Homélies de Dom Armand Veilleux

17 septembre 2022 – Samedi de la 24ème semaine ordinaire (paire)

1 Co 15, 35-37.42-49; Luc 8, 4-15

H O M É L I E

           L’agriculture ou le jardinage peuvent être une bonne école de patience, de confiance et d’abandon.  Une fois qu’on a travaillé le sol, qu’on y a déposé les semences et qu’on l’a arrosé, on n’a plus qu’à attendre avec patience.  Durant un premier temps il n’y a aucun moyen de savoir de façon certaine si la semence croîtra ou non.  Ensuite on ne peut savoir dans quelle mesure elle croîtra.  On peut agir de diverses manières sur les conditions qui favorisent la croissance, mais on ne peut intervenir aucunement dans le processus même de croissance.  Gardant tout ceci présent à l’esprit, revenons maintenant à la lecture de l’Évangile d’aujourd’hui.

           Les prophètes d’Israël ainsi que Jésus parlaient à un peuple composé pour la plus grande partie de fermiers et de pêcheurs.  C’est pourquoi, lorsqu’ils voulaient parler du Royaume de Dieu, ils utilisaient des images et des paraboles liées à la vie et à la croissance. Et dans l’Évangile que nous venons de lire, Jésus compare cette Parole à une semence.

           Une chose remarquable dans cet Évangile est qu’on n’y a pas seulement une parabole, mais à la fois la parabole et son interprétation.  Cela est très inhabituel, puisque l’usage classique de la parabole comportait une technique selon laquelle le rabbin ou le maître amenait chaque auditeur à tirer ses propres conclusions de la parabole.  C’est pourquoi les exégètes et les commentateurs sont assez unanimes à penser que la seconde partie de notre Évangile d’aujourd’hui – c’est-à-dire l’interprétation – n’est pas de Jésus lui-même mais représente l’interprétation de l’Église primitive.

           Dans le texte de Matthieu, cette parabole suit immédiatement le récit où les membres de la famille de Jésus voulaient se saisir de lui et le ramener à la maison, parce qu’ils pensaient qu’il avait perdu la tête.  Cette parabole est en réalité une réflexion de Jésus sur son ministère.  Sa Parole – la Parole de Dieu – est reçue de diverses façons.  Chez certaines personnes, elle trouve un coeur de pierre et ne croît pas du tout ; chez d’autres, elle croit avec difficulté, mais elle croît tout de même.  Et quand elle aura atteint sa pleine croissance, ce sera la Fin.  En somme, il s’agit d’un message d’espérance.

           Lorsque cette parabole était racontée dans l’Église primitive, on y ajouta une interprétation qui fut ensuite attribuée à Jésus.  Et, de façon surprenante, il y a eu un glissement d’accent de la semence vers le sol.  Toute l’attention – et la préoccupation – de Jésus se portait sur la semence même, c’est-à-dire sur le Règne de Dieu.  Pour les premiers chrétiens, la préoccupation devient graduellement celle d’être une terre aussi bonne que possible pour recevoir cette semence.

           Une telle préoccupation était évidemment légitime et trouvait un certain fondement dans la parabole elle-même, telle qu’elle avait été racontée par Jésus.  Mais ce glissement montre quand même assez bien notre tendance humaine à être plus préoccupés de nous-mêmes et de la façon dont nous recevons la Parole de Dieu que de la Parole elle-même.  Jésus se préoccupait de la Parole !  Et son message est précisément que même malgré notre endurcissement et notre manque de coopération, la semence du Royaume croîtra jusqu’à sa pleine mesure.

           La raison de ce glissement dans l’objet de notre préoccupation est probablement notre peur innée de la souffrance.  Et pourtant Paul, dans sa Lettre aux Romains, nous rappelle que toute la souffrance dont nous pouvons faire l’expérience n’est qu’un élément du processus de croissance vers la plénitude du Royaume de Dieu en nous.  Il s’agit de douleurs normales de l’enfantement.

           C’est curieux comme nous trouvons facilement toutes sortes de bonnes raisons et de bons prétextes pour nous protéger de la douloureuse réalité de la croissance et nous réfugier dans l’activité plus sécurisante qui consiste à préparer le sol.  Nous nous sentons plus en sécurité lorsque nous sommes préoccupés de labourer le sol, d’arracher les mauvaises herbes, de retourner la terre de diverses façons.  Nous « faisons » quelque chose et nous attendons une récompense pour ce que nous faisons.  Tout cela est bon et nécessaire.  Mais l’Évangile nous rappelle une autre dimension : il nous rappelle le besoin d’attendre avec patience pendant que la semence prend le temps de croître ;  le besoin de faire l’expérience de la mort de la semence sans être sûrs qu’elle prendra vraiment racine, sans savoir jusqu’à quel point elle croîtra.  Nous ne contrôlons pas la croissance.  Et cela nous est pénible.  Sont pénibles aussi bien le processus de croissance que le fait de ne pas pouvoir le contrôler.

           Tout en demeurant conscients du besoin de pratiques ascétiques, de la nécessité de sarcler le jardin de notre coeur et d’y arroser les plantes, n’oublions pas de revenir à ce qui, pour Jésus, était le plus important :  la Parole de Dieu, la semence déposée par le Père dans l’humanité ; et attendons avec confiance sa croissance en chacun de nous et dans toute l’humanité.  Acceptons aussi de passer à travers les souffrances qui font partie d’une telle naissance et d’une telle croissance.

Armand  Veilleux

 

16 septembre 2022 : Sts Corneille et Cyprien

1 Co 15, 12-20; Lc 8, 1-3

Homélie

    Si le Christ n'est pas ressuscité vaine est notre foi, nous dit Paul.  Le Fils de Dieu avait assumé dans sa totalité les limites de notre existence humaine.  Par sa résurrection il a transcendé, dans sa nature humaine, toutes ces limites.  Il est maintenant auprès du père, dans l'éternel aujourd'hui, présent à tous les temps et tous les lieux simultanément, et nous révèle que notre nature humaine est capable de transcender toutes les limites et toutes les divisions que nous connaissons présentement.

    Le pape Corneille que nous célébrons aujourd'hui est mort en exil pour sa ferme volonté d'ouvrir la voie de la réconciliation à ceux qui par faiblesse avaient apostasié au cours des persécutions. Cyprien sut marcher sur la ligne étroite entre un désaccord de principe avec le pape Étienne concernant la validité du baptême conféré par les  hérétiques et sa pleine communion avec le même pape, et il confirma la solidité de sa foi en mourant martyr.

    Dans l'Évangile le Christ nous apparaît une fois de plus libre par rapport aux strictes conventions sociales de son temps. Il parcourt les villes et les villages de Galilée et de Judée accompagné non seulement des douze et d'un grand nombre de disciples masculins, mais aussi d'un fort groupe de femmes, dont certaines, comme Marie, furent des amies intimes et jouèrent un rôle important dans l'Eglise primitive. Dans le texte de l’Évangile que nous venons de lire, il accepte de manger chez un pharisien, où une femme connue comme pécheresse, vient oindre ses pieds d’un parfum précieux, les mouille de ses larmes et les essuie avec ses cheveux. Et Jésus révèle au pharisien que les nombreux péchés de cette femme lui ont été pardonnés, car elle a beaucoup aimé.

    Paul nous dit dans une de ses épîtres que dans le Christ les distinctions naturelles perdent leur importance:  dans le Christ il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni personne libre, ni homme ni femme.  Paul a consacré toute sa vie à faire reconnaître les droits égaux des Grecs et des Juifs.  Il aura fallu au monde chrétien près de deux mille ans pour abolir, au moins en droit, l'esclavage.  Il semble qu'il a été réservé à l'Église du vingt-et-unième siècle de faire reconnaître enfin les droits égaux des femmes et des hommes dans l'Église et la société.

    Dans le silence de notre prière interrogeons‑nous sur toutes les distinctions que nous faisons peut‑être encore en nos cœurs, et qui ont été abolies par la croix et la résurrection du Christ. Que cette Eucharistie que nous allons maintenant poursuivre soit en nous une source d'unité et de fraternité universelle.  

Armand Veilleux

13 septembre 2022 – mardi de la 24ème semaine ordinaire

1 Co 12,12-14 ; Luc 7, 11-17

Homélie

           Au début de ce récit évangélique, deux cortèges se rencontrent aux portes de la petite bourgade de Naïm, près de Nazareth. L’un est porteur de vie, l’autre porteur de mort. Jésus, annonçant la Parole de Dieu s’approche de la ville, suivi de ses disciples et d’une grande foule.  Lorsqu’il arrive près des portes de la ville, une veuve en sort, allant enterrer son fils unique, accompagnée elle aussi d’une grande foule.

15 septembre 2022 – N.D. des Douleurs

1 Co  15, 1-11; Jean 19, 25-27

H O M É L I E

           Hier, nous célébrions le mystère de l’Exaltation de la Croix Glorieuse.  Aujourd’hui nous célébrons Marie se tenant, pleine de douleur – de la douleur d’une mère – près de cette Croix où meurt son Fils.

12 septembre 2022 -- Lundi, 24ème semaine du Temp Ordinaire, année paire

1 Cor 11, 17-26.33 ; Luc 7-1-10

Homélie

           La première lecture, qui est tirée de la 1ère lettre de Paul à Timothée, contient l'une des plus puissantes affirmations théologiques de Paul -- une déclaration qui doit être prise en considération si nous voulons comprendre de nombreuses autres affirmations de Paul.  Il dit : "Dieu, notre sauveur, veut que tous soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité"...

14 septembre 2022 – Fête de la Croix glorieuse

Nb 21, 4-9 ; Ph 2, 6-11 ; Jn 3, 13-17

H O M É L I E

           Nos missels tendent à donner à la fête d’aujourd’hui le nom de « Fête de la croix glorieuse ».  C’est sans doute là une très belle expression ; mais le nom traditionnel de cette fête, qui est une traduction littérale du nom grec, est celui de « Fête de l’Exaltation de la Sainte Croix ».  Le mot « exaltation » est admirablement ambigu.  Il peut désigner le mouvement consistant à élever la croix sur laquelle se trouve un condamné (dans l’acte même de la crucifixion), ou bien le mouvement consistant à élever la croix bien haut, en signe de triomphe, et pour lui rendre gloire.

11 septembre 2022 -- 24ème dimanche "C"

Exode 32, 7-11. 13-14: 1 Tim 1, 12-17: Luc 15, 1-32

H o m é l i e

           Il y a un thème commun à chacune de ces trois paraboles, et une caractéristique qui leur est aussi commune.  Le thème commun est celui de la joie ;  et la caractéristique commune est celle de l’intimité.