B PÂQUES 03 LUC 24, 35-48 (11)

Chimay : 14.04.2024

       

Frères et sœurs, ce dimanche pourrait être appelé le « dimanche du témoignage ». Le livre des Actes des apôtres (Ac 3,13-19) nous rapporte le discours de Pierre : il y témoigne de ce qu’il a vu. Il vient de guérir un homme paralysé qui mendiait à la porte du Temple. Il s’adresse à la foule stupéfaite à cause de ce qui vient de se passer. Il lui explique que ce n’est pas par ses propres forces qu’il a pu opérer cette guérison. C’est Jésus mort et ressuscité qui en est le principal opérateur. Ce Jésus qu’ils ont renié et qui est ressuscité ; Pierre et ses amis en sont témoins. Aussi la première urgence, c’est que chacun se convertisse et se tourne vers Dieu. Si Pierre insiste sur la responsabilité des hommes dans la mort de Jésus, ce n’est pas pour les enfermer dans leur crime mais, au contraire, pour les inciter à se tourner vers le Christ ressuscité et accueillir sa miséricorde.

C’est aussi cet appel que nous adresse saint Jean : « Je vous écris pour que vous évitiez le péché » (1 Jn 2,1-5a). C’est donc un appel à ne pas nous détourner de l’amour de Dieu et de nos frères. « Mais si l’un de vous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père, Jésus le Juste ». Dans son Évangile, saint Jean rappelle que Jésus avait promis à ses apôtres de leur envoyer « un autre défenseur » (Jn 14,16). Pourquoi un autre défenseur ? Jésus est notre premier défenseur auprès du Père, notre premier avocat ; mais l’Esprit Saint est notre autre défenseur parce qu’il nous conduit à plénitude d’une telle vérité : « Il vous conduira à la vérité tout entière » (Jn 16,13).

L’Évangile nous montre comment Jésus rejoint les siens au moment où ils souffrent de son absence. C’est ce qui s’est passé avec Marie-Madeleine au tombeau, avec les disciples d’Emmaüs sur la route, et le soir de Pâques au Cénacle : c’est dans ces circonstances que Jésus les rejoint ; il est là au milieu d’eux. Il se fait reconnaître. Mais l’effroi gagne tout de même les disciples qui bénéficient de la présence de Jésus mais sombrent dans la peur. Malgré le témoignage des femmes, de Pierre et des pèlerins d’Emmaüs, les disciples n’ont pas intégré la réalité de la résurrection : la peur les aveugle, ils pensent voir un fantôme. Il faut que le Ressuscité partage leur quotidien, en mangeant un morceau de poisson grillé, pour les amener à passer de la crainte à la foi. Non ce n’est pas un esprit. Il est celui-là même qui a subi la Passion. Ses mains et ses pieds en gardent la trace. C’est bien le Crucifié qui est revenu à la vie. C’est sur cette expérience tangible de rencontre que naît la foi des apôtres, qui embrase la foule des témoins appelés à annoncer le salut par toute la terre.

Cette rencontre extraordinaire a été un bouleversement pour les disciples. Avec amour et patience, Jésus leur explique tout ce qui était écrit dans la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes. Et c’est ce qu’il continue à faire le dimanche : quand nous nous rassemblons à l’église, il est là bien présent au milieu de nous. Il vient raviver notre foi ; il nous nourrit de sa Parole et de son Pain. Puis il nous envoie en mission pour témoigner de la foi qui nous anime. Ce qui nous est demandé, ce n’est pas de rester entre chrétiens à l’intérieur de l’église. Notre témoignage doit rejoindre tous les hommes, en particulier ceux qui sont dans les « périphéries », ceux qui ne connaissent pas le Christ, ceux qui n’ont pas su célébrer Pâques.

Annoncer l’Évangile, ce n’est pas seulement proclamer des formules. Nous ne pouvons pas nous contenter de belles paroles. Jésus ne nous a pas envoyés pour cela. Le plus important, c’est de tout faire pour que ces paroles se traduisent en actes dans nos vies. Il faut que nous soyons de plus en plus ajustés à cet amour qui est en Dieu. En y regardant de près, nous reconnaissons que nous sommes sans doute loin du compte. Mais le Seigneur n’a jamais cessé de nous aimer. Il revient vers nous, comme il est revenu vers ses disciples le soir de Pâques. S’il nous offre son pardon, c’est pour que nous puissions devenir de vrais témoins de la foi au Christ.

Mais si nous ne prenons pas le temps de l’accueillir dans notre vie, rien ne se passera. Nous serons comme le sel affadi qui n’est plus bon à rien. L’Évangile de ce dimanche nous rappelle que les disciples d’Emmaüs ont vécu deux moments importants : l’accueil de la Parole (Moïse et les prophètes), puis la Fraction du Pain – c’est le nom qui était donné à l’Eucharistie. C’est là que nous sommes invités à puiser en vue de la mission que le Seigneur nous confie.

Lire les Écritures, prier les psaumes, prendre le temps d’approfondir sa foi, c’est entrer dans le plan de Dieu. C’est se préparer à recevoir le Christ. Dans certains pays, les chrétiens sont obligés de se cacher pour lire la Bible. À travers l’histoire, certains ont voulu la détruire en la brûlant, d’autres entraient dans les maisons pour la confisquer et l’anéantir. Mais dans sa fidélité Dieu veillait sur sa Parole de sorte que nous pouvons la lire et l’entendre encore aujourd’hui !

Les pèlerins d’Emmaüs racontent aux disciples leur rencontre avec le Ressuscité, sans doute avec entrain : mais soudain, le Christ est là, devant eux et leur dit : La paix soit avec vous. C’est avec une semblable bénédiction, Paix et Joie, que saint François bénissait à Assise ceux qu’il rencontrait. Cette salutation qui semble ordinaire est cependant lourde de sens pour peu que l’on réfléchisse à ce qu’elle implique : de quoi avons-nous besoin d’autre que la paix de Dieu dans notre vie et notre histoire pour être rempli de joie ?

Vivre en ressuscité, c’est croire que malgré nos faiblesses, nos pauvretés, nos blessures nous sommes aimés de Dieu et appelés à vivre auprès de lui pour toujours. « Là où je suis, dit Jésus, là aussi sont mes disciples » (Jn 14,3).