Homélie pour le 13e dimanche temps ordinaire
année A
Scourmont, 2 juillet 2023
2 R 4, 8-11.14-16a ; Ps 88 (89), 2-3, 16-17, 18-19 ;
Rm 6, 3-4.8-11 ; Mt 10, 37-42
La vraie récompense
1. Tout le négatif dans la vie du monde et notre vie
« Par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec le Christ Jésus. » Être mis au tombeau : notre monde connaît bien cette réalité. Chaque jour, nous entendons parler de la situation dramatique que subissent nos contemporains. La guerre existe partout : dans beaucoup de pays de l’Asie ; en Afrique, que nous connaissons plus particulièrement ; en Amérique également ; et Europe n’est pas épargnée. Partout des hommes luttent entre eux, se battent, cherchent à éliminer ceux qu’ils considèrent comme des ennemis pour obtenir le pouvoir ou l’argent.
Cette opposition existe également pas loin de nous : dans notre région, dans notre milieu de travail, peut-être même dans notre communauté. Saint Benoît parle, dans sa Règle, des oppositions qu’il peut y avoir entre les frères de la communauté. Il leur demande d’aimer leurs ennemis (4, 31), de ne haïr personne, (4, 65), de prier pour leurs frères (4, 72). D’une certaine manière, la « guerre » peut donc exister aussi dans une communauté monastique.
Et chacun peut le vivre différemment. Certains se sentent agressés et se défendent comme ils peuvent ; d’autres se comportent en agresseurs, même si généralement, ils ne s’en rendent pas vraiment compte. Évidemment, le plus souvent, rien ne se voit de l’extérieur, et en parler ouvertement peut même susciter des suspicions. Pourtant le cœur humain est partout le même : il est bien orienté vers la paix, mais il doit parfois subir la haine ; quelquefois même, il doit se mettre à affronter avec force les autres qui sont répertoriés comme des ennemis, et qui sont fondamentalement des frères.
Chacun de nous est donc appelé à passer par la mort avec le Christ, dit saint Paul aux chrétiens de Rome. Nous aussi, aujourd’hui, nous sommes dans cette situation-là.
2. Le positif avec le Christ
Mais nous sommes aussi appelés à vivre avec lui une vie de ressuscité. Dans notre condition humaine concrète, ce lien avec Dieu par la foi n’est pas toujours sensible, mais c’est lui qui doit nous animer, qui doit nous faire exister. Notre vie chrétienne s’exprime par beaucoup d’attitudes particulières, dans toute notre histoire : dans nos relations, nos modes de vie, nos activités. Mais elle s’enracine au plus profond dans notre cœur par notre relation avec Dieu. Oui, notre vie chrétienne, c’est d’abord notre vie de relation avec Dieu. Nous n’en parlons pas forcément explicitement, mais cela existe. Pour certains, elle reste très intérieure et imperceptible ; pour d’autres, elle leur donne une paix presque sensible tout au long de leur existence quotidienne et de leurs relations avec les autres. La relation avec Dieu, c’est ce qui nous fait exister, même dans des circonstances difficiles.
Pour chaque chrétien, cette situation s’est développée depuis son baptême. Être baptisé, c’est la marque d’une nouvelle relation avec Dieu ; c’est recevoir un nouveau mode d’exister avec ceux et celles qui partagent notre humanité, chacun selon son mode propre, jusqu’à ce que l’on reçoive en héritage la vie éternelle. Pour une personne qui devient chrétienne, le baptême est le début d’une nouvelle existence sur cette terre, quelles qu’en soient les conditions concrètes.
3. Une existence marquée par la mort
Mais nous ne devons jamais oublier que le baptême nous a unis au Christ, et en particulier à sa mort, comme le dit saint Paul. Certainement, beaucoup d’entre nous sont marqués par le lien du baptême avec la mort du Christ, et ils vivent cette relation de multiples manières. La plupart ne vivent pas ce lien facilement, et ils peuvent même prier pour en être délivrés dès cette vie. Même pour les chrétiens, vivre le bonheur n’est pas évident si l’on tient compte de la réalité de notre existence, surtout lorsque l’on perçoit que chacun est appelé à renoncer à tout pour vivre lui aussi la mort du Christ. Lui a été exposé sur la croix et ensuite mis au tombeau ; chacun de nous est appelé à vivre lui-même une telle expérience. Certains n’acceptent pas qu’on dise cela, mais c’est ce que l’Évangile nous enseigne. Comme Jésus, il nous faut, en cette vie, renoncer à tout : à toute possession, à tout ce que donne l’existence corporelle ; le corps lui-même est appelé à subir la mort.
4. Une existence en route vers la vie
Et saint Paul nous mène vers le dénouement de notre existence : « Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » Si nous passons par la mort, nous savons que nous aurons la vie avec celui qui nous sauve. Penser à la souffrance, à la mort peut être difficilement supportable pour certaines personnes, mais c’est le chemin obligé pour parvenir à la joie de la résurrection : il n’y en a pas d’autres. « Qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. » Certains chrétiens ne supportent pas qu’on parle de la souffrance, de la mort comme terme de la vie chrétienne terrestre ; pour eux, la résurrection serait seule à devoir être évoquée. Mais cela ne correspond pas à notre foi. On ne peut recevoir la vie de ressuscité sans être passé par la mort de cette vie terrestre. Il ne s’agit pas de renoncer à vivre sur cette terre, mais de ne pas s’y arrêter, pour arriver un jour à vivre une tout autre existence, celle que l’on appelle la vie de ressuscité, la vie entièrement avec Dieu, comme frère de Jésus, fils du Père, dans la communion de l’Esprit. « Si, par le baptême […], nous avons été mis au tombeau avec (le Christ), c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. »