A 14 MATTHIEU 11, 25-30 (13)
Chimay : 09.07.2023
Frères et sœurs, comme toujours la Parole de Dieu de ce dimanche nous adresse un message d’espérance. C’est le salut qui est annoncé aux petits, aux pauvres et aux exclus. Cette bonne nouvelle rejoint tous ceux et celles dont la vie est un fardeau très lourd à porter. Jésus appelle à lui tous ceux qui peinent sous le fardeau de leurs souffrances, de leurs misères ou de leurs erreurs. Son cœur doux et humble saura nous aimer et nous soulager.
La première lecture est extraite du livre de Zacharie (9,9-10). Il s’agit d’une parole de consolation en période de guerre. La situation semble désespérée. Mais Dieu va intervenir. Le prophète annonce la venue d’un roi « humble, monté sur un âne » (Za 9,9). C’est le roi du dimanche des Rameaux. Il est pacifique et humble. Il proclamera la paix aux nations. Non, ce n’est pas une plaisanterie. La force de ce roi vient du fait qu’il est « juste », c’est-à-dire pleinement ajusté à Dieu son Père. Notre Dieu n’a pas besoin d’une puissante cavalerie. Il va venir instaurer un avenir de paix, non seulement pour les rescapés de son peuple mais aussi pour toutes les nations. Il faut le dire et le redire : Toute la Bible ne cesse de nous annoncer l’amour passionné de Dieu. C’est de cette bonne nouvelle que témoignent tous les martyrs d’hier et d’aujourd’hui. La haine, la violence, les persécutions n’ont pas le dernier mot. C’est l’amour qui triomphe.
C’est aussi ce message que nous entendons dans la lettre de saint Paul aux Romains (8,9-13). Notre vie chrétienne est un combat pour que grandisse en nous l’emprise de l’Esprit de Dieu qui nous a saisis à notre baptême. Saint Paul nous recommande de ne pas vivre « sous l’emprise de la chair ». Pour lui, vivre « sous l’emprise de la chair » c’est vivre loin de Dieu, c’est se contenter des limites de l’intelligence et des forces humaines ; c’est le péché qui nous détourne de Dieu pour nous entraîner vers des impasses. Au contraire, vivre « selon l’Esprit », c’est se laisser guider par Dieu, c’est être habité par lui. Nous sommes appelés à devenir des « maisons de l’Esprit ». Depuis notre baptême, nous sommes effectivement maisons de l’Esprit Saint. C’est lui qui commande. Il prend possession du croyant pour répandre en nous l’amour qui est en Dieu, et le manifester par des gestes de paix, de pardon, de réconciliation, de charité, de générosité. Enfin chacun pourra dire : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).
L’Évangile de ce jour nous rapporte une prière d’action de grâce de Jésus : « Je proclame ta louange ; ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11,25). Ne nous trompons pas sur le sens de cette parole. La bonne nouvelle n’a été cachée à personne ; elle a été proclamée dans toute la Galilée. Jésus y a fait beaucoup de miracles. Il n’a jamais cessé d’inviter les uns et les autres à se convertir ; mais voilà : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1,11). A plusieurs reprises, Jésus s’est trouvé affronté à la dureté de cœur de ses auditeurs.
Les sages et les savants que Jésus dénonce, ce sont ceux qui s’accrochent à leurs raisonnements humains. Ils pensent avoir raison contre tout le monde, y compris contre le pape et les évêques. Ils sont imbus de leurs connaissances et de leurs certitudes. De ce fait, ils deviennent incapables d’accueillir une vérité qui vient d’ailleurs. Pour accueillir cette bonne nouvelle, il nous faut avoir un cœur de pauvres, entièrement ouvert à Dieu. Jésus se révèle aux tout-petits pour leur dire qu’ils sont les plus grands de ce monde. Nous ne pouvons qu’exulter de joie face à un Dieu pareil. Il remet toute chose à sa juste place. Ce qui a de la valeur à ses yeux, ce n’est pas l’argent ni les richesses de ce monde mais l’amour de tous les jours pour tous ceux et celles qui nous entourent.
S’adressant aux tout-petits, Jésus leur dit : « Venez à moi » (Mt 11,28). Voilà cet appel qu’il nous faut entendre et accueillir, venir à Jésus. Il est toujours là pour nous accueillir. Son amour nous est toujours offert ; il ne demande qu’à nous accompagner partout où nous allons. Cette bonne nouvelle est offerte à tous. Mais la priorité de Jésus va vers tous ceux et celles qui ploient sous le poids de leur fardeau. Nous pensons à tous ceux qui sont douloureusement éprouvés par la maladie, la souffrance physique ou morale, la trahison, le mépris, la violence.
S’adressant à ceux qui ploient sous le fardeau, le Seigneur dit : « Prenez sur vous mon joug » (Mt 11,29). Ne nous trompons pas sur le sens de cette parole : ce joug n’est pas un fardeau de plus. Jésus veut nous faire comprendre qu’il désire que nous soyons reliés à lui. Ce fardeau qui nous accable, il veut le porter avec nous. Il sait que par nos seules forces, ce ne sera pas possible. Mais avec lui, il n’y a pas de situation désespérée.
Ce qu’il faut souligner dans l’évangile d’aujourd’hui, c’est le fait que le contexte n’était pas à l’exultation : Jésus venait d’essuyer de gros échecs dans sa mission. Les pharisiens et les scribes l’ont carrément rejeté. Mais il ne sombre pas dans la déception et le découragement. Il se réjouit de voir venir à lui les malades, les handicapés : c’est dur à admettre mais le moindre handicap éloignait de la synagogue et du temple, de la prière du peuple de Dieu, et donc de la religion : les découragés, les éprouvés, les pauvres, les publicains, les prostituées, les sans diplômes, les rejetés de la société, les enfants… ceux-là que les chefs religieux méprisaient parce qu’ils ne pratiquaient pas scrupuleusement la loi. Tout ce « petit monde » retrouve sa dignité et son espérance auprès de Jésus, s’ouvre à son enseignement et à son salut. On les oppressait sous une religion tatillonne de prescriptions pesantes, Jésus les libère par une loi d’amour, plus exigeante mais plus intérieure, loi qui est joie et liberté, car l’amour demande l’effort sans écraser, il donne des ailes et les forces s’en trouvent décuplées. Les rabbins parlaient de la loi comme d’un joug, le Christ ne rejette pas le mot, mais son joug est léger. Le joug, c’est cet attirail que les bœufs de labour portent sur la nuque. Le joug se porte à deux (le mot est présent dans « conjugal » pour dire que la vie conjugale est un joug que les partenaires portent à deux, le bonheur conjugal étant justement d’être à deux pour porter joies et épreuves) : il faut mettre les forces ensemble pour tirer au même rythme, dans le même sens, pour le même but. C’est cette image que Jésus utilise pour dire qu’il partage nos misères : il n’éloigne pas de nous la condition humaine et ses malheurs, il ne nous dispense pas de la souffrance – ce que nous demandons toujours dans la prière – mais il n’est pas indifférent à notre sort puisqu’il vient porter la croix avec nous, il se charge même de nos fautes et de notre mort.
Nous qui sommes rassemblés en cette église, nous sommes venus à toi, Seigneur Jésus. Nous nous unissons à ton action de grâce : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 25,27). Donne-nous d’en être les témoins fidèles auprès de tous ceux que tu mettras sur notre route.