temple de Jérusalem. Il y reste huit jours avec Marie et Joseph. Puis c’est le moment de retourner à Nazareth. Le jeune Jésus reste au temple sans prévenir ses parents. Quant à eux, ils quittent la ville sans vérifier s’il est du voyage. Cette séparation durera trois jours.

Quand Marie et Joseph le retrouvent au temple, ils sont témoins de l’étonnement admiratif de ceux qui sont autour de lui ; il est assis au milieu des docteurs de la loi pour les écouter et leur poser des questions. Ces derniers sont vraiment stupéfaits par ce qu’ils entendent de lui. Quand Marie et Joseph lui font part de leur angoisse, ils entendent cette réponse surprenante : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc 2,49). Jésus, à l’âge de 12 ans, laisse entendre à ses parents que sa vraie demeure est d’être chez son Père. L’évolution psychologique de Jésus l’a conduit à une prise de conscience progressive de sa personnalité et de sa vocation.

Cet évangile nous révèle donc une intimité très forte entre Jésus et son Père. C’est la première parole de Jésus qui nous est rapportée par saint Luc. La dernière sera également pour lui : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23,46). La sagesse exceptionnelle de Jésus enfant devant les docteurs de la loi s’enracine dans une fidélité inconditionnelle à son Père des cieux. Depuis son plus jeune âge, il en est le parfait adorateur. L’essentiel de sa vie est dans l’invisible.

« Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant, ton père et moi ! » (Lc 2,48). Celle que saint Luc appelle sa mère participe évidemment, avec Joseph, à l’inquiétude plus que compréhensible de tous les parents ayant perdu leur enfant. Mais il y a plus profond. D’abord, cette première journée à penser que Jésus est avec leurs compagnons de route. Puis le retour tourmenté vers Jérusalem. Et au troisième jour, Jésus en pleine écoute et dialogue avec les docteurs de la Loi. Jésus qui ne les attend pas de façon alarmée, mais leur dit ce qu’ils ne peuvent comprendre encore : « C’est chez mon Père que je dois être » (Lc 2,49).

Ces trois jours prennent force quand on les prie en communion avec la Sainte Famille. Voulue par Dieu afin que l’incarnation de son Fils soit plénière, elle est aussi le lieu du dépassement, pour Marie et Joseph, de tout ce qu’ils pouvaient en concevoir. C’est bien à ce charisme unique de la Sainte Famille que peuvent venir se confier toutes les aspirations et blessures de l’humanité. Notre intercession pour les familles de la terre, trouve sa profondeur dans la simplicité dont témoignent ses membres saints. À la fois nécessaires pour « que Jésus grandisse en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes » (Lc 2,52), ils ont vocation à l’effacement d’amour envers Celui dont la nourriture est de faire la volonté de son Père.

Marie et Joseph ont eu à faire cette adhésion d’amour à Dieu. Et c’est vrai aussi pour nous aujourd’hui. Bien souvent, cela prend l’apparence d’une adhésion « dans la nuit ». Marie et Joseph retrouvent Jésus « le troisième jour, assis chez le Père ». Un autre jour, vingt ans plus tard, Marie perdra Jésus.  Au pied de la croix, elle va vivre la douloureuse expérience de perdre son enfant. Elle ne le retrouvera qu’à la résurrection, le troisième jour. Il ne sera plus chez elle mais dans la maison de son Père.

Il y a là un autre message très important pour chacun de nous. Cette maison du Père, ce n’est plus seulement un bâtiment de pierres, ce n’est pas le temple de Jérusalem, ni une église. La demeure que Jésus veut habiter, c’est le cœur des hommes. Tous sont appelés à abriter la Sainte Famille de Dieu qui est Père, Fils et Esprit Saint.

Au jour de notre baptême, nous avons été accueillis dans la communauté chrétienne, nous sommes entrés dans la grande Famille de Dieu qui est Père, Fils et Esprit Saint. Nous avons été plongés dans cet océan d’amour qui est en lui. Désormais, nous faisons partie de la Sainte Famille de Dieu. Et l’Évangile de ce dimanche nous rappelle que c’est chez notre Père que nous devons être. C’est le grand objectif de notre vie et il doit passer avant toute autre considération terre à terre. Aujourd’hui, nous sommes renvoyés à la place que nous donnons à Dieu dans notre vie. Il faut bien le reconnaître : il est souvent le grand oublié ; le sport, les repas de famille, les loisirs et bien d’autres choses passent avant lui. En ce jour, laissons-nous interpeller par cette parole du Christ : « C’est chez mon Père que je dois être » (Lc 2,49).

C’est en pensant à toutes nos limites et à toutes nos faiblesses que nous nous tournons aujourd’hui vers le Christ. Pour construire une vie qui résiste aux épreuves, nous avons besoin de nous appuyer sur du solide. Si nous le voulons bien, le Christ sera ce roc sur lequel nous pourrons nous appuyer pour résister aux tempêtes de la vie. Il veut toujours être notre chemin, notre vérité et notre vie (Jn 14,6). Son grand projet c’est de nous conduire chez son Père et notre Père. Alors oui, tournons-nous vers lui et demandons-lui qu’il nous aide à travers les difficultés, les doutes et les épreuves de cette vie à grandir dans la foi.

Seigneur Jésus, tu es venu nous révéler le visage de ton Père. Comme Marie, donne-nous de garder ces événements dans notre cœur. Que ta Parole nous habite et fasse vivre chacune de nos familles. Conduis-nous sur le chemin que tu es venu nous montrer et garde-nous fidèles à ton amour. Amen.