A AVENT 04 MATTHIEU 01, 18-24 (16)
Chimay : 18.12.2022
Frères et sœurs, en ce quatrième dimanche de l’Avent, la liturgie nous propose deux récits de l’Annonciation ; nous avons tout d’abord celui du petit Emmanuel du livre d’Isaïe (7,10-16) : nous sommes au ive siècle avant Jésus Christ ; la situation du peuple d’Israël est vraiment dramatique : il est menacé de partout par les armées étrangères. Face à ce danger, le jeune roi d’Israël, Acaz, n’a pas fait le bon choix. Il a abandonné le vrai Dieu pour se tourner vers les dieux païens et s’attirer leurs faveurs. Mais ces dieux païens ne sont rien. C’est également vrai pour nous aujourd’hui. Nous pensons à ces dieux qui occupent une grande place dans notre vie et notre monde : le pouvoir, l’argent, les honneurs. Aujourd’hui, le prophète Isaïe invite le roi Acaz et chacun de nous à nous tourner vers le seul vrai Dieu. C’est sur lui qu’il nous faut compter. Il ne s’agit pas de courir après toujours plus de satisfaction mais d’accueillir Celui qui vient nous sauver.
Cette annonce de la venue du Sauveur, nous la retrouvons dans l’Évangile de Matthieu : c’est le message de l’ange à Joseph ; il est invité à prendre chez lui Marie son épouse, car « L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1,20). Ces paroles nous disent la mission que Dieu confie à Joseph : il est appelé à être le gardien de Marie et de Jésus ; le pape François ajoute que cette garde concerne aussi toute l’Église. Saint Joseph est désormais le protecteur mystique de toute l’Église. Cette garde, Joseph l’exerce avec discrétion et humilité, dans le silence. Les Évangiles ne nous rapportent aucune parole de lui. Mais ils témoignent de sa présence constante et de sa fidélité totale. Il est auprès de Marie dans les moments sereins et dans les moments difficiles.
Joseph est donc le gardien de Marie, de Jésus et de toute l’Église. Tout cela n’est devenu possible que grâce à sa constante attention à Dieu : il est ouvert à ses signes et disponible à son projet. Joseph est le gardien parce qu’il sait écouter Dieu en son cœur, il se laisse guider par sa volonté ; il la met en pratique, il est attentif à ce qui l’entoure ; il sait prendre les décisions les plus sages. Comme lui, nous sommes tous appelés à garder le Christ dans notre vie.
Mais Dieu n’entre pas dans notre vie en fanfare, en prenant des chemins faciles et convenus. La vie de tous les jours, avec son lot de contrariétés, peut être le chemin par lequel, discrètement, Dieu s’incarne dans nos vies. Dieu se révèle au cœur de ce qui, pour nous, fait question. Aux yeux des hommes et de leurs lois, Jésus est conçu illégalement d’une mère célibataire. Joseph porte dans son cœur une problématique. Étant un homme juste, il ne veut pas faire de tort à Marie et il a pris la décision de la répudier en secret pour garder l’honneur de sa fiancée intact. Joseph lui-même trahit la loi de son peuple : au lieu de dénoncer Marie publiquement, comme il devrait le faire, au lieu même de la répudier en secret comme il l’avait envisagé, il prend chez lui son épouse Marie et respecte le choix de Dieu. C’est à ce moment précis que l’ange fait irruption dans son existence pour lui ouvrir une autre compréhension de la réalité. Les propos de l’ange rencontrent la probité de Joseph et, au réveil, il décide d’épouser Marie. Ni Marie ni Joseph n’ont opposé de résistance à l’action de Dieu. Pour Marie et Joseph, Dieu est véritablement le Dieu de l’impossible. Parce qu’elle a répondu « oui » à l’appel du Seigneur, Marie a été remplie de l’Esprit Saint et l’enfant qu’elle mettra au monde s’appelle Jésus, c’est-à-dire : « le-Seigneur-sauve ». Ce court extrait raconte en détail que Dieu fait irruption dans la vie des personnes au cœur même de leurs problématiques. C’est parce qu’une question existentielle se pose, parce qu’un souci pour les autres ou le monde se fait jour, parce qu’on craint de mal faire ou de faire du mal, qu’un accès pour et à Dieu devient possible. Joseph a tenté de faire face loyalement aux questions que lui posait sa vie. Ce faisant, et par surcroît, Dieu s’est révélé à lui. Tout devient simple quand l’homme devient humble.
Nous fêterons bientôt Noël. Or la Bible, loin de toute extase grandiloquente, nous livre ici les dessous très humains de la naissance de Dieu dans les profondeurs de l’humanité. Tout part parfois d’un problème à résoudre, du doute sur ce qu’il s’agit de faire, de la peur de se perdre et de faire du mal. Le récit de la Nativité, vu sous l’angle de la vie de Joseph, est essentiel pour comprendre le sens de cette fête. Le cheminement qui est le sien est la preuve que nos soucis et nos contrariétés peuvent être le chemin par lequel, discrètement, Dieu s’incarne dans nos vies. Noël n’est donc pas une fête pour gommer tout ce qui cloche, dérange, inquiète ou nous fait honte. C’est le moment pour expérimenter que nos problématiques de vie sont précisément des lieux de révélation et de nativité. Il n’y a donc plus à attendre que tout aille bien dans nos vies pour se réjouir. Noël est l’occasion de se réjouir, au cœur même de ce qui nous arrive.
Nous ne pourrons vivre un vrai Noël que si nous prenons chez nous Marie, notre Mère. Avec elle, nous accueillons Jésus qui est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. C’est dans la prière et le recueillement que nous pourrons, nous aussi, nous ajuster à la volonté de Dieu et participer à son projet. Comme Joseph, nous apprenons à nous faire les serviteurs d’un projet qui nous dépasse. Comme lui, le Seigneur nous conduit sur des chemins que nous n’avions pas prévus. Mais les paroles qu’il nous adresse sont celles de la vie éternelle.
Dans la lettre aux Romains (1,1-7), saint Paul nous annonce précisément l’accomplissement de ce salut en Jésus. Il nous décrit toute la richesse du mystère déployé depuis sa naissance jusqu’à sa mort et sa résurrection. Lui-même a été choisi par le Christ pour être apôtre : sa mission a été d’annoncer le salut en Jésus Christ au milieu des nations païennes. Comme le prophète Isaïe, il a été affronté à l’incrédulité et à la persécution. Mais rien ni personne ne peut empêcher Dieu de vouloir sauver le monde. La fête de Noël nous rappelle que nous attendons la venue de celui qui unifiera en lui Dieu et l’homme. Ce temps de l’Avent nous est donné pour nous mettre en route vers Celui qui ne cesse de venir à nous.
Beaucoup ne connaissent pas et ne veulent pas entendre parler du vrai sens de Noël, de Jésus, de Marie, de la crèche. Mais le message de l’Évangile doit être annoncé partout dans le monde. Notre mission n’est pas de faire croire mais de dire et de témoigner. Le Seigneur nous assure que l’Esprit Saint agit dans le cœur de ceux et celles qu’il met sur notre route. Le cardinal Eyt, ancien archevêque de Bordeaux, disait que « nous ne sommes pas deux mille ans après Jésus Christ, mais deux mille ans avec lui ». Aujourd’hui comme autrefois, nous pouvons toujours compter sur lui.
En célébrant cette Eucharistie, nous nous tournons vers Celui qui vient à nous. À chaque messe, il rejoint les communautés réunies en son nom. Il est « Emmanuel », Dieu avec nous. Il est Celui qui nous fait entrer dans l’alliance définitive entre Dieu et l’homme. Et il nous confie cette mission : faire triompher l’amour sur la haine, la tendresse sur l’indifférence. Alors, plus que jamais, nous le prions ensemble : Que le Seigneur nous rende dociles à sa Parole pour qu’à notre tour nous donnions Jésus au monde. « A vous qui êtes appelés à être saints, dit saint Paul, la grâce et la paix ». Amen.