13e dimanche du Temps ordinaire – année C
Scourmont, 26 juin 2022
1 R 19, 16b.19-21 –
Ps 15 (16), 1.2a.5, 7-8, 9-10, 2b.11
Ga 5, 1.13-18 – Lc 9, 51-62
La vocation de Jésus et des disciples
1. La vocation de Jésus
Jésus se met en marche vers Jérusalem. Ce n’est pas seulement un pèlerinage comme il en a fait déjà pour les fêtes pascales, mais un aller qui n’aura pas de retour. Peu de temps auparavant (9, 44), il avait annoncé à ses disciples : « Ouvrez bien vos oreilles à ce que je vous dis maintenant : le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes. » Il prend donc résolument la route de Jérusalem. C’est là qu’il sera « enlevé au ciel », en passant par les tribulations de la passion. Il monte vers Jérusalem pour accomplir sa mission, réaliser sa vocation. Rempli de l’Esprit saint, il avait inauguré son ministère en Galilée (4, 14), mais tout doit se terminer à Jérusalem, lieu de rencontre privilégié entre Dieu et son peuple, entre Dieu et l’humanité. Il y vivra le drame de sa Passion et de la mort sur une croix, passage nécessaire pour que son humanité soit « enlevée au ciel », qu’elle passe complètement en Dieu, qu’elle soit glorifiée. De la plaine de Galilée au sommet du Calvaire : une vocation pour un seul chemin de croix, un seul chemin de gloire.
2. Ceux qui vont devant : les ministres
« Il envoya, en avant de lui, des messagers […] pour préparer sa venue. » Jésus ne peut avancer seul ; il a besoin qu’on prépare matériellement sa venue, car il est accompagné de tout un groupe de disciples. Nous pouvons voir dans ces messagers une préfiguration des ministres de l’Église d’aujourd’hui : que font-ils d’autre qu’annoncer la Bonne Nouvelle, préparer la venue de Jésus pour qu’il soit accueilli lorsqu’il vient à passer ? Et si on ne veut pas l’accueillir, il est inutile de se mettre en colère, comme les apôtres Jacques et Jean, les deux frères au tempérament de feu ; il ne faut pas s’attarder, car, après tout, on ne peut pas forcer les autres à croire en Jésus. Il faut aller de l’avant, car tant d’autres personnes attendent l’annonce de la Bonne Nouvelle. Les cœurs bien disposés pourront accueillir Jésus quand il passera.
3. Ceux qui suivent Jésus : les fidèles
Ainsi, Jésus envoie certains disciples en avant de lui ; mais il y a aussi tous ceux qui le suivent, qui « vont derrière ». Soit ils se proposent d’eux-mêmes pour suivre Jésus, soit c’est Jésus qui les appelle : nous trouvons les deux exemples dans cet évangile. « Je te suivrai où que tu ailles […] je te suivrai, Seigneur… » On pourrait dire que ces deux disciples devancent en quelque sorte l’appel de Jésus, au moins l’appel explicite. Nous pourrions penser que Jésus va les accueillir chaleureusement : « Venez donc, vous êtes les bienvenus. Vous allez faire connaissance avec mes autres disciples et peu à peu vous vous familiariserez avec mon enseignement. » Il n’en est rien. Au contraire, Jésus semble presque repousser leur avance. Au premier, il rappelle : « Le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête », ce qui implique que le disciple devra vivre dans les mêmes conditions. Nous n’avons pas la réponse du disciple, mais on peut supposer qu’il n’a pas donné suite à sa demande. Le troisième, comme le premier, s’adresse directement au Seigneur, mais en donnant une condition : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. ». Or, se mettre à la disposition de Jésus pour le Royaume est une démarche qui se fait immédiatement, sans attendre et sans donner de condition.
Quant au second personnage, c’est Jésus qui a l’initiative de l’appeler, car il a sans doute perçu qu’il se montrait intéressé. Il l’interpelle donc : « Suis-moi ! » La personne, peut-être surprise, ne pensait pas devoir prendre une décision tout de suite. Elle veut d’abord rendre les derniers devoirs à son père décédé, mais, pour Jésus, le Royaume est plus urgent : il faut quitter tout et tout de suite.
4. Et nous ? La vocation du chrétien
Et nous, quel enseignement pouvons-nous tirer de cet évangile ?
Tout d’abord, nous sommes appelés à faire partie de l’entourage de Jésus, à être parmi ceux qui le fréquentent. Comment ? Nous le savons bien. D’abord par la prière, liturgique et personnelle. Une prière qui a des moments forts dans la journée, vécue seul ou en commun avec d’autres croyants. Ces temps sont indispensables pour marquer notre appartenance à l’Église, comme le faisaient les premiers chrétiens dans leurs maisons. Et aussi par une prière diffuse tout au long de la journée. J’aime beaucoup cette expression de l’un de nos chapitres généraux (1969) : nous devons nous préparer « à recevoir de l’Esprit le don de la prière pure et continuelle ». Cet état de prière continuelle n’est pas réservé aux moines ; tous les chrétiens y sont appelés et beaucoup en vivent déjà. Je pense que c’est cela, fréquenter Jésus, faire partie de son entourage.
C’est dans ce contexte que nous pourrons entendre son appel pour l’aider à préparer sa venue dans les cœurs. Ceux qui annoncent la Bonne Nouvelle aujourd’hui ne font que préparer les cœurs à son avènement. Des cœurs bien préparés le reconnaîtront à son passage, et ils pourront le recevoir chez eux.
Et puis, il y a ceux qui sont appelés à le suivre, ou qui sont poussés à se proposer eux-mêmes, dans un élan de générosité. Mais attention ! Ce n’est pas parce que nous sommes proches de Jésus qu’il va être moins exigeant. Une fois son appel entendu, rien ne peut plus retarder notre démarche, surtout pas notre propre famille – les vivants ou les défunts. Nous devons tout laisser, sans rien entreprendre qui retarderait notre engagement. Il n’y a pas de place pour une demi-mesure. Nous mettre à la suite de Jésus, c’est nous mettre en route avec lui vers Jérusalem, vers le lieu d’accomplissement de sa Pâque, Pâque que nous sommes désormais invités à vivre avec lui. Sommes-nous prêts à nous engager ainsi jusqu’au bout sur le chemin qui conduit à Jérusalem ?
Aujourd’hui, chaque jour, je m’engage avec Jésus sur cette route. Je peux être fier d’être avec lui, car je suis sûr de ne pas me tromper et d’emprunter le bon itinéraire, mais attention : le pèlerinage va être rude (« Le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête ») ; et il se terminera de manière dramatique (nous avec Jésus sur la Croix), mais nous savons que nous pourrons ainsi participer à sa résurrection, et que, avec lui, nous entrerons dans la gloire du Père, ce qui est le but de notre vie chrétienne.