21e dimanche du Temps ordinaire – année C

Scourmont, 21 août 2022

Is 66, 18-21 ; Ps 116 (117), 1, 2

He 12, 5-7.11-13 – Lc 13, 22-30

Les justes seront sauvés

1. Qu’est-ce que la justice ?

« Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. » Tout cet évangile s’articule autour de cette parole de Jésus. À la question qui lui est posée, « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? », Jésus ne répond pas directement, peut-être tout simplement parce qu’il n’y a pas de réponse. Pour éluder la question, il aurait pu rétorquer : « Ça dépendra. » Ça dépendra de quoi ? – De ceux qui pratiqueront la justice. Et cela, on ne peut pas le savoir avant la dernière heure. Mais alors, la vraie question est : Qu’est-ce que la justice, cette justice qui mène au salut ?

Dans le sens commun de nos jours, la justice, c’est, selon la définition d’un dictionnaire (Le Robert), « la juste appréciation, la recon­naissance et le respect des droits et du mérite de chacun. » De là, tout un système judiciaire (qui traite de la justice) pour remettre en place les droits lorsqu’ils ont été lésés. Mais ceci n’est pas exactement le sens de « justice » dans notre évangile. Dans l’Écriture, la justice désigne en effet, selon un dictionnaire biblique, « la qualité qui fait qu’un acte ou un objet sont conformes à ce que le droit, la coutume ou son essence, sa nature exigent » (cf. Dictionnaire encyclopédique de la Bible, p. 707). Une action est juste si elle est conforme à ce qu’elle devrait être et, pour des croyants, en dernière analyse, si elle est conforme à la volonté de Dieu (cf. note de la TOB sur Ph 1, 11). Un être humain est juste si sa vie est conforme à ce que Dieu attend de lui. Est juste ce qui est selon la volonté de Dieu, volonté qui se révèle d’abord dans la nature même des êtres et des choses, tous créés par lui. Alors on comprend mieux la parole de Jésus : « Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. » En effet, comment pourraient être sauvées, participer à la vie de Dieu, des personnes qui ne vivent pas selon la volonté divine ? Ne pas vivre selon la volonté de Dieu, en toute « justice », c’est ne pas participer à sa vie ; une telle personne ne peut donc pas avoir sa place auprès de Lui.

2. Les juifs sont écartés

La première partie de cet évangile traite du cas des croyants, des juifs, ceux pour lesquels le maître de maison refuse l’entrée et qui protestent : « Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places. » En d’autres termes : nous te connaissons bien, nous avons habité la même ville, nous avons vécu des choses en commun. Alors, comment se fait-il que tu ne nous acceptes pas auprès de toi dans l’éternité ? La réponse est nette : « Je ne sais pas d’où vous êtes », je ne connais pas votre origine ; vous n’êtes pas issus de ma lignée, puisque vous n’avez pas accompli ma volonté ; ce que vous êtes actuellement ne correspond pas à mon œuvre de création. Je ne vous reconnais donc pas comme mes créatures. En effet, il ne suffit pas d’être les descendants des Patriarches ou des Prophètes ; il faut aussi vivre comme eux ont vécu. Si vous ne faites pas partie de ma « famille », vous ne pouvez pas vivre avec moi ; vous serez jetés dehors. « Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. »

3. Personne n’en est exclu

Est-ce à dire que le maître de maison est tellement difficile dans le choix des personnes qu’il va sauver qu’il veut en écarter absolument ? Non, il est prêt à accueillir tout de monde, des quatre coins du monde, donc même des non-croyants, pour le festin que se partageront les élus. On y « viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi », dit l’évangile. Tous sont appelés au salut, à la sainteté, sans aucune distinction de races, de religions ou de situations sociales. Et la hiérarchie dans le Royaume ne dépend pas de nous : en effet, « des derniers seront premiers, et des premiers seront derniers. » Tout se mesurera à la « justice ».

4. Comment acquérir cette justice ?

Alors se pose la question : comment acquérir cette justice qui sauve ? Une phrase de saint Paul, dans sa Lettre aux Philippiens oriente vers la réponse : « Ainsi, serez-vous purs et irréprochables pour le jour du Christ, comblés du fruit de la justice qui s’obtient par Jésus Christ, pour la gloire et la louange de Dieu » (Ph 1, 10b-11). La justice s’obtient par le Christ, en participant à sa vie, en devenant, nous aussi, des fils de Dieu en Lui. Le chrétien participe à la vie du Christ par les sacrements, en particulier le baptême et l’Eucharistie, mais cela ne suffit pas, car il faut mettre la justice en pratique pour devenir juste. Dans sa réponse à celui qui l’interroge, Jésus dit : « Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice », vous qui commettez, qui faites l’injustice. Le mot grec (ergatai) est de la même racine que le mot qui désigne le travail (ergon) ; il a donc un sens très concret. Comment mettre en œuvre la justice ? Avant tout, en pratiquant les deux commandements de l’amour : aimer Dieu et aimer son prochain. Ils résument toute la Loi dans l’Ancien Testament, et bien sûr tous les devoirs chrétiens. Saint Benoît les a d’ailleurs placés en tête de son chapitre sur les instruments du bon travail, où il donne une liste de tout ce que le moine doit faire durant sa vie. Finalement, pratiquer la justice, c’est pratiquer l’amour, l’amour de Dieu et l’amour des frères. Alors on comprend que ceux qui ne pratiquent pas la justice ne peuvent pas être sauvés, participer au festin du Royaume éternel : sans amour, pas de vie avec Dieu.

Pour être admis à ce festin, l’évangile précise encore que la porte à franchir est étroite, car il faut se dépouiller complètement de tout ce qui n’est pas conforme au Christ, à la volonté de Dieu, à la justice, à l’amour. Ne peuvent y entrer que ceux qui sont couverts du vêtement du Christ, qui a pour nom « humilité ».

5. Conclusion

Nous venons de fêter, lundi dernier, l’Assomption de la Vierge Marie ; hier, c’était la fête de saint Bernard de Clairvaux. Marie et tous les saints ont été reconnus comme justes au soir de leur vie terrestre. Suivons leur exemple ; implorons leur intercession. Rien ne nous est impossible : il faut et il suffit de consentir à l’action de l’Esprit saint en nous. C’est lui qui, avec notre consentement, nous rend justes, fils et filles de Dieu, vivant dans l’amour.