Homélies de Dom Armand Veilleux

Homélie pour le Vendredi de la 6ème semaine de Pâques

10 mai 2024

Actes 18, 9-18; Jean 16, 20-23a 

Homélie

Comme nous l’avons vu la semaine dernière, les Actes des Apôtres nous donnent une description admirablement réaliste des interactions et même des tensions au sein de la première communauté chrétienne de Jérusalem. Nous avons vue comment Barnabé était allé chercher Paul à Tarses et comment ils avaient travaillé ensemble avant de se séparer et de poursuivre leur œuvre d’évangélisation, chacun de son côté. Aujourd’hui nous voyons les difficultés de Paul avec les Juifs d’Athènes et ses premières difficultés avec la justice romaine. Heureusement, pour cette fois-ci, tout finit bien. Ce ne sera pas toujours le cas, comme nous savons.

May 09, 2024 – Solemnity of Ascension “B”

Acts 1,1-11; Ep 4, 1-13; Mc 16,15-20 

Homily 

The Evangelist Luke is the only one who gave us a description of the Ascension of the Lord. The other three Evangelists do not separate the moment of the Resurrection from that of Jesus’ definitive entry into the Father’s Glory. The last chapter of Mark’s gospel, that we just read, is a later addition to his Gospel, borrowed from Luke’s Gospel.

9 mai 2024 -- Solennité de l'Ascension, "B"

Ac 1,1-11; Ep 4, 1-13; Mc 16,15-20

Homélie

          L’Évangéliste Luc est le seul à nous avoir donné une description de l’Ascension. Les trois autres Évangélistes ne séparent pas le moment de la résurrection de celui de l’entrée définitive de Jésus dans la gloire du Père. Le dernier chapitre de l’Évangile de Marc, que nous venons d’entendre, est une addition postérieure empruntée à Luc.

          Bien plus, Luc nous donne deux récits de l’Ascension, l’un à la fin de son Évangile et l’autre au début du Livre des Actes des Apôtres. Ces deux récits de Luc ne sont d’ailleurs pas totalement concordants. Il serait donc futile d’essayer de reconstituer une description historique des faits, en conjuguant les détails provenant des deux récits ; car le but de Luc n’est pas de décrire un événement mais de donner un enseignement spirituel et théologique.

          Dans son Évangile, qu’il appelle son « premier livre », Luc avait décrit la vie de Jésus au milieu de ses disciples. Puis il commence son « deuxième livre », que nous appelons les « Actes des Apôtres » par le récit que nous avons entendu comme première lecture. Dans son langage symbolique habituel, il décrit comment une nuée descendit sur le lieu où les Apôtres se trouvaient et comment Jésus, après leur avoir fait ses dernières recommandations, disparut dans cette nuée. Ce sera désormais son mode de présence parmi les hommes. Arrêtons-nous un peu à cette image de la nuée.

          L’un des moments clés de l’histoire du Peuple juif au désert fut celui de la conclusion de l’Alliance. Moïse, laissant le peuple au pied du mont Sinaï, monta seul sur la montagne, qui fut alors couverte d’une nuée. La gloire du Seigneur demeura sur la montagne, et la nuée la couvrit pendant six jours (Exode 24,15). De même, quelques siècles plus tard, lorsque l’arche d’Alliance fut intronisée dans le temple de Salomon, une nuée emplit la maison de Yahvé, et la gloire du Seigneur emplissait tout le lieu ; si bien que les prêtres ne pouvaient pas exercer leurs fonctions parce que la gloire de Dieu emplissait la maison (1 Rois, 8,10).

          La nuée, dans l’Écriture, signifie toujours une présence mystérieuse de Dieu. On ne peut toucher Dieu, mais il est là, à la fois révélé et caché. Sa présence pénètre tout. Tous les admirables récits nous racontant les débuts de l’Église primitive, que nous avons lus durant nos célébrations liturgiques depuis Pâques, nous décrivent la vie des premiers Chrétiens sous cette nuée, protégés et guidés par cette présence de la gloire de Dieu – la gloire du Christ – habitant cette nuée.

          Plus de deux mille ans plus tard, nous vivons toujours sous cette nuée, qui nous révèle la présence de Dieu, que nous ne saurions voir encore face à face. Nous vivons dans la période de la foi et de l’espérance. Nous pourrions dire que plus cette nuée, qui est aussi le symbole de l’absence, se fait épaisse, voire opprimante, plus la présence est réelle et efficace.

          Le dernier chapitre de l’Évangile de Marc, emprunté à saint Luc comme je l’ai dit au début, nous rapporte les dernières paroles de Jésus avant d’entrer dans la nuée. Il parle des signes qui accompagneront ceux qui croiront en cette présence mystérieuse : « En mon nom ils chasseront les esprits mauvais, ils parleront un langage nouveau, ils prendront des serpents dans leurs mains et boiront un poison mortel sans en ressentir aucun mal. Ils procureront du bien aux malades en leur imposant les mains ». Il ne s’agit pas là de miracles, mais simplement de la protection du Seigneur contre toutes les formes de mal aussi longtemps que l’on reste sous la protection de cette présence mystérieuse et cachée.

          De nos jours on parle beaucoup de crises : la crise économique, les crises politiques, la crise sociale, les crises de l’Église et au sein de l’Église. « Crise » est un nom qu’on donne à la nuée qui couvre notre monde. Pourquoi ne pas regarder cette nuée avec des yeux de croyants et y voir une forme de la présence de Dieu en train de transformer notre monde ? En réalité ce que nous vivons présentement, aussi bien dans l’Église que dans le monde, n’est pas une crise. C’est un moment de mutation.

          Cette nuée semble parfois nous opprimer. Ainsi en fut-il de la nuée qui couvrit le Sinaï lorsque Moïse y monta pour rencontrer Dieu. Ainsi en fut-il aussi de la nuée qui emplit le Temple lors de l’intronisation de l’Arche d’Alliance. Une présence si forte de la gloire de Dieu que les prêtres ne pouvaient plus y effectuer leur service liturgique (1Rois 8,10). Ainsi en fut-il des persécutions qui se déchainèrent sur les premiers Chrétiens.

          Depuis Vatican II, ceux qui veulent vivre son message, s’efforcent de « parler au monde un langage nouveau », comme le fait le Pape François. Ayant fait une option préférentielle pour les pauvres et les petits du Royaume, il leur arrive de devoir prendre des serpents dans leurs mains et même boire un poison mortel, comme un Oscar Romero. D’autres offrent leurs mains aux malades. On voit parfois la diminution radicale du nombre de prêtres comme un résultat de la sécularisation et de la déchristianisation, rendant plus difficiles et plus rares les célébrations liturgiques. Et si c’était le résultat d’une présence plus forte de la gloire de Dieu en train de recréer le monde et de reconfigurer son Église ? Pourquoi ne pas privilégier cette vision d’espérance plutôt qu’une vision de découragement ?

          Saint Paul, nous disant dans sa lettre aux Éphésiens que Jésus est « monté » parce qu’il était d’abord « descendu », exprime la même idée si merveilleusement reprise dans sa lettre aux Philippiens. C’est parce que le Fils de Dieu s’est fait homme, descendant jusqu’aux profondeurs de notre humanité, qu’il a été exalté par le Père, nous amenant tous avec lui dans ce mouvement ascendant de retour au Père.

          Lorsque la nuée a plané sur les eaux, au premier jour de la création, elle y a déclenché la naissance de la vie. Lorsqu’elle a plané sur Marie elle a fait descendre en son humanité et la nôtre la plénitude de la divinité. N’ayons pas peur de toutes les nuées qui nous couvrent, même lorsqu’elles semblent nous opprimer. Non seulement Dieu y est présent ; mais l’un d’entre nous, le Dieu fait homme, y a pénétré, nous montrant le chemin et nous y attendant.

Armand VEILLEUX

07 mai 2024 – mercredi, 6ème sem. de Pâques

Actes 17, 15. 22--18, 1; Jean 16, 12-15

Homélie

Nous arrivons presque à la fin de ce beau et long discours de Jésus à ses Disciples à la dernière Cène. Il leur a déjà dit beaucoup de choses profondes et difficiles. Il leur dit maintenant qu’il lui reste encore beaucoup de choses à leur révéler, mais qu’ils ne sont pas encore capables de les porter. Il leur annonce aussi que l’Esprit dont il leur parle depuis le début, et qu’il appelle toujours « l’Esprit de Vérité », les guidera vers la vérité tout entière. Il y a deux choses à remarquer dans cette promesse. Il y a tout d’abord le mot « guider ».

May 8,2024 – Wednesday of the 6th week of Easter

Acts 17, 15. 22--18, 1; John 16, 12-15

 Homily 

          We have reached almost the end of that beautiful and long discourse of Jesus to His disciples at the Last Supper. He told them many things already, some of them profound and difficult. Now He tells them that He has still many more things to reveal to them, but they are not yet able to bear them. He also announces to them that the Spirit about whom He has been talking to them since the beginning, and whom He always call the “Spirit of Truth”, will guide them to all truth. There are two things that should be noticed in this promise. The first one is about the verb “to guide”.

May 7, 2024 – Tuesday of the 6th week of Easter

Acts 16, 22-34; John 16, 5-11 

Homily         

          At the end of yesterday’s Gospel, Jesus confided to His disciples that he had told them all those things, so that they would “remember” that he had told them. Remembering, or memory, is something very important in Christin life. At the very heart of Christian life, is the Eucharist, that we celebrate “in memory of “ Jesus, as he told us to do. It is also by keeping as constant a memory of Him as possible that we can lead a life of continuous prayer, which is the most important element of Christian life and of our monastic life.

7 mai 2024 - Mardi de la 6ème semaine de Pâques

Actes 16, 22-34; Jean 16, 5-11

Homélie

À la fin de l’Évangile d’hier, Jésus confiait à ses disciples qu’il leur avait dit toutes ces choses afin qu’ils « se souviennent » qu’il les leur avait dites. Le souvenir, ou la mémoire, est une chose très importante dans la vie chrétienne. Au cœur même de la vie chrétienne il y a l’Eucharistie, que nous célébrons « en mémoire » de Jésus, comme il nous a dit de faire. C’est aussi en conservant une mémoire aussi constante que possible de Lui, qu’il nous est possible de vivre une prière continuelle, ce qui est l’un des éléments les plus fondamentaux de la vie chrétienne et de notre vie monastique.