C RAMEAUX LUC 22,14-23,56
(13) Chimay :
10.04.2022
Frères et sœurs, au début de cette célébration, nous avons entendu le récit de l’entrée de Jésus à Jérusalem. Les quatre évangélistes ont rapporté l’événement avec précision. La foule populaire des faubourgs de Jérusalem acclame le Christ-Roi sans savoir qu’elle lui ouvre la route vers la croix. Les acclamations de la foule ont été pour lui un triomphe très modeste mais incontesté. Cet événement annonce la gloire qui est déjà la sienne. Mais tout au long de cette célébration, nous découvrons que ce chemin de gloire se révèle être un chemin de souffrance, de dépouillement et de confiance. « Père entre tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23,46).
Les trois lectures de ce dimanche nous montrent la façon délibérée dont Jésus entre dans la souffrance ; Il est allé jusqu’au bout de sa mission, jusqu’au don de sa vie. Son attitude nous invite à prendre le même chemin : écouter la Parole de Dieu comme celui qui se laisse instruire par cette parole pour pouvoir réconforter celui qui n’en peut plus (Is 50,4-7), accepter comme le Christ les dépouillements de nous-mêmes (Ph 2,6-11), aller jusqu’au bout de l’amour qui pardonne (Lc 22,14-23,56).
Jésus prend la figure du serviteur, fidèle et confiant, annoncé par Isaïe. Il porte en sa chair tous les hommes qui, avant lui et après lui, ont subi ou subiront l’injustice et la haine. La seule réponse du Christ aux attaques est l’amour pour tous. Sans connaître le chemin ni l’issue de sa Passion, Jésus peut dire avec Isaïe : « J’ai rendu ma face dure comme pierre : je ne serai pas confondu » (Is 50,7).
Ce chemin qui s’inaugure au dimanche des Rameaux, nous le retrouvons inversé durant les trois derniers jours de la Semaine Sainte : Passant par la souffrance et l’offrande de sa vie, le Christ sortira de son tombeau. La mort sera vaincue. C’est à cette victoire sur la mort et le péché que le Christ nous conduit ; c’est cette Bonne Nouvelle que nous rappelle saint Paul dans sa lettre aux Romains : « Là où le péché a abondé, l’amour a surabondé » (Rm 5,20).
Ce récit de la Passion n’est pas un simple reportage ; c’est d’abord la source de notre foi. Ce Jésus qui a été acclamé lors de son entrée à Jérusalem veut aussi entrer dans notre vie ; il ne cesse de frapper à notre porte et il attend que nous lui ouvrions. « Voici, je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu’un entend ma voix et qu’il ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi » (Ap 3,20).
À quelques jours de Pâques, la liturgie nous mène ainsi de la joie des Rameaux à la vie donnée de Celui qui entre en Passion. Les paroles d’Isaïe éclairent le chemin d’un mot essentiel : Jésus est le Serviteur du Seigneur, celui qui écoute sa parole pour accueillir de lui celles de la consolation pour tous (Is 50,4). Après le chant des psaumes, Jésus entre dans le chemin ultime, désormais seul. Les apôtres sont à mille lieues de là et s’interrogent – ou se querellent ! – pour savoir qui est le plus grand d’entre eux (Lc 22,24). Où donc se perd leur pensée ? Pierre jure de toutes ses forces qu’il ne laissera jamais tomber Jésus. Mais au chant du coq, tout proche maintenant que la nuit gagne, il aura renié. Cependant Jésus a prié pour lui, pour qu’une fois revenu il affermisse ses frères (Lc 22,32). Réconfort pour nous, qui ne savons pas toujours où nous situer en cet instant. Pendant sa passion, Jésus se montre tel qu’il a toujours été, et jusqu’au bout, il annonce le pardon : aux femmes de Jérusalem, au larron, et même aux bourreaux : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Sa vie est dans les mains du Père, et il meurt confiant entre les mains du Père. À cela, l’officier païen reconnaît que cet homme était un juste : « Vraiment cet homme est le Fils de Dieu ! » (Mc 15,39). Dans la traversée obscure de la Passion, Jésus est traversé de lumière, de celle qui vient de Dieu, pour que nous le soyons aussi.
Jésus a connu à Jérusalem l’adhésion bien superficielle de ceux qui attendaient le relèvement d’Israël, mais aussi toutes les insultes, les blessures, les trahisons, d’un procès joué d’avance. À travers les attitudes hostiles de la foule, l’évangile fait apparaître le rejet de Dieu lui-même, en même temps que l’exclusion du faible, de l’humilié, de l’artisan de paix. À chaque messe, Jésus rejoint les communautés chrétiennes réunies en son nom, et il nous regarde. C’est avec toute la force de notre amour que nous sommes invités à lui répondre : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Lc 19,38). Nous allons communier au Corps « livré pour nous » et au Sang « versé pour nous ». Nous recevrons de lui la force de le suivre et de faire route avec lui.