Homélies de Dom Armand Veilleux

25 décembre 2024 – Messe du Jour

Is 52,7-10 ; He 1,1-16 ; Jean 1, 1-18

H o m é l i e

Jésus de Nazareth est un migrant, fils de migrant.

L’un des titres qu’on lui donnait dans la littérature chrétienne des premiers siècles est précisément celui d’Étranger. Il est l’Étranger par excellence. Il est même étranger chez lui, car, comme le dit le Prologue de l’Évangile de Jean, Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reconnu.

Et, si l’on y porte quelque peu attention, on est surpris du nombre de migrations mentionnées dans les premiers chapitres de l’Évangile de Luc.

À peine enceinte de Jésus, Marie quitte sa Galilée et traverse en toute hâte les montagnes de Judée pour aller visiter sa cousine Élisabeth, enceinte de six mois, puis elle retourne en Galilée. Quelque mois plus tard, déjà enceinte elle-même de plusieurs mois, elle doit traverser de nouveau ces mêmes montagnes pour se rendre à Bethlehem en Judée, afin de répondre aux caprices de l’Empereur romain qui voulait faire un recensement de son royaume et qui voulait que tout le monde aille se faire inscrire dans la ville de ses ancêtres.

À peine né Jésus doit fuit en Égypte avec ses parents pour éviter de se faire tuer par le vieux roi paranoïaque, Hérode. Lorsque Joseph revient en Judée avec sa famille, après la mort d’Hérode, il doit s’enfuir en Galilée car Archélaos, le fils d’Hérode, est plus dangereux que son père. Chacune de ces migrations est donc causée par le caprice ou la méchanceté d’un puissant qui écrase les faibles. Il en a été ainsi depuis des millénaires et les migrations d’aujourd’hui sont elles aussi causées par les guerres que se font les puissants sur le dos des faibles et des petits.

Déjà, dans l’Ancien Testament, la migration est au coeur de l’histoire d’Israël. Cette histoire commence au moment où Abraham reçoit l’ordre de quitter son pays, sa terre, les siens et d’aller dans une terre nouvelle et inconnue. C’est lorsqu’il sera installé dans cette terre, qu’il recevra la visite de Dieu sous la forme de trois « étrangers », de trois migrants de passage, qu’il reçoit dans sa tente. Puis le Peuple choisi connaîtra l'exil en Égypte et sera migrant durant quarante ans dans le désert avant d’entrer dans la Terre Promise.

Il y a cependant une migration d’un autre genre, et beaucoup plus importante. Cette migration est l’objet de la solennité d’aujourd’hui. C’est celle dont parle saint Jean lorsqu’il dit que le Verbe était en Dieu et que le Verbe était Dieu et qu’il s’est fait chair. C’est aussi celle dont parle saint Paul lorsqu’il nous dit que le Verbe habitait la plénitude de la divinité, mais qu’il s’est dépouillé des attributs de sa divinité et qu’il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ; puis que le Père l’a exalté.

Après sa mort Jésus est retourné vers son Père, mais a promis à ses disciples de revenir. Et selon son grand discours, qui nous est rapporté dans le très beau chapitre 25 de Matthieu, le jugement qui sera porté alors sur chacun de nous sera : « J’étais... un étranger et vous m’avez recueilli » ou bien « J’étais... un étranger et vous ne m’avez pas recueilli »...

Noël, ce n’est pas simplement l’anniversaire de naissance du petit Jésus. C’est la fête de l’humanité de Dieu. C’est la fête du Fils de Dieu qui s’est fait migrant pour venir jusqu’à nous. L’incarnation, ce n’est pas simplement l’incarnation de Dieu dans un homme, c’est le fait que toute l’humanité a été assumée par Dieu. Et Jésus, qui s’est identifié particulièrement à tous les petits et les faibles, et qui a connu lui-même dans sa chair les difficultés de la migration, vient à nous à travers tous les migrants qui viennent à nous encore de nos jours.

          Si le chapitre 25 de Matthieu (« vous m’avez recueilli... vous ne m’avez pas recueilli... ») a de quoi nous faire trembler, écoutons les paroles de l’Évangéliste Jean, le mystique au regard perçant, qui nous dit encore, dans le prologue de son Évangile : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu... mais à ceux qui l’on reçu, il a donné de devenir enfants de Dieu. »

          En réalité, il n’y a pas de salut sans migration.   Nous ne pouvons être sauvés sans sortir de nous-mêmes pour aller vers l’autre, avec amour et miséricorde, pour permettre à Dieu de venir chez-nous et de faire chez-nous sa demeure. Car, finalement, ce n’est pas seulement le Fils de Dieu qui se fait migrant, c’est aussi son Père : « Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, il observera mes commandements. Mon père l’aimera et nous viendrons chez-lui et nous ferons chez-lui notre demeure. »

          Oui, Dieu se fera migrant pour venir chez-nous, mais à condition que, fidèles à son commandement, nous nous ouvrions à tous ses enfants qui viennent à nous.

Armand Veilleux

25 décembre 2024 – Messe de Minuit

Is 9, 1-6; Tt 2, 11-14; Lc 2, 1-14

H o m é l i e

Chers frères et sœurs,

          Le problème des « sans papiers » n’est pas nouveau. Il existait déjà au temps de la naissance de Jésus. Les Juifs, sous l’occupation romaine, étaient des réfugiés dans leur propre pays – comme il y en a des millions de nos jours. C’est ainsi que, pour répondre au caprice de l’occupant, Marie et Joseph, comme tant d’autres, durent prendre la route pour aller se faire mettre en règle.

23 décembre 2024 – fra

Ml 3, 1-4.23-24 ; Lc 1, 57-66

H O M É L I E

          Saint Luc, dans son Évangile, établit un parallélisme rigoureux entre Jean-Baptiste et Jésus. Aussi bien au sujet d’Élizabeth que de Marie il dit : « Quand arriva le moment d’enfanter, elle mit au monde un fils ». Dans le cas de Jean, ce sont les voisins qui viennent se réjouir avec la mère et l’enfant ; dans le cas de Jésus, ce sont d’abord les bergers puis les mages. Zacharie, tout comme Joseph, a un rôle un peu effacé. De Jean, comme de Jésus, on se demande « ce que sera cet enfant ». Les deux ont une longue préparation – Jean au désert, Jésus à Nazareth – avant une vie publique assez brève.

25 December 2024 - Midnight Mass

Is 9, 1-6; Tit 2, 11-14; Lk 2, 1-14

Homily

Dear brothers and sisters,

The problem of ‘undocumented migrants’ is not new. It already existed at the time of Jesus' birth. Under the Roman occupation, the Jews were refugees in their own country - just like millions of others today. So it was that, at the whim of the occupying power, Mary and Joseph, like so many others, had to take to the road to get themselves legalized.

23 December 2024

Mal 3:1-4, 23-24; Lk 1:57-66

Homily

In his Gospel, Saint Luke establishes a rigorous parallel between John the Baptist and Jesus. He says of both Elizabeth and Mary: "When the time came for her to give birth, she bore a son". In the case of John, it was the neighbors who came to rejoice with the mother and child; in the case of Jesus, it was first the shepherds and then the Magi. Zechariah, like Joseph, has a somewhat understated role. With John, as with Jesus, we wonder ‘ what this child will be like ’. Both had a long preparation - John in the desert, Jesus in Nazareth - before a fairly short public life.

24 décembre 2024             Veille de Noël, matin

Homélie

   Il y a presque 40 ans, en 1987, le pape Jean-Paul II recevait à Rome la visite du patriarche œcuménique Dimitrios Ier de Constantinople. Comme la visite entre Paul VI et Athénagoras à Jérusalem, quelque vingt ans auparavant, ce fut la rencontre entre deux êtres humains grands et chaleureux. Au moment du départ, ils sont restés une dizaine de minutes près de la voiture qui emmenait Dimitrios à l'aéroport, comme deux amis qui ne peuvent se quitter, et les dernières paroles du patriarche Dimitrios ont été les suivantes : « Nous avons trouvé en toi un homme, et nous serons le messager de ton humilité ». Dans son discours officiel, il avait dit qu'il était venu partager avec Rome leurs traditions et richesses spirituelles respectives. Maintenant, à la fin, il dit : « nous avons rencontré un homme » ; et je pense que c'est la plus belle chose qu'il pouvait dire.

22 December 2024 -4th Sunday of Advent "C"

Mi 5, 1-4; Heb 10, 5-10; Lk 1, 39-45

Homily

In those days Mary set out quickly...’. These words immediately link Mary's visit to her cousin Elizabeth to the scene of her encounter with the Angel Gabriel, which ended with Mary's words: ‘ Let it be done to me according to your word ’. Between the two scenes, we might place the lapidary phrase from the Prologue to John's Gospel: ‘ And the Word became flesh ’.