C BAPTÊME DU SEIGNEUR LUC 03,15-16.21-22 (15)

Chimay : 12.01.25


Bapt JesusFrères et sœurs, depuis Noël, nous allons de révélation en révélation. La nuit de Noël, c’était la Bonne Nouvelle annoncée aux bergers (Lc 2,1-14) ; à travers eux, elle était adressée aux petits, aux pauvres et aux exclus. Dimanche dernier, c’était la fête de l’Épiphanie (Mt 2,1-12) ; celle de la Bonne Nouvelle annoncée aux mages et, à travers eux, à toutes les nations, à tous ceux qui ne connaissent pas Dieu, car son amour est offert à tous.

Et aujourd’hui, c’est une autre manifestation du Seigneur que nous célébrons : l’Évangile nous parle de la prédication de Jean Baptiste ; il annonce la venue de Celui qui apporte de salut au monde : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (Lc 3,16). Cette Bonne Nouvelle était déjà annoncée par le prophète Isaïe (Is 40,1-5.9-11) : « Consolez, consolez mon peuple… parlez au cœur de Jérusalem…. Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ». Mais cette puissance n’est pas celle qu’on croit ; il ne vient pas pour venger ni pour punir. Cette puissance, c’est celle de l’infinie tendresse de Dieu qui pardonne, qui accompagne, qui réconforte. Le Seigneur vient consoler son peuple : « Là où le péché a abondé, son amour surabonde » (Rm 5,20).

Jean Baptiste baptise au Jourdain pour inviter les gens à se convertir. Les prêtres et les lévites hébreux cherchent à savoir qui il est. Non, il n’est pas le Messie, ni Élie, ni le prophète semblable à Moïse annoncé par le Deutéronome (Dt 18,18). Il affirme simplement être la voix qui crie à travers le désert : « Préparez les chemins du Seigneur » (Mc 1,3). Dans son discours, il parle de ravins à combler, de collines à abaisser. Il s’agit de combler les graves manquements à la Loi de Dieu et de rabaisser les prétentions orgueilleuses et la rébellion. C’est ainsi que Jean Baptiste exhorte le peuple à se convertir et à recevoir un baptême pour exprimer son désir d’être purifié.

Or voilà que Jésus arrive pour se faire baptiser. En humble charpentier il s’avance incognito, au milieu d’une foule recueillie, assoiffée de renouveau. Jésus n’a pas l’allure d’un seigneur. Il fait la queue comme tout le monde, au rang des petits et des pécheurs. Pourtant, lui, le Fils éternel du Père, n’a pas de péché à se faire pardonner. Il est totalement pur. Mais il fait corps avec les pauvres de cœur (Mt 5,1). Alors pourquoi demande-t-il un baptême de conversion ? La réponse, nous la trouvons tout au long des Évangiles : ce baptême est une manifestation de sa mission. Jésus, l’envoyé du Père, rejoint le monde pécheur pour lui montrer que Dieu est avec lui. Il entre dans les eaux du Jourdain, pur de tout péché. Il en ressort, porteur de tous les péchés du monde. Ces péchés, il les prend sur lui car il veut nous en libérer. Il est « l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde » (Jn 1,29).

Notre vie est souvent polluée par la colère, l’égoïsme, la rancœur, l’hypocrisie et la vengeance. Tout cela, nous devons le donner au Seigneur. De cela il veut nous libérer, car cela nous empêche de vivre. Alors, n’hésitons pas à déposer à ses pieds tout ce qui va mal dans notre vie. Avec la venue de Jésus, c’est la promesse d’Isaïe qui se réalise : tout au long des Évangiles, nous le découvrons comme « Lumière des nations » (Lc 2,32). Il est celui qui ouvre les yeux des aveugles, guérit les infirmes et libère les captifs.

C’est ce Sauveur que la voix du Père révèle à son peuple en ce jour : « Tu es mon Fils bien aimé » (Lc 3,22). Cette parole s’adresse aussi à nous : nous sommes tous les enfants bien-aimés du Père. Son Salut est offert à tous malgré nos peurs et nos fautes. Son règne de Lumière s’étend au monde entier. Rien ni personne ne peut arrêter la Parole de Dieu, ni l’empêcher de produire son fruit. C’est comme un feu qui ne demande qu’à se répandre dans tout l’univers (Lc 12,49). Ce feu, c’est l’amour passionné de Dieu.

Le baptême de Jean Baptiste était une annonce du baptême chrétien. Ce dernier n’est plus un geste de pénitence, mais une immersion totale dans l’amour de Dieu. Il nous renouvelle dans l’Esprit Saint. Désormais, plus rien ne peut être comme avant. Ce passage du baptême était beaucoup plus marqué pour les premiers chrétiens qui venaient du monde païen. Avec Jésus, c’est une vie nouvelle qui commençait désormais.

Ces trois manifestations du Christ aux pauvres (les bergers), aux étrangers (les mages) et aux pécheurs nous invitent à changer notre regard sur eux. Les Évangiles nous disent que Jésus est venu pour tous (Lc 19,10). La conséquence logique, c’est que nous ne devrions pas mépriser les petits, les pauvres, ni les étrangers, ni ceux qui ont un lourd passé. Puisqu’ils sont tous appelés par Jésus. Il tient à eux comme à son bien le plus précieux. Pensez à Zachée, à l’hémorroïsse, à la femme adultère, à l’aveugle-né, au publicain de la parabole et à tant d’autres.

Comment ne pas profiter de la fête du baptême de Jésus pour nous laisser interpeller au sujet de notre propre baptême ? Par le baptême, nous avons été plongés dans la mort avec le Christ pour naître à une vie nouvelle ! Quelque chose de nouveau a commencé en notre vie le jour où nous avons été baptisés. Sur les rives du Jourdain, Jean Baptiste annonçait un baptême de conversion pour que le peuple soit prêt à accueillir le Messie, celui qui baptiserait dans l’Esprit Saint et le feu. Pour Jésus, la vie paisible à Nazareth se termine pour laisser place à celle de la mission. Jésus est baptisé par Jean de la même manière que le peuple dont il fait partie. Il se vit une sorte de passage, de relais. Jésus est baptisé, et commence pour lui un temps nouveau qui plonge ses racines dans la prière. L’évangile d’aujourd’hui prend soin de nous rappeler cet enracinement dans la prière, dans ce dialogue avec son Père, que Jésus ne cessera d’entretenir tout au long de sa vie, jusqu’au sommet de la Croix. C’est dans la prière que Jésus accueille l’Esprit Saint. C’est dans la prière que Jésus accueille sa mission. C’est dans la prière qu’il comprend la voix du Père : « Tu es mon Fils bien-aimé ! » C’est dans la prière, que nous aussi, nous sommes invités à discerner, à écouter la voix du Père, à répondre aux appels de notre baptême et à prendre le chemin des disciples missionnaires. Une manière d’insister sur le fait que le don de l’Esprit est une réalité qui s’expérimente ; et cela, au sein de la communauté croyante.

C’est une invitation à demander l’Esprit, que le Père céleste ne peut nous refuser (Lc 11,13) ! Cette expérience de l’Esprit révélera à chacun son être filial. Mais être le bien-aimé du Père n’équivaut pas à être préservé des souffrances et des épreuves inhérentes à la condition humaine, ni à vivre une relation fusionnelle. C’est une épreuve que Jésus a vécue sur la croix quand il prie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Pourquoi restes-tu si loin ? » (Ps 21,22).

Que l’Esprit Saint nous donne de reconnaître en Jésus de Nazareth Celui qui a les paroles de la Vie Éternelle (Jn 6,68) et qui nous sauve. Plus que jamais, prions-le : « Tu es notre Dieu et nous sommes ton peuple, Ouvre-nous le chemin de la vie » (Michel Scouarnec et Jo Akepsimas, A 187).