A AVENT 02 MATTHIEU 03,1-12 (24)

Chimay : 04.12.2022

Frères et sœurs, depuis dimanche dernier, nous sommes entrés dans le temps de l’Avent, cette période qui nous prépare à la venue de Jésus qui vient : « Voici que le Seigneur va venir pour sauver les peuples » (Is 30,19). Il nous rejoint tous les jours au cœur de nos vies et de nos épreuves.

D’entrée de jeu, le prophète Isaïe nous adresse un message d’espérance (Is 11,1-10). Il rejoint des croyants qui vivent une époque troublée par des invasions étrangères. La population d’Israël a beaucoup souffert à cause des guerres avec les pays voisins. Elle a été humiliée par de nombreuses défaites. Mais le prophète annonce des jours meilleurs. Il utilise l’image de l’arbre qui meurt. Quand ça arrive, des rejetons surgissent tout autour : « Un rameau sortira de la souche de Jessé… un rejeton jaillira de ses racines » (Is 11,1). C’est une manière de dire que le mal et la mort n’auront pas le dernier mot.

Un bourgeon, c’est tout petit. Cette petitesse, nous la voyons à Noël : un enfant, dans une mangeoire… Mais sur ce bourgeon, reposera l’Esprit du Seigneur : « esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force… » (Is 11,2). Les petits que nous sommes comprenons que nous sommes de petits bourgeons sur un très grand tronc, l’Eglise, un bourgeon sur lequel vient l’Esprit du Seigneur. La seule attitude qui convient, c’est de marcher humblement en présence du Seigneur (Mi 6,8).

Dans sa lettre aux Romains (15,4-9), saint Paul nous montre quels comportements adopter face à cette initiative gratuite de Dieu. Il désigne trois impératifs fondamentaux : méditer les Écritures, être d’accord les uns avec les autres et pratiquer l’accueil mutuel. Cette unité ne doit pas se construire autour de nos idées et de nos certitudes mais autour de Dieu. Pour servir cette unité, il importe que nous sachions nous accueillir les uns les autres comme lui-même a accueilli tous les hommes. Être accueillant à tous nos frères et sœurs, c’est se préparer à recevoir Celui qui s’est fait accueillant à tous les hommes.

Dans l’Évangile, nous rencontrons Jean Baptiste qui s’adresse aux foules dans le désert. Son langage violent nous invite à recevoir avec sérieux la grâce du temps de l’Avent. Jean Baptiste, enflammé d’une juste colère, ne mâche pas ses mots : « Engeance de vipères ! … Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu ! » (Mt 3,7.10). Voilà une parole neuve, une parole qui met en branle Jérusalem, la Judée, les bords du Jourdain. On ne peut que se sentir dans ses petits souliers face au déferlement d’une telle colère. Le Baptiste nous invite – un peu vivement – à effectuer notre grand nettoyage, même si nous ne sommes pas au printemps. Le monde nouveau qu’annonce Jean Baptiste est un monde idyllique où le loup habitera avec l’agneau et où le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra (Is 11,6.8). L’ordre de toute chose sera changé ou arrivé à une maturité évangélique. Mais, deux mille ans après, nous savons bien que nous continuons à vivre dans un monde obscur, corrompu, où la plupart du temps les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres.

Le Baptiste annonce que le règne de Dieu est tout proche. L’urgence c’est de préparer la venue du Seigneur et d’aplanir sa route. « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers et tout être vivant verra le salut de Dieu » (Lc 3,4.6). L’Avent nous rappelle que Jésus vient aujourd’hui. La meilleure manière de l’accueillir, c’est de nous retirer loin des bruits de ce monde. La véritable conversion passe par le dépouillement de notre cœur, de notre esprit et de notre méchanceté.

Cet appel à nous convertir s’exprime à travers des choix très concrets : « Aplanissez la route pour Dieu » (Mt 3,3), nous recommande Jean Baptiste. Cela signifie qu’il nous faut faire sauter tous les obstacles qui nous éloignent de lui et des autres : l’indifférence ambiante, la peur de la critique, l’impression que le mal est toujours triomphant. Quand nous lisons les journaux ou quand nous regardons la télévision, nous ne voyons souvent que ce qui va mal, la violence, le racisme, la crise économique. Ce temps de l’Avent nous invite à revenir à l’Évangile pour réapprendre à voir le monde avec le regard de Dieu, un regard plein d’amour et d’espérance, la petite espérance de Péguy. Avec le Christ, nous pouvons être sûrs que le mal n’aura pas le dernier mot. C’est l’amour qui vaincra.

Car Dieu est fidèle et il va réaliser les promesses faites aux pères : son Fils se fera le serviteur de tous les peuples appelés à faire advenir la justice et la paix. Par Dieu seront bénies toutes les familles de la terre. Tous les pays diront bienheureux son Fils. Encore est-il indispensable que chacun change de vie : « Convertissez-vous, le royaume des Cieux est tout proche ! » Le royaume des Cieux est tout proche des cœurs qui se mettent à l’écoute de la Parole de Dieu et qui sont remplis d’espérance grâce au réconfort des Écritures.

« Produisez un fruit qui exprime votre conversion » (Mt 3,8), nous dit encore Jean Baptiste. Prier tous les jours et aller à la messe, c’est bien. C’est même indispensable. Mais les fruits que Dieu attend de nous, c’est aussi le respect des autres, le partage avec celui qui a faim et froid, le courage de pardonner à celui qui nous a blessé ; c’est aussi lutter contre tout ce qui détruit une personne, un groupe ou une société. Nous pensons à l’égoïsme, l’indifférence, l’injustice sociale, les scandales financiers qui plongent les plus pauvres dans la misère. Préparer la venue du Seigneur dans notre vie et notre monde, cela passe par des gestes d’accueil, de partage et de réconciliation.

C’est en regardant vers sa croix que nous comprenons ce qu’il attend de nous. Devant cet amour passionné de celui qui a donné sa vie pour le salut du monde, nous découvrons que nous sommes loin du compte. Il nous faudra bien toute notre vie pour vraiment nous convertir à Jésus Christ. Il ne cesse de nous appeler à marcher à sa suite, mais de notre part, c’est souvent un pas hésitant en avant et deux empressés en arrière. Il nous arrive de tomber, mais le Seigneur est toujours là pour nous relever et nous aider à nous remettre en route. Son amour nous est offert une fois pour toutes et rien ni personne ne peut nous en séparer.

En ce jour, Jean Baptiste nous oriente vers Celui qui doit baptiser dans l’Esprit Saint et le feu. L’appel ferme et énergique du Baptiste résume à lui seul tout l’enjeu de l’Avent. Le Seigneur vient, alors faisons tout pour le recevoir dans un cœur purifié. Loin de contraindre à des pratiques vertueuses, ennuyeuse et légalistes, la conversion qu’il propose consiste à nous tourner vers Celui qui, par amour, vient à notre rencontre. Le rite du baptême ouvre la voie, mais ne suffit pas, loin de là. Il invite à changer réellement de vie, il invite à vouloir réellement se convertir. Par ce baptême, il nous donne une force extraordinaire de renouvellement et de recréation capable de saisir les plus grands pécheurs pour en faire des saints. Ce feu dont parle l’Évangile, c’est celui de l’amour qui est en Dieu. En suivant le Seigneur Jésus, nous sommes plongés dans cet amour de Dieu. Que cette Eucharistie nous accorde la grâce de partager ce bonheur avec tous ceux qui nous entourent.