C 21 LUC 13,22-30 (14)

Chimay : 21.08.2022

Frères et sœurs, la Parole de Dieu de ce dimanche nous invite à faire un pas de plus sur le chemin de la foi ; le vrai Dieu n’est pas le Dieu de quelques-uns ; il est celui qui veut rassembler tous les hommes : c’est cette bonne nouvelle que nous trouvons dans le livre du prophète Isaïe : « Je viens rassembler toutes les nations, de toute langue. Elles viendront et verront ma gloire… » (Is 66,18). Ces paroles de réconfort sont adressées à des croyants qui viennent de vivre une longue période d’exil ; ils ont vécu 50/70 ans en terre étrangère au milieu des païens. Ils découvrent progressivement que Dieu veut rassembler toutes les nations. Son amour est offert à tous.

Cette bonne nouvelle doit être annoncée à tous les peuples. La dispersion d’Israël parmi les nations avait pour but d’en faire le témoin de Dieu qui veut rassembler tous les hommes. Pour cette mission, Dieu fait appel à des messagers. Ces derniers sont envoyés pour annoncer la gloire de Dieu parmi toutes les nations. Ces messagers c’étaient des rescapés d’Israël. Les rescapés d’aujourd’hui, c’est nous tous. Nous sommes tous envoyés dans le monde pour y témoigner de l’amour qui est en Dieu. Mais n’oublions pas : c’est lui qui agit dans le cœur de ceux et celles qu’il met sur notre route.

Pour l’auteur de la lettre aux Hébreux (He 12,5-7.11-13), ce qui est premier c’est précisément cet amour de Dieu. Nous ne devons pas en douter, même dans les épreuves. Dieu n’empêche pas les épreuves de nous atteindre : elles sont signe qu’il nous traite comme ses fils, avec sérieux, et pas comme des gamins. Dieu se comporte avec nous comme un père à l’égard de ses enfants : il n’hésite pas à les conseiller, à les encourager et à les reprendre. Quand on aime, on se met parfois en colère. Ce n’est que bien plus tard que les enfants comprennent les effets bénéfiques de cette colère. L’important c’est de ne jamais perdre de vue que Dieu est Amour. Il nous aime infiniment, tels que nous sommes. Il est toujours à nos côtés pour nous relever. Son grand projet c’est de nous rassembler tous dans son Royaume.

J’admets que ce passage de la lettre aux Hébreux semble vouloir illustrer le proverbe : « Qui aime bien châtie bien ». Mais je crois que l’auteur de la lettre veut seulement inviter ses correspondants, qui subissent persécutions et contradictions à cause de leur attachement à Jésus Christ, à recevoir cela comme un moyen de purifier leur foi. Certes, ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on supporte les moqueries et les avanies, mais quel fortifiant pour une foi qui risque toujours de s’enliser dans la facilité !

L’Évangile nous montre les conditions qui nous permettront d’entrer dans ce grand rassemblement : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite » (Lc 13,24) nous dit Jésus. Il ne suffit pas d’accomplir quelques gestes religieux. Ce que le Seigneur attend de nous c’est une vraie conversion du cœur. Pour pouvoir entrer, nous devons nous libérer des privilèges, des honneurs, des prétentions orgueilleuses qui encombrent notre vie. Toutes les richesses que nous avons accumulées, nous devrons les laisser derrière nous. Pour aller à Jésus, il faut se faire tout petit ; il ne faut pas être imbu de notre orgueil et de nos certitudes.

L’appartenance au peuple élu paraissait aux contemporains de Jésus une telle garantie de leur salut et la situation des païens un tel handicap pour y accéder que l’inconnu qui interpelle le Christ s’attend à une réponse réconfortante. Mais Jésus renverse les perspectives : « Il ne vous servira de rien de m’avoir entendu prêcher dans vos villes quand vous verrez les païens attablés au festin du Royaume et la porte claquée à votre nez ».

Le fils du charpentier, spécialiste des mesures exactes et des constructions à angles droits, vient bouleverser nos calculs, déconstruire nos plans trop raisonnables. Il ne suffit pas de le fréquenter régulièrement pour correspondre à l’amour fou qui jaillit du Dieu trois fois saint. « Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice » (Lc 13,27). Oui, l’arbre sera jugé à ses fruits et « des premiers seront derniers » (Lc 13,30). Je peux parler du Très-Haut, le prier, fréquenter l’Église, recevoir les sacrements et conserver un cœur de pierre, réfractaire à la compassion. Un cœur qui ne « mouille pas à la grâce », disait Péguy, imperméable, froid, stérile. En définitive, cette porte étroite c’est celle de la miséricorde. On n’y entre pas sans s’être préparé, sans s’être rapproché de Dieu par la justice et le partage.

Encore une fois, le vrai Dieu est un « Dieu pour tous ». Son visage n’a rien à voir avec celui que nous proposent tous les fanatismes. Même si les paroles du Christ nous paraissent dérangeantes, nous devons comprendre que ce sont celles de l’Amour. C’est ce que l’apôtre Pierre a compris après le discours sur le Pain de vie : « Tu as les paroles de la Vie éternelle… » (Jn 6,68). Comme l’interlocuteur qui s’adressait à Jésus, nous nous posons la question : « Alors n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? » (Lc 13,23). C’est normal de s’en inquiéter. Mais si nous réfléchissons bien, nous comprenons que ce qui est étroit, ce n’est pas la porte, c’est notre cœur. L’appel du Seigneur est toujours bien présent : « Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle » (Mc 1,15).

Cette porte étroite c’est celle que le Christ a franchie. En mourant sur une croix et en ressuscitant, il nous a ouvert un passage vers la Vie Éternelle. Un jour, il a dit : « Je suis la porte des brebis. Celui qui entrera par moi sera sauvé » (Jn 10,9). Notre entrée dans le Royaume dépend donc de la place que nous donnons au Christ dans notre vie. Le Salut est offert à tous, mais rien n’est possible sans notre accueil. L’amour est vrai ou il n’est pas.

L’Esprit souffle où il veut et parmi ceux qui ne le connaissent pas explicitement, mais portent le souci du faible et du pauvre, il désire faire se lever des « disciples et des apôtres ». Surtout, ne tombons pas dans le pharisaïsme en jugeant de loin et de haut les gens qui n’appartiennent pas à la sphère des personnes fréquentables ! Jésus a rendu grâce pour les trésors de délicatesse dont les petits et des humbles sont les acteurs anonymes : la pauvre veuve qui donne tout ce qu’elle avait pour vivre (Mc 12,41-44) ; l’officier romain qui demande la guérison de son serviteur : « Je ne suis pas digne que tu entres dans ma maison » (Mt 8,5-13) ; la femme qui toucha le vêtement de Jésus (Mt 9,20-22) ; l’homme à la main paralysée (Mt 12,9-14) ; la Cananéenne qui obtient la guérison de sa fille (Mt 15,21-28), la femme qui met du parfum sur la tête de Jésus (Mt 26,6-13) ; et tant d’autres. À sa suite, attachons-nous à dire merci, pour les gestes de bonté dont nous sommes les témoins. Portons sur les autres un regard bienveillant et présentons à Dieu « dans des vases purs » notre manne quotidienne de belles et bonnes choses : nous apprendrons ainsi à faire eucharistie.

En ce dimanche, nous nous tournons vers le Seigneur. Nous lui redisons notre désir de vivre en lui et d’avancer avec lui. Beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas. Mais avec lui, tout est possible.  Demandons-lui de nous aider à nous débarrasser de tout ce qui nous encombre et de tout ce qui retarde notre marche à sa suite. Que sa parole réveille notre foi. Alors nous pourrons marcher vers lui avec la multitude de ceux qu’il appelle. Amen.