HOMÉLIE POUR LA TOUSSAINT

Scourmont, le 1er novembre 2024 (1993)

Ap 7, 2-4.9-14 – Ps 23

1 Jn 3, 1-3 – Mt 5, 1-12a

Enfants de Dieu sauvés par l’espérance

 

1.- Nous sommes enfants de Dieu

(En quoi cela consiste)

Frères et sœurs, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu. Dieu le Père nous a aimés au point de nous reconnaître, non seulement comme ses créatures, mais aussi comme ses enfants. Cela n’apparaît peut-être pas à l’extérieur de notre existence, mais notre être intérieur, lui, est profondément marqué par cette réalité. Par le baptême, nous sommes devenus fils et filles de Dieu. Il a voulu que nous ayons accès directement auprès de lui et que nous soyons ses héritiers, héritiers avec le Christ de la vie même de Dieu, qui est essentiellement une vie d’amour.

(Nous n’avons rien fait pour cela)

Pour cela, nous n’avons rien fait. Nous n’avons pas acheté notre adoption à prix d’argent ou au prix d’actes bons que nous aurions accomplis. Dieu n’a pas fait de nous ses enfants parce que nous sommes bons, mais nous avons seulement accueilli le don que le Père voulait nous faire : morts avec le Christ, nous avons resurgi avec lui en vie nouvelle, en vie divine. « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône et par l’Agneau. » Dieu nous aime et c’est pour cela, et pour cela uniquement, qu’il a voulu, qu’il veut faire de nous ses enfants.

(Conséquences)

Avons-nous conscience de notre état ? Lorsque nous choisissons telle orientation pour notre vie, lorsque nous accomplissons notre travail de chaque jour, lorsque nous prenons un moment de détente, nous souvenons-nous que nous sommes enfants de Dieu ? Notre attitude de chaque jour doit être modelée par notre état intérieur : un enfant de Dieu ne peut pas faire n’importe quoi, il ne peut pas dire n’importe quoi. Tout doit être orienté par cette marque divine en nous.

2.- Sauvés en espérance

(Les Saints apparaissent tels qu’ils sont)

Il est vrai que ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. C’est le propre des saints, que nous fêtons aujourd’hui, de laisser transparaître ce qu’ils sont en réalité. Eux, ils ont lavé leurs vêtements, ils ont laissé transformer tout leur être, ils l’ont dépouillé de tout ce qui ne peut pas s’accorder avec la blancheur de l’Agneau. Son sang leur a rendu la pureté sans tache de ceux qui sont tout entiers à Dieu, qui ne sont plus que ses enfants, sans aucune souillure d’aucune sorte.

(Nous n’apparaissons pas tels que nous sommes)

Mais en ce qui nous concerne, pour le moment, nous voyons surtout notre péché, nos limites, nos faiblesses. Le péché habite nos vies. Il nous est bien difficile de faire deux pas en avant sans en faire un en arrière ou bien trois sur le côté. Si nous nous en tenions là, il y aurait bien de quoi parfois désespérer. Notre vie, si nous la regardons en vérité, n’est pas brillante. Même les meilleures actions, celles qui paraissent les plus désintéressées, les plus gratuites, sont entachées d’amour-propre, de recherche de soi, d’avantages personnels.

(Sauvés par notre espérance)

Mais voilà que se dresse notre espérance : Jésus peut nous sauver de tout, comme il a sauvé tous les saints qui nous ont précédés. Parmi eux, il y avait des pécheurs de toutes espèces ; et pourtant c’est à eux tous qu’il a donné de voir son visage de gloire et d’être transformés en cette même gloire. Cette espérance dans l’action suprêmement efficace de Jésus doit nous habiter tout au long des jours. Et c’est cette espérance qui déjà nous sauve : elle nous rend purs comme lui-même est pur, elle nous rend saints comme lui-même est saint, elle nous donne accès à la vie même de Dieu. « Quiconque fonde sur Jésus une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur. » « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu. »

Comment cette espérance nous sauve-t-elle ? – En donnant sens à ce que nous vivons. Ce n’est pas un moyen de nous évader de notre condition concrète, mais la seule façon que nous avons de donner le vrai sens à ce que nous vivons. N’est-ce pas parce qu’ils sont perdus, que leur vie n’a plus de sens, que des hommes et des femmes, aujourd’hui plus qu’autrefois, mettent fin à leurs jours ? Nous en connaissons tous. Ne les jugeons pas. Reconnaissons plutôt que nous-mêmes en viendrions peut-être là, nous aussi, si aucune lueur d’espérance ne nous habitait. À quoi bon vivre, s’il n’y a que de la pauvreté, que des pleurs, que la faim et la soif, que des guerres et des persécutions ? L’espérance chrétienne nous dit que cette situation, ce n’est pas le dernier mot de la vie, ce n’est pas la vraie vie, même si nous n’en voyons pas d’autre pour le moment. Le dernier mot de la vie, c’est que rien n’est impossible à Dieu pour nous sauver. Peut-être pas pour empêcher une maladie, la faillite d’une entreprise, peut-être pas pour empêcher la division d’une famille ou d’une communauté. Mais au-delà, à travers toutes ces réalités humaines, auxquelles personne d’entre nous n’échappe, il peut nous sauver, il peut nous donner sa vie. Ou plutôt, sa vie, nous l’avons déjà en nous depuis notre baptême, mais il peut faire qu’elle se déploie dans toute notre existence, il peut nous donner de vivre en plénitude selon sa vie à lui, qui est une vie d’amour. Être arrimé à cette espérance, voilà qui nous permet de traverser bien des tempêtes. Nous chrétiens, nous ne sommes pas différents des autres dans l’existence concrète ; la seule chose qui nous distingue d’eux, c’est que nous avons une espérance chevillée au cœur : Dieu nous aime ; il veut nous sauver et il y parviendra si nous le voulons bien. Voilà toute notre foi chrétienne.

[[[ 3.- Relation au monde

(Quel monde ?)

Le monde, lui, ne peut pas nous connaître. Il ne peut pas nous connaître dans ce que nous sommes vraiment puisqu’il n’a pas découvert Dieu. Il s’agit bien sûr ici du « monde qui ne connaît pas Dieu ». Vous le savez, la place faite à Dieu dans notre monde est souvent bien réduite, quand elle n’est pas inexistante, voire contestée. Eh bien, nous ne devons pas attendre que ce monde-là nous reconnaisse dans ce que nous sommes, dans notre être d’enfants de Dieu. Il ne le peut pas. Il pourra sans doute respecter cette vie intime avec Dieu qui nous habite, en accepter la cohérence, il ne pourra pas la comprendre et encore moins l’approuver : elle ne fait pas partie de son horizon.

(Notre attitude dans le monde)

Quelle sera alors notre attitude dans ce monde qui ne reconnaît pas Dieu ? - Tout d’abord nous n’avons pas à nous modeler sur lui, sur son système de valeurs, sur ce qu’il présente comme bien, bon ou désirable. Nous pouvons nous interroger sur notre attitude par rapport à la publicité, par rapport à toutes les « vedettes » (de la télévision, de la chanson, du sport, de la politique). Sommes-nous capables de prendre de la distance ? Ce « monde », cet esprit du monde, peut d’ailleurs marquer les relations à l’intérieur même de l’Église. Quand nous admirons uniquement celui qui parle bien en réunion ou fait de belles homélies, le chrétien ou la chrétienne que l’on retrouve dans toutes les associations, quand nous critiquons celui ou celle qui éprouve de grandes difficultés dans sa vie familiale ou professionnelle, quand nous méprisons celui qui pleure ou celui qui est humilié par les aléas de la vie, nous nous conformons aux manières du monde. Or nous n’avons pas à nous y conformer, car ce n’est pas lui qui peut donner sens à la vie humaine, qui peut nous rendre heureux vraiment et définitivement.

Nous chrétiens, nous devons plutôt essayer, par tous les moyens et selon notre vocation propre, de donner aux réalités de ce monde un sens, en les faisant contribuer au progrès de notre existence, et de l’existence de tous, comme fils et filles de Dieu. Oui, nous devons ouvrir le monde à Dieu, lui faire découvrir Dieu, lui faire découvrir que celui est en vérité notre Père appelle tous les hommes à être ses enfants, qu’il les appelle à le contempler un jour tel qu’il est, plénitude d’amour, plénitude de joie.

(Appui sur l’Esprit Saint)

La tâche est immense ; elle peut nous paraître écrasante, mais surtout ne mettons pas notre confiance dans nos efforts seuls, mais seulement dans l’action de l’Esprit Saint ; lui seul peut donner au monde l’amour, la joie, la paix, la justice. Notre espérance est en Dieu, elle nous est donnée par Dieu ; c’est elle qui nous sauve.]]]

(L’exemple des Saints)

Aujourd’hui, nous fêtons ceux qui sont parvenus au terme de leur vie terrestre, ceux que l’espérance a hissés et ancrés en Dieu pour toujours. Comme eux, croyons que Dieu nous aime assez pour nous donner d’espérer en lui afin de parvenir un jour à l’amour parfait dans l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit.