C PÂQUES 02 JEAN 20,19-31 (12)
Chimay : 24.04.2022
Frères et sœurs, en ce deuxième dimanche de Pâques, la communauté chrétienne célèbre ce que l’évangile de Jean appelle « le premier jour de la semaine » (Jn 20,19). La première expérience pascale, en effet, celle des femmes puis des disciples, eut lieu en un tel jour. Pour ceux qui croient au Christ ressuscité, le dimanche remplace désormais le sabbat, septième et dernier jour de la semaine. Le nouveau cycle hebdomadaire est enclenché. Le huitième jour devient, au lieu du septième, le premier jour du monde nouveau. On entre dans cette nouvelle création par une nouvelle naissance, le baptême, et ses membres sont comme des enfants nouveau-nés, avides du lait pur de la Parole de Dieu (1 Pi 2,2). Ce huitième jour était celui où les baptisés de Pâques déposaient leur vêtement blanc.
C’est aussi le dimanche de saint Thomas et de tous ceux qui éprouvent des difficultés à croire que Jésus est vraiment ressuscité. D’abord incrédule, Thomas finit par accepter l’évidence lorsque Jésus en personne se manifeste à lui au milieu des disciples réunis. Nous ne bénéficions pas d’une rencontre aussi directe. Pourtant, à chacun d’entre nous Jésus dit : « Cesse d’être incrédule, sois croyant ! » (Jn 20,27). Et il ajoute : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29).
Enfin en ce dimanche qui conclut l’octave de Pâques, nous entendons Jésus nous souhaiter la paix. Ce n’est pas un salut ni un simple vœu ; c’est un don qu’il offre à ses disciples et à chacun de nous. « La paix soit avec vous ! » (Jn 20,19.21.26). Au moins trois fois dans le texte d’évangile d’aujourd’hui : la paix du cœur, la paix de l’âme, la paix de l’être ; mais aussi la paix avec les autres et avec le monde. Cette paix, c’est la victoire de l’amour sur le mal ; c’est le fruit du pardon et de la miséricorde de Dieu. Cette paix, Jésus l’adresse à des disciples qui l’avaient abandonné. Ils l’avaient laissé seul face à la souffrance et à la mort. Eux-mêmes se sentaient menacés. Ils s’attendaient à être arrêtés et condamnés. C’est pour se protéger de ce danger qu’ils se tiennent cachés et enfermés en un lieu secret. Dans un monde hostile ou indifférent à la foi des chrétiens, la tentation reste grande de se replier et de rester entre nous.
En continuant la lecture de cet Évangile, nous découvrons que Jésus a fait une chose encore plus incroyable : Il envoie ses disciples en mission. « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie… » (Jn 20,21). Il aurait pu se dire qu’il ne peut pas compter sur eux car ils ne sont pas fiables. Ils ont peur. Ils n’ont pas confiance en eux-mêmes. Or voilà que malgré leurs faiblesses et leur trahison, il leur renouvelle toute sa confiance. Il leur donne son Esprit Saint pour qu’ils puissent répandre dans le monde le pardon des péchés, ce pardon que Dieu seul peut donner (Jn 20,22-23).
Aujourd’hui comme autrefois, les chrétiens sont envoyés pour transmettre aux hommes le pardon de Dieu. Nous avons reçu pour mission de faire grandir le Royaume d’Amour et de semer la paix dans les cœurs. C’est ainsi que l’Esprit du Christ ressuscité chasse la peur dans le cœur des apôtres. Il les pousse à sortir du Cénacle pour annoncer l’Évangile à tous. Ce même Esprit Saint nous est aussi donné pour témoigner de notre foi en Jésus ressuscité. Nous ne devons plus avoir peur d’être chrétiens et de vivre en chrétien. Le Seigneur nous assure de sa présence et nous pouvons toujours compter sur sa force. Non pas notre force, mais sa force à lui.
Les apôtres ont répondu à l’appel de Jésus. Ils se sont mis à annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile. La lecture des Actes des Apôtres (5,12-16) nous montre des communautés chrétiennes qui ont accueilli la miséricorde du Seigneur. L’unanimité des premiers chrétiens faisait l’admiration de tous et entraînait des conversions. La rencontre avec Jésus de ces premiers chrétiens a complètement changé leur vie. Ils ont compris qu’ils sont appelés à devenir une communauté de partage, de prière et de découverte de Dieu.
Pour comprendre le livre de l’Apocalypse, il faut savoir que ce livre a été écrit pour des chrétiens persécutés. Saint Jean les invite à tenir bon malgré les épreuves qu’ils ont à rencontrer. La priorité absolue c’est de revenir au cœur de la foi, au Christ mort mais ressuscité. Par sa mort et sa résurrection, Jésus est vainqueur de la mort et du péché. C’est à cette victoire qu’il nous associe.
Ce message d’espérance nous rejoint dans un monde où beaucoup de chrétiens sont persécutés ou tournés en dérision. Mais le Seigneur est toujours là. Il nous rejoint dans nos épreuves et nos doutes. En nous rassemblant à l’église, nous apprenons à reconnaître en Jésus « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28). Il ne demande qu’à nous rejoindre pour nous aider à sortir de nos enfermements et à grandir dans la foi.
Nous avons tous besoin de réapprendre à vivre de cet amour miséricordieux qui est en Jésus. Et surtout, nous sommes envoyés pour en être les témoins et les messagers dans ce monde qui en a bien besoin. Beaucoup ne connaissent pas la miséricorde. Les coupables sont pointés du doigt, enfoncés dans la honte et l’échec ; leurs incartades sont dénoncées et publiées. Nous, chrétiens, nous sommes invités à nous ajuster à Jésus qui veut à tout prix sauver tous les hommes, même ceux qui ont commis le pire. Comme il l’a fait pour les disciples, il nous envoie malgré nos peurs, nos craintes et nos faiblesses. Car le principal travail, c’est lui qui le fait. Il est à l’œuvre ; nous, nous ne sommes que les manœuvres.
Après la mort de Jésus, les disciples ont tout verrouillé. Ils se sont murés dans leur peur. Heureusement, ils ne se sont pas dispersés. Jésus les rejoint dans cette situation-là. La rencontre résume tous les événements du temps pascal : apparition du Seigneur ressuscité, joie des disciples de le retrouver, envoi en mission : « De même que le Père m’a envoyé moi aussi, je vous envoie » (Jn 20,21) ; enfin Pentecôte : « Il répandit sur eux son souffle et il leur dit : Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22) et le pouvoir de remettre les péchés. L’Église était née, la miséricorde en était le premier signe.
Absent ce soir-là, Thomas est sceptique : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son coté, non je ne croirai pas » (Jn 20,25). Jésus a la simplicité de revenir une semaine plus tard : « Cesse d’être incrédule, sois croyant » (Jn 20,27). La joie de Jésus est de nous entraîner dans la foi : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! » (Jn 20,29).
Chacun de nous ressemble à Thomas comme à son jumeau, ce disciple qui rate la rencontre la plus importante de sa vie. Ce dimanche de la divine miséricorde nous est proposé pour laisser le Christ franchir les murs qui enferment nos cœurs. Que l’Esprit Saint nous donne d’annoncer l’Évangile, d’être pardonné, de prendre soin de ce qui a encore besoin d’être relevé, soulagé et transformé. Ne manquons pas la rencontre du ressuscité.
L’expérience pascale se renouvelle, discrètement mais réellement, chaque dimanche, ainsi que l’évoque l’Apocalypse, livre écrit pour donner courage et espérance aux chrétiens persécutés sous l’empereur Domitien (entre 91 et 96). En un jour que l’Apocalypse appelle « le jour du Seigneur », Jean rencontre un mystérieux Fils d’homme – manière dont Jésus déjà se désignait dans les évangiles – qui lui déclare : « Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles ; je détiens les clés de la mort et du séjour des morts » (Ap 1,17-18). Expérience fondatrice que l’Église actualise chaque dimanche et qui nourrit son espérance, pour aller ensuite dans la Paix du Christ. C’est le dernier mot de la messe : Allez dans la paix du Christ.