A PENTECÔTE JEAN 20, 19-23 (16)
Chimay : 28.05.2023
Frères et sœurs, cinquante jours après Pâques, nous voici parvenus à la fête chrétienne de la Pentecôte. En ce dimanche, nous arrivons à la fin du temps pascal. Tout au long de cette période, nous avons fêté le Christ ressuscité, vainqueur de la mort et du péché. Le jour de l’Ascension, il s’est manifesté une dernière fois aux onze disciples. Le livre des Actes des apôtres nous dit qu’il « s’éleva et une nuée vint le soustraire à leurs yeux » (Ac 1,9).
Tandis que le récit des Actes des apôtres (Ac 2,1-11) que nous avons entendu ce matin est à situer au cours de la Pentecôte juive. Ce jour-là, on était venu de partout pour fêter le don de la loi de Dieu à Moïse. Tous ces gens n’avaient certainement jamais entendu parler de Jésus de Nazareth. Ils étaient là pour renouveler l’alliance avec Dieu. Mais rien ne se passe comme prévu. Saint Luc nous parle d’un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent et aussi d’un feu qui se partageait en langues, donnait naissance à l’Église et lui insufflait la vie. C’est cela le don de l’Esprit Saint. Il est à l’origine de toutes les impulsions créatrices et bonnes de l’humanité. Cette source ne peut être que celle de l’amour. Cette voix qui parfois nous parle au plus intime de notre être, dans notre langue maternelle, cette voix qui nous console, nous exhorte, nous dit l’indicible d’un amour qui s’offre toujours. N’est-ce pas celle de l’Esprit de Dieu ?
À ce moment-là, tout est changé dans le cœur des apôtres. Alors qu’ils étaient « confinés » dans la salle commune, ils se mettent à sortir. La peur qui les paralysait est emportée. Ils se mettent à proclamer les merveilles de Dieu devant ceux-là mêmes qui ont fait mourir le Christ sur la croix. La première de ces merveilles c’est l’annonce que Jésus mort le Vendredi Saint est maintenant ressuscité. Et ce qui est extraordinaire, c’est que chacun les entend dans sa propre langue. C’est une manière de dire que l’Évangile est pour tous, quel que soit leur pays. Cette bonne nouvelle doit être proclamée dans le monde entier. C’est une manière de dire que « l’Église existe pour ceux qui y sont tout comme pour ceux qui n’y sont pas ».
Dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe (ICo 12,3-13), Saint Paul rappelle l’action de l’Esprit Saint à l’intérieur de la communauté. Le don de l’Esprit se concrétise pour chacun de nous dans les talents qu’il nous confie en vue du bien de tous. Le problème c’est qu’il y a des divisions entre chrétiens. C’est un contre-témoignage. L’apôtre intervient pour rappeler que toutes les considérations de hiérarchie ou de supériorité doivent être éradiquées ; le fait d’être juif ou païen, esclave ou homme libre, ça ne compte plus. Le racisme, l’exclusion, le cléricalisme n’ont plus leur place chez les chrétiens. Dans l’Église de Jésus Christ, on n’apprend plus à penser en termes de supériorité, de hiérarchie, d’avancement ou d’honneur. Désormais, une seule chose compte : notre baptême dans l’unique Esprit. L’Église n’est pas une pyramide mais une foule serrée autour de Jésus Christ. C’est l’unité dans la diversité. L’unité selon Dieu est à l’opposé d’une uniformité aliénante.
Dans sa lettre, saint Paul nous présente l’Église comme un corps. Le Christ en est la tête et nous sommes les membres. Chacun de nous est différent. Il faut voir l’Église comme une foule de toutes les couleurs. Les divers membres n’ont pas la même fonction. Cette diversité est un cadeau. Chaque membre est très important aux yeux de Dieu. Nous sommes appelés à vivre l’unité dans la diversité. Ce pari nous ne pourrons le gagner que parce que l’Esprit Saint nous est donné.
L’Évangile nous présente l’envoi des disciples en mission au soir de Pâques : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21). Puis il « souffle » sur eux. C’est ainsi qu’ils reçoivent le Saint Esprit en vue de la mission qui leur est confiée. Le souffle du Christ ressuscité est l’Esprit Saint, qui, par les disciples, portera son pardon à tous les hommes. Désormais, ils devront partir pour annoncer à tous l’Évangile du Salut en Jésus Christ. Pour cette grande mission, ils ne sont pas seuls. L’Esprit Saint, le souffle de Dieu, les accompagnera et les précèdera. Il sera agissant dans le cœur de ceux qu’il mettra sur leur route.
Cette fête de la Pentecôte, c’est celle de l’Esprit Saint qui ne cesse de renouveler l’Église depuis vingt siècles. C’est ce même Esprit que nous sommes invités à accueillir dans notre vie. Pour cela, il nous faut nous ouvrir à ce don de Dieu. Nous savons bien que cela n’est pas facile. Il y a en nous des résistances qui cherchent à nous détourner de lui. Être sous l’emprise de l’Esprit, c’est sentir en nous la présence de Dieu qui est source de paix et de joie intérieure. Le Christ nous libère en nous orientant vers Dieu.
« Viens, Esprit Saint ! Pénètre les cœurs de tes fidèles ! Qu’ils soient brûlés au feu de ton amour ». Ce verset de l’Alléluia nous donne les mots d’une prière que sous pouvons faire nôtre. Que désirer de meilleur que cet embrasement ? Un feu qui brûle ce qu’il y a à brûler, un feu lui purifie ce qu’il y a à purifier, un feu qui réchauffe et éclaire.
Paul nous rappelle que l’Esprit est au fondement de notre foi, qu’il nous donne de discerner le Seigneur dans la personne de l’homme Jésus : « Personne n’est capable de dire : “Jésus est Seigneur” sinon dans l’'Esprit Saint » (1 Co 12,4). L’Apôtre souligne également que l’Esprit nous particularise par la diversité de ses dons et, en même temps, assure l’unité entre nous : « Le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps » (ICo 12,12). Une unité qui n’a rien à voir avec une quelconque uniformité, mais fait de nous une communauté de personnes capables de s’engager.
Car vivre en communion avec autrui suppose d’être un minimum en accord avec soi-même, de s’être reçu différent avec la solitude que cela implique et, par là même, d’être libre pour accueillir paisiblement la différence d’autrui et le comprendre quand il parle sa propre langue. N’est-ce pas ce qu’ont vécu les apôtres le jour de la Pentecôte ? Ce qui n’a pas été sans bouleversements intérieurs, comme le signifie « le violent coup de vent ».
Avec lui, nous pourrons nous imprégner de l’amour qui est en Dieu pour le communiquer à tous ceux qui nous entourent. Nous sommes envoyés dans le monde pour témoigner de l’espérance qui nous anime. Notre pape François nous dit que cette espérance doit être combative. La vie chrétienne est un combat contre nous-mêmes et bien souvent contre les idées à la mode. Comme un feu puissant, il chasse leurs ténèbres ; il illumine notre nuit.
À la suite des apôtres, l’Église est appelée à communiquer la paix et à manifester le pardon. Cette paix, ce n’est pas l’absence de conflit ; c’est d’abord la paix intérieure (l’apaisement), c’est la miséricorde, c’est Dieu lui-même. La Pentecôte, c’est l’Esprit Saint qui vient illuminer notre nuit. Prions-le pour qu’il soit toujours avec nous ; qu’il nous donne d’annoncer la bonne nouvelle avec un zèle que rien ne saurait intimider.