A PÂQUES 04 JEAN 10,01-10 (14)
Frères et sœurs, la Parole de Dieu de ce dimanche nous parle du salut offert en Jésus Christ. Nous avons entendu la prédication de Pierre entouré des autres apôtres. Ils sont tous sortis du lieu où ils étaient « confinés » pour annoncer avec force la bonne nouvelle de l’Évangile. La réponse a été immédiate : « Que devons-nous faire ? » (Ac 2,37). Les gens ont été touchés par cette prédication de Pierre.
« Que devons-nous faire ? » (Ac 2,37). Nous avons déjà entendu cette question posée à Pierre et aux apôtres. C’était dans la bouche d’un docteur de la Loi interrogeant Jésus pour lui tendre un piège : « Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » (Lc 10,25). Jésus lui a répondu par la parabole du bon Samaritain. Ce qui nous introduit sur un chemin de type initiatique. Le discours de Pierre prononcé à Jérusalem le jour de la Pentecôte est un fruit du don de l’Esprit, lui-même fruit de la Pâque du Seigneur. La liturgie ne nous en propose que des extraits en focalisant sur l’aspect « contagieux » d’une foi brûlante : « Ce jour-là, environ trois mille personnes se joignirent à eux » (Ac 2,41), c’est-à-dire aux apôtres. Car ce discours est de l’ordre du témoignage. Pierre parle d’expérience de l’événement pascal ; il l’a vécu dans sa chair d’homme : la trahison, les pleurs quand Jésus posa son regard sur lui et la repentance (Lc 22,61-62) ; la douleur de la perte, la joie des retrouvailles et de la confiance renouvelée ; la force de l’Esprit et l’urgence de partager le trésor reçu (Lc 24,31-50 ; Ac 2,1-4). Peut-être est-ce pour cela que « les auditeurs » de son discours « furent touchés au cœur » (Ac 2,37) et qu’ils l’interrogèrent sur la réponse à apporter à ce qui relève d’une offre de pardon, eux qui avaient « crucifié » ce Jésus que Dieu « a fait Seigneur et Christ » (Ac 2,36) ?
Le témoignage n’est pas la simple exposition d’une donnée de foi, aussi juste soit-elle au regard de la théologie et de son expression. Le renouvellement initié par Dieu dans la résurrection du Christ et expérimenté par Pierre dans le don de l’Esprit nous incite à demander ce même don pour remplir notre mission de porteur de la Bonne Nouvelle du pardon – autrement dit, de cette annonce qui ouvre un avenir. Pierre ne cherche pas à plaire en évitant le « sujet qui fâche ». Il part de ce vécu commun, de références scripturaires connues, « ce que le prophète Joël a annoncé » (Ac 2,16), pour entrer en relation avec ses interlocuteurs qui, eux aussi, sont manifestement travaillés par l’Esprit, lequel leur permet de comprendre les enjeux de ce témoignage. « Que devons-nous faire ? » (Ac 2,37), non pas abstraitement mais concrètement. Une question que nous retrouvons dans les sentences des Pères du désert de la part de disciples désireux de vivre pleinement leur vie chrétienne. Une question à susciter chez ceux qui nous entourent.
Beaucoup se sont fait baptiser. Pour eux, c’est vraiment « la joie de l’Évangile ». Quand on a accueilli le Christ dans sa vie, plus rien ne peut être comme avant. Mais cette vie nouvelle ne va pas sans difficultés. Dans la seconde lecture (IPi 2,20b-25), Pierre s’adresse à des communautés qui connaissent des épreuves. Il les exhorte à se tourner vers ce modèle qu’est le Christ : Au jour de son baptême dans les eaux du Jourdain, il est rentré dans l’eau, pur de tout péché ; il en est ressorti porteur de tous les péchés du monde. Il les a pris sur lui pour nous en libérer. Injustement traité, il s’en remettait à Dieu. « C’est par ses blessures que nous sommes guéris » (IPi 2,24). L’opprimé qui est conscient de partager la destinée de son Seigneur n’aura plus jamais une âme d’esclave. Il découvrira que le Seigneur est son berger et qu’avec lui, rien ne saurait lui manquer (Psaume 22).
C’est précisément cette image du berger que Jésus utilise dans l’Évangile de ce dimanche. Tout au long de son ministère, nous le voyons parcourir les villes et les villages pour annoncer la bonne nouvelle. Il y rencontre des foules qui sont « comme des brebis sans berger » (Mt 9,36). Il est remué jusqu’au plus profond de lui-même par leur douloureuse situation. Les autorités religieuses qui auraient dû s’en occuper les ont pratiquement abandonnées. Le prophète Jérémie dénonce ces « misérables bergers qui laissent périr et se disperser les brebis du pâturage » (Jr 23,1). Aujourd’hui, le Christ dénonce les pharisiens qui expulsent les brebis du troupeau de Dieu.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que Jésus se présente à tous comme l’unique vrai pasteur. C’est vrai que les évêques et les prêtres sont présentés comme les bergers du peuple qui leur est confié. Dans les groupes de prière, il y a aussi un berger. C’est également vrai pour tous ceux qui exercent des responsabilités dans différents domaines. Mais les uns et les autres ne pourront être bergers que s’ils sont vraiment reliés au Christ « berger de toute humanité ». Nous ne sommes que des intendants.
Dans l’Évangile de ce jour, Jésus se compare également à « la porte des brebis » (Jn 10,9). C’est par lui que nous devons passer si nous voulons être de vrais pasteurs. Ceux qui ne passent pas par la porte sont « des voleurs et des bandits ». Ces derniers ne viennent que pour voler, égorger et détruire. Ce n’est pas le cas de Jésus : il est venu pour « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10). Il veut que tous les humains aient « la vie en abondance » (Jn 10,10). Au cours du temps pascal, nous avons entendu le dialogue de Jésus avec Nicodème : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique » (Jn 3,16).
Nous sommes envoyés pour continuer ce que Jésus a fait. Mais rien n’est possible sans lui. Il est le passage obligé. Tout le travail des communautés chrétiennes doit passer par lui. Notre mission n’est pas de travailler POUR le Seigneur mais de faire le travail DU Seigneur. C’est de lui qu’on reçoit le salut et la vie en abondance. Nous devons accueillir cet Évangile comme une invitation à remettre le Christ au cœur de nos vies et à nous laisser guider par lui.
Ce quatrième dimanche de Pâques est devenu la journée de prière pour les vocations. Nous pensons aux évêques, aux prêtres, aux religieux… Oui, bien sûr. Mais la vocation ce n’est pas seulement l’affaire de quelques-uns. L’appel du Seigneur est pour tous. Il compte sur chacun de nous pour être les témoins et les messagers de son amour dans le monde d’aujourd’hui. C’est ainsi que nous pourrons participer à son œuvre de rassemblement : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 17,18). Comprenons bien : il ne nous envoie pas seuls mais les uns avec les autres et surtout avec lui. La vocation de tout baptisé est vocation à devenir disciple du Christ ; c’est en Église que nous participons à sa mission d’annonce de l’Évangile au monde.
À chaque messe, nous sommes invités à communier au Corps et au Sang du Christ. Il est la nourriture qui nous est donnée en vue de la mission. C’est en passant par lui que nous pourrons témoigner du Salut qu’il est venu offrir au monde. Pour reconnaître la voix du Christ, du Maître intérieur, ne faut-il pas s’accoutumer à celle-ci dans l’écoute et la méditation des Écritures ? En communion les uns avec les autres et avec toute l’Église, nous pouvons alors chanter et proclamer : « Tu es mon berger, ô Seigneur, rien ne saurait manquer où tu me conduis » (Paroles et musique : Jef Robert, 1953).