A 06 MATTHIEU 05,17-37 (9)
Chimay : 12.02.2023
Frères et sœurs, la Parole de Dieu de ce dimanche nous parle d’un Dieu qui a vu la misère de son peuple (Ex 3,7). Cette misère, c’est celle qui vient du péché, de l’égoïsme et des divisions. Le grand projet de Dieu, c’est de nous en libérer. Toute la Bible nous dit qu’il est venu « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10).
Pour accomplir cette œuvre de salut, il nous propose plusieurs étapes. Dans un premier temps, il nous donne des règles, des commandements qui nous aideront à vivre en harmonie. Quand on vit en société, il est important de se respecter les uns les autres. On ne peut pas faire n’importe quoi. Le livre de Ben Sira le Sage (Si 15,15-20) nous dit que nous avons à choisir : d’un côté, la vie qui résulte de l’observation des commandements ; de l’autre, la mort qui est la sanction de l’orgueil. Le Seigneur veut nous libérer de tout ce qui détruit notre vie. Il nous invite à accueillir ses paroles qui sont celles « de la vie éternelle » (Jn 6,68). Dieu nous a donné la liberté, mais il ne nous abandonne pas à nous-mêmes pour choisir entre le bien et le mal.
Dans l’épître aux Corinthiens (1 Co 2,6-10), saint Paul s’adresse à des chrétiens venus du monde païen. Ils ont accueilli le message de l’Évangile. Mais aujourd’hui, il les invite à vraiment faire « le choix de Dieu » (Jc 4,17). Pour nous en parler, il n’utilise pas la prétendue « sagesse de ceux qui dirigent le monde » (1 Co 2,6), ceux-là même qui ont commis l’infâme injustice de crucifier « le Seigneur de gloire » (1 Co 2,8). L’Esprit Saint fait de nous des adultes dans la foi. Il nous aide à aller à contre-courant de la mentalité du monde et à vraiment entrer dans le projet de Dieu : « C’est à nous que Dieu, par l’Esprit, en a fait la révélation » (1 Co 2,10). Car « Ce qui est folie aux yeux des hommes est sagesse aux yeux de Dieu » (1 Co 3,19). C’est dans cette sagesse de Dieu que nous trouvons la vraie vie.
Dans l’Évangile, Jésus revient sur la loi qui a été transmise par Dieu aux anciens. C’était un minimum indispensable à la vie en société : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas tromper… Pour Jésus, il est hors de question de supprimer ces acquis ; bien au contraire, il invite ses disciples et chacun de nous à aller encore plus loin : « Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5,17). C’est comme dans une famille, la pratique scrupuleuse d’un règlement interne ne suffit pas à la rendre heureuse : il lui faut de la solidarité, de l’accueil, du partage et surtout de l’amour.
Pour se faire comprendre, Jésus entre dans le concret de la vie des gens : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre… Eh bien, moi je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal » (Mt 5,21-22). Jésus nous rappelle ainsi que des paroles peuvent tuer : les calomnies, le harcèlement, les propos racistes sont un poison qui cause des dégâts importants. De même les médisances qui tuent la renommée des personnes. Aujourd’hui, Jésus nous propose la perfection de l’amour. Si nous refusons de faire la paix avec notre prochain, nous ne pouvons pas dire que nous aimons Dieu. Avant de manifester notre dévotion dans la prière, nous sommes invités à nous réconcilier avec lui (Mt 5,24).
Il est facile de se fâcher, parce que la colère est un sentiment qui survient quand nous sommes confrontés à un mal difficile à surmonter. Ainsi, si nous pensons que quelqu’un veut nous nuire, nos actions seront guidées par la colère. Cependant il y a un problème : nous nous fâchons souvent au sujet de choses qui ne sont pas vraiment un mal en elles-mêmes, mais seulement un mal pour nous. Quand nous recherchons le silence, n’importe quel bruit nous irrite. Quand nous avons faim, un réfrigérateur vide nous exaspère. Jésus va jusqu’à enseigner que tuer un homme et se fâcher contre lui sont des maux analogues. C’est parce que notre tendance à la colère réside dans l’égocentrisme, et quand nous nous fâchons avec une personne, nous la traitons d’une manière qui nie sa dignité. Beaucoup de conflits dans la société et dans le monde sont dus au fait que l’homme ne sait pas toujours chercher la réconciliation. Demander pardon ou pardonner de bon cœur est fréquemment perçu comme de la faiblesse. Ce n’est pas du tout une faiblesse ! Le pardon est quelque chose qui exige une grande force. Était-ce facile pour Jésus de pardonner à ceux qui l’ont renié, condamné, crucifié ?
Ce que Jésus attend de nous, c’est une vie remplie d’amour : « Soyez parfaits comme votre Père est parfait » (Mt 5,48). C’est ce que Jésus a vécu jusqu’au bout : il a pardonné à Zachée (Lc 19,1-10) ; il n’a pas jeté la pierre à la femme adultère, mais il lui a donné la force de poursuivre sa route (Jn 8,1-11) ; il a pardonné à Pierre qui venait de le renier (Mc 14,66-72). De nombreuses paraboles nous disent encore ce qu’est le véritable amour : nous connaissons celle de la brebis perdue (Lc 15,3-7) et celle du fils prodigue (Lc 15,11-32). C’est cet amour qui doit transparaître dans nos vies.
Voilà ce chemin de conversion que Jésus nous propose. Le pape François nous dit qu’on ne doit pas louer Dieu avec la même langue qui insulte notre frère. Cela ne se fait pas. Si nous voulons louer Dieu, nous devons tout faire pour nous mettre d’accord entre nous. Nous demandons au Seigneur qu’il nous aide à sortir de nos rancunes et de notre rigidité. Nous ne pouvons pas vivre en enfants de Dieu sans vivre ensemble comme des frères. Ce qui fera la valeur de notre vie c’est la qualité de notre amour pour tous ceux et celles qui nous entourent. C’est à cela que nous serons jugés. Mais Jésus ne nous proposerait pas les exigences du sermon sur la montagne, s’il ne nous rendait pas en même temps capables d’y répondre.
En lisant cet Évangile, nous reconnaissons que nous sommes tous plus ou moins coupables. Or pour entrer dans le Royaume de Dieu, il faut avoir un cœur parfaitement pur. Rien d’impur ne peut vivre en présence de Dieu. Le psaume 73 commence avec l’exclamation : « Oui, Dieu est bon pour ceux qui ont le cœur pur ! » Nous ne pouvons pas parvenir à cette pureté avec nos pauvres moyens humains. Mais avec Dieu, tout est possible. Nous sommes invités à nous ouvrir à lui en priant souvent, en aimant beaucoup, en recevant le sacrement du pardon et en participant à l’Eucharistie.
Le christianisme demande d’aller plus loin : au-delà de ce qui est prévu, au-delà de ce qui est normal. Les Pharisiens étaient les modèles de la religion juive, mais le Christ demande à ses auditeurs de les surpasser. Cela signifie que la religion est plus que des formalités. A quoi bon accomplir une pratique religieuse loyalement, s’il n’y a pas l’amour ? Le royaume de Dieu est un royaume d’amour. Pratiquer notre religion sans grandir dans l’amour vrai revient à ne pas la pratiquer du tout. Les justes sont ceux qui préfèrent faire les choses comme Dieu veut qu’elles soient faites.
Si nous nous engageons sur ce chemin de conversion, Dieu nous purifiera ; alors nous serons ces « cœurs purs qui voient Dieu » (Mt 5,8). Dieu sera en nous et nous en lui. « Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et nous connaissons qu’il demeure en nous par l’Esprit qu’il nous a donné » (1 Jn 3,24).