30ième dimanche du temps ordinaire B
Frères et Sœurs,
l’évangile que nous venons d’entendre commence par ces mots :
« TANDIS QUE JÉSUS SORTAIT DE JÉRICHO AVEC SES
DISCIPLES ET UNE FOULE NOMBREUSE… »
Nous savons, par la suite du texte
que ses disciples et cette foule nombreuse
accompagnent Jésus qui va faire son entrée triomphale
à Jérusalem….


Jérusalem qui se trouve à 25 km environ de Jéricho.
La foule enthousiaste s’apprête à crier :
« HOSANNA AU FILS DE DAVID.. »
Toi qui vient nous sauver de l’occupant
qui est en, ce temps-là, l’empire romain.

Quant aux douze,
ILS VENAIENT DE DISCUTER ENTRE EUX POUR SAVOIR QUI ÉTAIT LE PLUS GRAND.

Quant à « JACQUES ET JEAN » qui ne manquaient pas d’ambition, ILS DEMANDAIENT À JÉSUS :
« DANS LA GLOIRE DE TON RÈGNE…TOUT PROCHE
-sous entendu- QUE TU VAS INSTAURER À JÉRUSALEM,
PLACE-NOUS,
L’UN À TA DROITE ET L’AUTRE À TA GAUCHE. »
Bref, la fièvre commençait à gagner les esprits.

C’est alors qu’un MENDIANT AVEUGLE
était assis au bord de la route.
Nous avons entendu :
« JÉSUS SORTAIT DE JÉRICHO… »
CE MENDIANT AVEUGLE est donc hors de la ville.
C’est comme on dirait aujourd’hui :
UN MARGINALISÉ ;
celui qui ne compte pas dans la vie sociale,
bref, un exclu de la société.
Toutefois,
S. Marc rapporte un détail qui a son importance :
ce mendiant aveugle, nous savons de qui il s’agit
ou plus précisément nous savons de qui il est le fils ;
Il est présenté comme une personne en relation avec son père et…. pas n’importe quel père :
BARTIMÉE signifie le FILS de TIMÉE,
et TIMÉE signifie l’HONORABLE.

Mais malgré son honorabilité, Bartimée est aveugle
et cela le dévalorise,
ce qui, comme c’est souvent le cas,
n’empêche pas cet aveugle d’avoir l’ouïe fine :
« APPRENANT QUE C’ÉTAIT JÉSUS DE NAZARETH,
IL SE MIT À CRIER :
« JÉSUS, FILS DE DAVID, AIE PITIÉ DE MOI. »
Son infirmité corporelle était
– selon la mentalité de l’époque-
l’indice d’un mal intérieur d’ordre moral ou spirituel.
Nous savons qu’il n’en est rien.
Si Bartimée est dans la nuit quant à la vision corporelle,
il ne doit pas être sans savoir que
« C’EST LA NUIT
QU’IL EST BON DE CROIRE À LA LUMIÈRE. »
croire à la lumière !
croire à la lumière quand on est dans la nuit des sens…
c’est bien le cas pour Bartimée…
et pourtant,
alors que la plupart de ses contemporains qui jouissent d’une vue corporelle,
pourrait bien se voir appliquer cette parole du psaume :
« ILS ONT DES YEUX ET NE VOIENT PAS. »
Alors que Bartimée,
dès qu’il apprend que c’est Jésus de Nazareth,
il en a l’intelligence qui ne trompe pas :
nous l’avons entendu ;
il crie : « JÉSUS, FILS DE DAVID ! »
C’est exactement le cri que la foule reprendra lorsque Jésus fera son entrée à Jérusalem dans quelques heures.
Bartimée, comme à l’avance, en a déjà l’intelligence…
L’INTELLIGENCE DU CŒUR.
N’a –t- on pas dit
« QU’ON NE VOIT BIEN QU’AVEC LE CŒUR ».
L’intelligence du coeur
c’est dans le CŒUR que la FOI demeure
pour y donner toute sa mesure.

Jésus ne dira-t-il pas un jour à ses disciples :
« COMME VOTRE CŒUR EST LENT À CROIRE… »

Au ch.XI de la lettre aux Hébreux il est écrit :
« LA FOI EST UNE MANIÈRE DE POSSÉDER DÉJÀ CE
QU’ ON ESPÈRE,
UN MOYEN DE CONNAÎTRE DES RÉALITÉS QU’ON NE
VOIT PAS. »
La foi nous dispose à l’Espérance.
la foi nous tourne vers l’invisible.
c’est bien ce que la lettre aux Hébreux en parlant de Moïse
nous dit encore :
« PAR LA FOI, MOÏSE QUITTA L’EGYPTE SANS CRAINDRE LA COLÈRE DU ROI ET,
EN HOMME QUI VOIT CELUI QUI EST INVISIBLE,
IL TINT FERME. »
notre ami Bartimée lui aussi, homme de cœur
assis au bord de la route
et pourtant il tint FERME COMME S’IL VOYAIT L’INVISIBLE.
Mais alors, dira-t-on,
pourquoi voir avec les yeux du corps
si on ne voit vraiment bien qu’avec les yeux du cœur ?

La personne humaine n’est pas seulement un CŒUR
au sens biblique du terme.
Le cœur dans la Bible est une réalité essentiellement spirituelle.
La personne humaine est un esprit
mais pas un esprit angélique.
Un esprit incarné…
un esprit inséparable de notre condition charnelle.
Si nous sommes esprit nous n’en sommes pas moins
un corps dans lequel l’esprit s’incarne.

Lorsque Dieu envoie son Fils c’est afin de tracer pour l’humanité un chemin vers le Père,
c’est pourquoi le Fils de Dieu S’INCARNE
en faisant sienne la condition humaine.
« LE VERBE S’EST FAIT CHAIR
ET IL A DEMEURÉ PARMI NOUS. »
Nous dit S. Jean dans le prologue de son évangile.

Le corps humain en tant que tel
a une dignité éminente aux yeux de Dieu.
Quant au SALUT DE L’HÙMANITÉ, œuvre par excellence du Christ,
ce salut va s’opérer dans SON CORPS :
son corps entièrement donné :
« MA VIE ON NE ME LA PREND PAS,
C’EST MOI QUI LA DONNE…. »
pour notre salut qui s’accomplit dans la résurrection de la chair.

La foi chrétienne
vue sous l’angle de la religion est bien
LA RELIGION DE L’INCARNATION.
Dès ses débuts, l’Église l’a compris
et le Père Damien: saint Damien, l’apôtre des lépreux
n’a pas hésité à se donner corps et âme pour ces êtres humains si cruellement défigurés dans leurs corps.

De l’île de Molokaï, le Père Damien écrivait un jour à ses parents : « MON PLUS GRAND BONHEUR EST DE SERVIR
LE SEIGNEUR DANS SES PAUVRES ENFANTS MALADES
REPOUSSÉS PAR LES AUTRES HOMMES. »

Repoussé par les autres hommes…
n’est-ce-pas le cas de Bartimée dont l’évangile nous dit:
« BEAUCOUP DE GENS L’INTERPELLAIENT VIVEMENT
POUR LE FAIRE TAIRE. »
Voilà donc notre aveugle réduit maintenant à rester muet.

Ce n’est pas l’optique dans laquelle se situe le Christ
dont la sagesse est plutôt de donner la parole à tous ceux qui pour beaucoup sont réduit à être des sans voix.
Ce fut le choix du Père Damien en réponse à l’appel
qui est toujours un appel personnel,
un appel qui laisse toujours la personne entière libre d’y répondre…
tout en sachant que Dieu sera toujours le premier aux côtés de celui qui répond généreusement,
car il est vrai que pour le Christ et pour le chrétien :

« IL N’Y A PAS DE PLUS GRAND AMOUR QUE DE DONNER SA VIE POUR CEUX QU’ON AIME. »
Et le prix de cet enjeu c’est la personne humaine intégrale.
Or, la personne humaine c’est aussi son corps.

BARTIMÉE,
ce fils vraisemblablement AU CŒUR BIEN NÉ
n’en crie pas moins sa soif DE VOIR AVEC LES YEUX DE SON CORPS.
Les yeux du corps : un des cinq sens si précieux.
C’est peut-être lorsqu’on en est privé
qu’on apprécie encore davantage le bonheur de voir.
voir Dieu de tout son être.
Le voir avec les YEUX DU CŒUR
ne dispense pas de le voir aussi avec les YEUX DU CORPS.
Avec ses yeux de chair,
Bartimée voulait, au sens fort de l’expression, VOIR
« L’IMAGE VISIBLE DU DIEU INVISIBLE » comme le dit S. Paul en parlant du Christ dans l’épitre aux Colossiens 1,15.

Oui ! tout faire pour protéger et, si c’est le cas,
tout faire pour compenser chez les malvoyants la richesse de la vision.
l’être humain est alors, autant que faire se peut, véritablement une symphonie
lorsque tout ce qui fait une personne est en harmonie.

Frères et Sœurs,
en cette période de l’année ou la nature nous réserve un des plus beaux spectacles qui soit,
contemplons des yeux de notre corps les merveilles
qui nous entourent ;
cette belle nature nous dispose à contempler la beauté morale du Christ pour reprendre le titre d’un beau livre écrit autrefois par un moine de Scourmont.
Sans oublier,
bien entendu LE REGARD DE FOI qui vient du cœur comme devait l’être cette forte intuition qui était celle de Bartimée. Alors nous pourrons comme lui ajusté à la plénitude du regard naturel et spirituel suivre le Christ…
il nous conduit là… où il fait bon vivre éternellement.