La lectio divina n’est pas un exercice

Jésus n’a écrit qu'une fois, dans le sable, lorsqu'on voulait lui faire condamner la femme qu'on avait amenée devant lui. Il n'a rien écrit, mais il a parlé. II a même dit beaucoup de paroles. Des paroles qu'il nous a invités à garder. «Si quelqu'un garde ma parole, il ne connaîtra pas la mort», a-t-il dit.

 

Non seulement il a parlé, mais il est lui-même parole - le Verbe - du Père. Dieu, qui avait de mille et une façons parié par les prophètes, a finalement parlé par son Fils bien-aimé, sa parole substantielle.

Comment cette parole, qui a été dite et qui s'est dite il y a plus de deux mille ans, est-elle parvenue jusqu'à nous? À travers une longue série de témoins, à commencer par Luc, Marc, Matthieu et Jean, suivi de beaucoup d'autres à travers les siècles. Il s'agit toujours d'une parole de Dieu incarnée dans une parole humaine qui ne saurait jamais la dire tout entière.

LIRE LA DIVINE ÉCRITURE

En ce mois d'octobre, plusieurs cardinaux, archevêques, évêques, prêtres et quelques laïques se sont réunis en synode à Rome, pour réfléchir sur la parole de Dieu. De leurs réflexions et de leurs échanges tireront une centaine de « propositions » à partir desquelles une commission rédigera une « instruction ». Le pape, d'ici environ un an, la fera sienne et la publiera sous forme d'«exhortation » apostolique. Ou peut-être d'encyclique.

Plusieurs interventions faites au synode mentionnent heureusement l'importance de la lectio divina. Mais qu'est-ce au juste? Durant de nombreux siècles, c'était tout simplement la lecture de la sainte Écriture, et tout particulièrement l'écoute de l'Écriture lue au sein de la célébration liturgique. Toute forme d'écoute, de lecture, d'étude

l'Écriture sainte était considérée comme lectio divina.

Aujourd'hui, il est sans doute bon qu'on redécouvre cette attitude perdue (surtout depuis l'époque de la contre-réforme). Malheureusement, une tendance - pour ne pas dire une mode - s'est instaurée, faisant de la lectio divina une forme particulière de lecture, selon une technique bien précise. On en a fait une « pratique » ou une «observance » qu'on peut enseigner et qu'on peut montrer aux autres à «faire», aussi bien en commun qu'en privé.

LA PAROLE EST INCARNÉE

Or, pour les Anciens, la lectio divina était une attitude plutôt qu'un exercice. Et cette attitude consistait à se laisser interpeller et transformer constamment par la parole sous toutes ses formes. D'ailleurs l'être humain est, dans sa nature la plus profonde, un auditeur de la parole, un Hörer des Wortes, comme disait le titre de la thèse de philosophie du jeune Karl Rahner. La lectio divina, lorsqu'elle n'est pas une technique, mais une attitude, consiste à se mettre à l'écoute de cette parole divine. Elle nous parvient à travers tout ce qui est vraiment humain, puisque c'est toute l'humanité qui a été assumée dans l'incarnation de la parole. Elle nous parvient aussi à travers cette parole de Dieu que nous sommes.

Quelle joie de pouvoir entendre la parole toute silencieuse et miséricordieuse de Celui qui écrit dans le sable chaque fois que nous nous mettons devant lui comme des accusés. Aucune technique ou aucune session de lectio donnée par un spécialiste ne peut nous y introduire.

«Je ne te condamne pas. Va et ne pêche plus». Quelle parole!

Armand VEILLEUX

Père abbé de l'abbaye de Scourmont

L'appel 311 - Novembre 2008, page 20.