B 11 MARC 04, 26-35 (8)

Chimay : 16.06.2024

Frères et sœurs, les trois lectures de ce dimanche vont dans le même sens. Elles nous invitent à la confiance et à la patience. L’Évangile nous dit que le Royaume de Dieu est une force qui avance au travers de nombreuses difficultés ; rien ne peut l’arrêter, tout comme une semence : « Qu’un homme jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit » (Mc 4,26-27). Ézéchiel nous parle d’une extraordinaire croissance, celle d’un grand cèdre (Ez 17,22-24). Et saint Paul, s’adressant à des chrétiens persécutés, garde confiance et réaffirme son engagement pour le Seigneur : « Notre ambition, c’est de plaire au Seigneur » (2 Co 5,9).

À travers ces trois textes, le Seigneur nous rassure ; il nous a promis d’être avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20). C’est vrai que les médias nous disent souvent le contraire ; alors on s’interroge : « Où es-tu, Seigneur, quand on se fait la guerre dans de nombreux pays ; quand on commet des violences contre les plus faibles ; quand les plus pauvres sont jetés à la rue ? » Et bien sûr, comment ne pas penser à cette pandémie qui a fait de nombreuses victimes. Où était le Seigneur qu’on appelait à l’aide ?

Ce cri d’accablement était celui des habitants de Jérusalem. Exilés à Babylone, loin de chez eux, ils sont complètement désemparés. Ils semblent voués à la destruction. Le prophète Ézéchiel a assisté à la chute totale de son pays. Mais il annonce à son peuple que rien n’est perdu. Ce qui n’est qu’une minuscule bouture va germer et devenir un grand arbre. Ceux qui sont totalement brisés, Dieu les fera revivre. Le prophète trouve les mots justes pour redonner courage et espérance à son peuple. La haine, la violence et le mal ne peuvent avoir le dernier mot. C’est l’amour qui triomphera. Rien donc ne doit ébranler notre foi au Dieu sauveur. La haute montagne représente le lieu où Dieu vient rejoindre l’humanité, et le rameau qui deviendra un cèdre magnifique renvoie à Jésus Christ.

C’est aussi de cette espérance dont nous parle saint Paul dans la deuxième lettre aux Corinthiens (2 Co 5,6-10). Les premières années du christianisme ont été marquées par des persécutions. L’apôtre Paul rencontre de nombreuses difficultés dans son ministère. L’apostolat de saint Paul est parsemé de rencontres avec la justice, qu’il s’agisse de tentatives irrégulières des autorités juives, d’arrestations, d’ébauches de procès devant des autorités romaines, ou de procès véritables : malgré les épreuves saint Paul lui-même rappelle aux Corinthiens qu’il est ministre du Christ « par les travaux, par les emprisonnements, infiniment plus par les coups. Souvent j’ai été à la mort. Cinq fois j’ai reçu des Juifs les trente-neuf coups de fouet ; trois fois j’ai été battu de verges ; une fois lapidé » (2 Co 11,23-25). Qui dit mieux ?

Saint Paul a l’impression de descendre à la mort, mais il a la ferme certitude qu’à travers tout cela, c’est la vraie vie qui est en train de germer. Le Seigneur nous prépare une demeure éternelle. Il donnera la couronne de gloire à ceux qui auront accompli leur course jusqu’au bout. « J’ai mené le bon combat » (2 Tm 4,7) dira saint Paul. Ce message de réconfort est une bonne nouvelle pour les chrétiens d’aujourd’hui. Si nous restons reliés au Christ, rien ne peut nous séparer de son amour. « Ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les esprits, ni le présent, ni l’avenir, ni tous ceux qui ont un pouvoir, ni les forces d’en haut, ni les forces d’en bas, ni toutes les choses créées, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu ! » (Rm 8,38-39).

L’Évangile de saint Marc s’adresse aussi à des chrétiens désemparés. Leur question est de tous les temps : dans ce monde où tout va si mal, où est-il notre Dieu ? Que sont devenues les promesses du Christ ? Comment garder la foi face à toute cette violence. Saint Marc leur rappelle les paroles de Jésus autrefois. Il leur parle de cette semence qui germe et grandit toute seule. Mais entre les semailles et la moisson, il y a beaucoup de temps. C’est une manière de dire que le Royaume de Dieu est en gestation. Malgré la lenteur avec laquelle le règne de Dieu germe sur terre, Jésus est certain de la moisson. Son espérance fonde la nôtre. La récolte viendra. Notre Dieu peut paraître absent mais son action est discrète et efficace. Avec nos yeux et nos oreilles, nous pouvons savoir ce qui se passe dans le monde. Mais pour reconnaître l’action de Dieu, il faut le regard de la foi. Comme les disciples d’Emmaüs (Lc 24,13-35), nous reconnaissons la présence du Christ quand il nous explique les Écritures et qu’il nous partage son pain eucharistique. C’est en lui que toute notre vie retrouve son sens. Nous découvrons que même dans les pires épreuves, Dieu ne nous a jamais abandonnés.

Dans son discours, Jésus précise que cette graine, c’est « la plus petite des semences de la terre » (Mc 4,31). La parabole de la graine de moutarde est d’une grande beauté poétique, et elle est aussi amusante : cette toute petite graine donne naissance à une plante potagère qui peut atteindre quatre mètres de haut ! Dans la logique du Royaume, le plus petit devient parfois le plus grand : une parole vraie, donnée et reçue, peut bouleverser le cours de toute une vie. Une simple graine d’évangile peut, avec le temps, changer en profondeur ceux qui la reçoivent.

C’est dans la logique même de Dieu. Jésus s’est fait le plus petit et le plus pauvre. Il a été mis au tombeau. Mais sa résurrection a été le point de départ de la naissance de l’Église. Celle-ci a commencé petitement avec, un groupe d’hommes insignifiants, peu instruits, des pêcheurs illettrés, qui avaient peur. Mais ce qui est folie aux yeux des hommes est sagesse de Dieu (1 Co 1,25). Nous voyons des statistiques qui s’effondrent, les pratiquants vieillissent mais rien ne peut empêcher Dieu d’être à l’œuvre.

Concrètement, nous croyons que Dieu agit quand les ennemis enfin se parlent, quand des hommes, des femmes et des enfants sortent du cercle infernal de la rancune et de la violence pour faire des gestes de paix et de réconciliation. Dieu agit quand des savants inventent des moyens pour combattre les maladies. Il est présent quand des équipes s’organisent pour visiter les malades ou les prisonniers. C’est ainsi que les signes de la présence de Dieu se multiplient. Nous sommes comme le paysan de la parabole. « Nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment » (M 4,27). Les choses se passent sans que nous n’en sachions rien et sans que nous comprenions comment.

Quand nous voyons la vie germer, c’est Dieu qui est là et qui agit. Que nous dormions ou que nous nous levions, la semence germe. En attendant la moisson, il nous faut apprendre la patience et surtout la confiance. « J’ai fait ce que je devais faire. À toi, Seigneur, de jouer. Tu m’as demandé de semer des graines d’amour, de justice, de paix, de réconciliation… Mais c’est toi qui donnes à la semence de pousser et de donner du fruit ». Sans doute que la bonne attitude est-elle faite de confiance et d’abandon, un peu comme le semeur de la parabole qui sème puis va se coucher, dans la certitude que la graine va germer, même s’il ne comprend pas comment.