A PÂQUES 07 JEAN 17,01-11 (10)

Chimay : 21.05.2023

Frères et sœurs, dans le prolongement du mystère de Pâques et de l’Ascension, les lectures de ce dimanche nous annoncent une bonne nouvelle. Elles nous montrent l’Église en train de naître. C’est une Église en prière. Le Christ qui va bientôt disparaître définitivement est également en prière. À quelques heures de son arrestation, de sa passion et de sa mort, il se tourne vers Dieu son Père. Il lui confie ses disciples. Ils auront bien besoin de sa force pour la mission qui les attend.

Au jour de l’Ascension, Jésus a disparu au regard des siens. Ils s’en sont retournés du mont des Oliviers à Jérusalem. La mort de leur Maître les avait éparpillés. Mais pendant quarante jours, ils ont fait l’expérience de Jésus vivant. Ce n’est plus seulement l’ami d’autrefois. Ils reconnaissent en lui « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28). Désormais, il vit d’une vie toute nouvelle. Les apôtres se rendent au Cénacle pour un temps de prière. Une grande mission les attend ; mais pour cette mission, ils ne seront pas seuls. Jésus leur a promis la venue de l’Esprit Saint. Pendant dix jours, ils vont rester en prière pour se préparer à sa venue.

Avant de prendre des décisions qui engagent toute une vie, nous commençons par un temps de prière. C’est vrai pour un jeune homme qui se prépare à être ordonné prêtre. Il va dans un monastère pour quelques jours de retraite. C’est aussi le cas pour des couples qui se préparent au mariage. Quels que soient nos engagements, nous avons tous besoin de ces temps de prière. Ils nous permettent de nous ajuster à ce que Dieu attend de nous. C’est son amour que le monde doit pouvoir reconnaître en nous.

Dans cette Église naissante, saint Luc souligne la place de Marie, la Mère de Jésus. Elle était présente dans le groupe des apôtres ; elle l’est aussi dans l’Église d’aujourd’hui. Nous ne pouvions rêver d’un meilleur accompagnement. Aujourd’hui comme autrefois, elle est là pour nous renvoyer au Christ et à son Évangile. Elle ne cesse de nous dire : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5). Et ce que Jésus nous dit, c’est de puiser à la Source d’eau vive qui est en Dieu : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos... Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes… Car mon joug est doux, et mon fardeau léger » (Mt 11,28-30).

Dans l’Évangile de ce jour, c’est Jésus qui est en prière ; tout commence par ces paroles : « Père, glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie » (Jn 17,1b). Cette parole risque parfois d’être mal comprise. Dans notre monde, la gloire, c’est la renommée. Beaucoup sont prêts à tout pour se mettre en valeur et obtenir des distinctions honorifiques. Dans la bible, c’est tout autre chose : la gloire c’est la valeur réelle de la personne, c’est son poids. Saint Paul nous le dit à sa manière : « Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien » (1 Co 13,1).

Cette prière de Jésus nous montre sa totale communion avec son Père. Ils sont liés l’un à l’autre par une communion éternelle. Les Évangiles nous disent que Jésus passait parfois des nuits entières à prier son Père. Cette union dépasse tout ce que nous pouvons vivre à notre niveau. Elle nous montre l’intensité de la prière de Jésus et nous en sommes éblouis. Ce qui est extraordinaire c’est qu’il veut nous associer tous à cette prière. C’est avec lui que nous découvrons le bonheur de prier. En fait, ce n’est pas nous qui prions mais le Christ qui prie en nous.

Voilà ce message qui est rappelé à une Église en train de naître. C’est une Église qui souffre. Nous y trouvons des chrétiens qui sont persécutés à cause de leur foi au Christ. L’apôtre Pierre (IPi 4,13-16) leur rappelle que cette épreuve est ce qui les conduit vers la gloire. Ils doivent se réjouir car « L’Esprit de gloire, l’Esprit de Jésus » (IPi 4,14) repose sur eux. Les disciples du Ressuscité suivent son chemin. Ce chemin passe par la souffrance mais il conduit à la joie.

Entre l’Ascension et la Pentecôte, les Apôtres ainsi que des femmes, dont Marie, et des membres de sa parenté, qui avaient vu Jésus monter au ciel, se réunirent dans « la chambre haute » à Jérusalem, afin de prier comme Jésus l’avait fait avec eux avant son grand passage, et comme il ne cesse de le faire. Lui, il n’était plus dans le monde ; mais eux y étaient encore, et ils avaient besoin d’être soutenus par la force que donne la prière et par le souvenir des paroles qu’il leur avait données. Ils participent ainsi à la naissance de l’Église en attente de la Pentecôte.

Pendant cette dizaine de jours, nous pouvons, nous aussi, à leur exemple, intensifier notre prière et notre lecture de la Bible, en préparation de la fête de la Pentecôte où nous accueillerons à nouveau le don de l’Esprit qui nous accompagne depuis notre baptême et notre confirmation. Nous pourrions, avec la liturgie, relire et méditer ce qui est un sommet de l’Évangile et du Nouveau Testament : la prière dite sacerdotale du Christ à son Père, dont nous entendons aujourd’hui les premiers versets (Jean 17).

Cette prière sublime nous tourne vers le Père à la suite du Fils qui lui est profondément uni. Elle nous révèle l’immense tendresse du Père. En quelque sorte, elle anticipe la vie éternelle qui consiste à le connaître, lui le seul vrai Dieu, et celui qu’il a envoyé, Jésus Christ. Dans ce texte, le monde a une double signification : positive, le monde créé par Dieu ; et négative : le monde hostile à Dieu et à ses fidèles. Le chrétien est appelé à vivre dans le monde voulu par le Créateur et à y témoigner du Christ, qui vient sauver tous les hommes. Mais, en même temps, il y est en bute à l’incompréhension, voire à l’opposition violente, d’un monde où les puissances du mal exercent encore leur domination.

Pour garder courage, nous avons besoin de redire cette prière débordante de l’amour que Jésus porte à son Père, et aussi de celui qu'il porte à ses disciples, en particulier à ceux qui rencontrent des difficultés à cause de la foi qu’ils professent. Comme les disciples, nous allons ainsi féconder de nouveaux cœurs, qui en féconderont d’autre en transmettant de générations en générations la Parole de vie éternelle.

Avec Marie et avec toute l’Église, nous nous tournons vers toi, Seigneur ; nous nous préparons à accueillir le don de ton Esprit. Fais que notre cœur soit disponible et accueillant pour que notre vie dise quelque chose de ton amour. Amen