C 19 LUC 12,32-48 (13)

Chimay : 07.08.2022

 

« Sois sans crainte, petit troupeau… » (Lc 12,32). Frères et sœurs, ce sont là les paroles de Jésus à ses disciples dans l’évangile d’aujourd’hui. Un appel à l’espérance. Un appel que nous retrouvons tout au long de la Bible : « Ne crains pas » (Mt 1,20), « N’ayez pas peur » (Jn 6,20), et d’autres formulations équivalentes sont répétées 365 fois dans les Écritures. Une parole de réconfort pour chaque jour de l’année !

Quand saint Luc écrit son Évangile, beaucoup de chrétiens sont tentés d’abandonner la foi, à cause des persécutions. Alors, il leur rappelle les paroles de Jésus : « Sois sans crainte, petit troupeau » (Lc 12,32). Cette image du troupeau est un beau symbole ; elle exprime la vigilance et l’amour de Dieu pour son peuple ; et Jésus se présente aux siens dans le rôle du berger qui veille sur chacune de ses brebis ; rien ne saurait les séparer de son amour. « Oui, j’en suis sûr, écrit saint Paul, rien ne pourra nous séparer de l’amour que Dieu nous a montré dans le Christ Jésus, notre Seigneur. Ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les esprits, ni le présent, ni l’avenir, ni tous ceux qui ont un pouvoir, ni les forces d’en haut, ni les forces d’en bas, ni toutes les choses créées, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu ! » (Rm 8,38-39).

Toutefois, cette crainte qui menace le « petit troupeau », nous la connaissons bien. Nous pensons à nos limites, à nos faiblesses, à nos péchés. Nous voyons tous les jours qu’il n’est pas facile d’affirmer sa foi dans un monde hostile et indifférent. Mais la Parole de Dieu retentit inlassablement : « Ne crains pas, je suis avec toi. N’aie pas ce regard anxieux car je suis ton Dieu » (Is 43,1). Comme il l’a fait pour ses apôtres, lors d’une tempête sur le lac, Jésus nous interpelle : « Confiance, je suis là, n’ayez pas peur » (Mt 14,27). Eh bien chers frères et sœurs, le même Christ nous rejoint dans les tempêtes de notre vie, pour nous rassurer et nous inviter à aller de l’avant.

Le petit troupeau a grandi, mais l’Église du Christ n’en reste pas moins un petit troupeau. Car ils sont nombreux ceux et celles qui ne connaissent pas le Christ et ne veulent pas entendre parler de lui. Le Seigneur n’a pas promis le succès ni la puissance à son Église. Il veut simplement qu’elle soit « le sel de la terre » (Mt 5,13) et « le levain dans la pâte » (Mt 13,33). Le sel de la terre et le levain dans la pâte, c’est d’abord Lui. Dans ce monde, c’est de Lui que nous avons à témoigner ; Il est l’espérance qui nous anime : « Votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume » (Lc 12,32). Il nous fait cette promesse, parce qu’il nous aime tous gratuitement et sans mérite de notre part.

Notre priorité, c’est de nous préparer chaque jour à accueillir ce don de Dieu. « C’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’Homme viendra » (Lc 12,40). Non, ce n’est pas une menace ; il ne s’agit pas d’entretenir une inquiétude ni une angoisse. Cette vigilance, c’est celle de l’amour qui cherche à grandir et s’ouvre de plus en plus aux autres. Cet amour nous empêche de nous replier sur nous-mêmes et de nous endormir sur nos soucis, grands ou petits. Être vigilants, c’est creuser toujours plus en nous le désir de la présence de l’Esprit de Jésus ; c’est rester attentifs à sa Parole ; c’est apprendre à aimer toujours mieux parce que nous sommes infiniment aimés.

« Gardez vos lampes allumées » (Lc 12,35). Nous nous rappelons qu’autrefois, une lampe ne restait allumée que si on prenait soin de l’alimenter en huile. Il ne fallait surtout pas tomber en « panne sèche ». Garder notre lampe allumée, c’est tout faire pour que notre vie soit remplie d’amour. C’est le Christ lui-même qui nous le demande : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13,34). Mais n’oublions pas que notre vie ne sera remplie d’amour que si nous puisons auprès de Celui qui en est la source. C’est par la prière, les sacrements et l’accueil de la Parole de Dieu que nous pourrons alimenter nos lampes.

« Restez en tenue de service ! » (Lc 12,35). Servir, c’est le contraire de dominer. Au soir du Jeudi Saint, Jésus s’est agenouillé devant ses disciples. Lui, le « Maître et Seigneur » s’est fait serviteur pour servir ceux qui étaient sous ses ordres en quelque sorte. Aujourd’hui c’est l’occasion de demander au Seigneur de nous ajuster à cet amour qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Qu’il nous donne la grâce d’être prêts lorsqu’il reviendra.

Le texte de la Sagesse (18,6-9) nous présente un Dieu libérateur et sauveur de son peuple. Ce livre méconnu et souvent étrange offre une multitude de réflexions sur le comportement moral des individus, leur conception de Dieu et son action dans le monde. Il interroge aussi sur le sens de la Sagesse aujourd’hui. Son auteur y témoigne avec force de la foi et de la tradition juives dans une culture païenne colorée et multiforme, celle d’Alexandrie au tournant de notre ère. Il annonce quelques-unes des idées reprises par les auteurs chrétiens (Paul et Jean en particulier) pour parler de Jésus. Aujourd’hui encore, demander la sagesse et repérer son action dans les événements peuvent aider à discerner et à choisir un chemin de vie. Désormais, le peuple de Dieu est celui de la nuit pascale, en marche vers la lumière. Les croyants ne doivent jamais perdre de vue le but de leur vie. La joie finira par l’emporter sur la peur. La vie vaincra la mort.

La lettre aux Hébreux (11,1-208-19) se présente précisément comme un éloge de la foi des patriarches. Ces ancêtres sont un exemple pour les croyants. « La foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître ce que l’on ne voit pas » (Hb 11,1). Avec le Christ, nous sommes des voyageurs à la recherche d’une patrie. Lui-même nous a dit qu’il en est « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). Personne ne va au Père sans passer par lui. C’est là une bonne nouvelle qui doit raviver la foi des croyants affrontés au doute, à l’indifférence et à la persécution. L’Eucharistie est vraiment le moment où « Dieu est là pour nous servir, pour nous faire passer à table » (Lc 12,37). Quelle est la tenue de service que le Seigneur nous invite à revêtir en tout temps, à tout moment ?

L’évangile de ce dimanche nous lance un appel fort à demeurer en permanence dans un esprit d’accueil, d’ouverture, d’écoute, de véritable service, à endosser le chemin de l’humilité comme tenue de service. Cette tenue de service est peut-être de l’ordre d’une conversion extérieure et intérieure, comme l’écrit sainte Claire d’Assise à une de ses sœurs : « Veille et prie sans cesse ! » Pas de repos du cœur pour celui ou celle qui aime et désire servir le Seigneur !

Le Seigneur nous appelle à nous laisser davantage conduire par son Esprit, à lui laisser prendre place dans notre vie, dans nos choix, dans notre quotidien très concret, dans notre cœur, à nous rendre plus disponibles à l’écoute de sa parole, de sa présence, toujours plus disponibles à nous mettre en route, à répondre à ses appels. Les croyants, atteste saint Augustin, « se fortifient en croyant ». Donc, la foi grandit et se renforce seulement en croyant ; il n’y a pas d’autre possibilité pour posséder une certitude sur sa propre vie sinon de s’abandonner, dans un crescendo continu, entre les mains d’un amour qui s’expérimente toujours plus grand parce qu’il a son origine en Dieu.