Homélies de Dom Armand Veilleux

Fête du Sacré Coeur, 24 juin 2022 (année "C")

Ez 34, 11-16 ; Rm 5, 5-11 ; Lc 15, 3-7

H O M É L I E.

          L'aspect du mystère du salut que nous célébrons aujourd'hui n'est pas tellement différent de celui que nous avons célébré il y a une dizaine de jours : le dimanche de la Trinité : Dieu est amour.  Non seulement il est amour à notre égard, mais il veut nous faire entrer dans le mystère d’amour qui unit le Père et le Fils dans un même Souffle.

          L’une des images qu’utilisaient déjà les prophètes dans l’Ancien Testament  (p.e. Ézéchiel, dans la première lecture d’aujourd’hui), et  que Jésus reprend dans l’Évangile est celle de l’attention amoureuse manifestée par un vrai berger à ses brebis, et particulièrement à celles qui se sont perdues et à la recherche desquelles il est parti.  C’est ce mystère d’amour que nous célébrons dans la solennité du Sacré-Coeur de Jésus.

          Le coeur est conçu dans toutes les cultures comme le lieu où résident les sentiments, l'affectivité, l'amour. C'est pourquoi, à partir déjà du Moyen-Âge, des mystiques tels que Gertrude, Catherine de Sienne, Mathilde, Marguerite Alacoque, Jean-Eudes, développent une dévotion au Coeur Sacré de Jésus, qui n'est pas une dévotion à un organe physique, mais à l'amour divin vécu par Dieu fait homme.  Si cette dévotion a pu connaître à certaines époques des expressions plutôt romantiques et sentimentales, comme en fait foi une vaste collections d'images pieuses au goût plutôt douteux, elle n'est essentiellement, dans son intuition première, que la contemplation de l'amour de Dieu pour nous, incarné en Jésus de Nazareth.

          Quelques jours après sa Résurrection Jésus nous invita, en la personne de Thomas, à pénétrer en son coeur en mettant notre main dans son côté ouvert.  Ce que nous avons découvert alors dans ce coeur ouvert, c'est l'amour – un amour assez fort pour donner sa vie pour ceux qu'il aime.  Et cet amour, nous dit Paul, "a été répandu en nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné".  Alors, pour utiliser une autre expression de Paul, nous pouvons (par cette plaie béante du côté de Jésus) "entrer dans la plénitude de Dieu".

          Au même moment où nous pénétrons dans son coeur, si nous nous y établissons, si nous y enracinons et si nous y établissons notre demeure, comme il nous demande de faire, le Christ lui-même, à son tour "fait sa résidence" en nos coeurs.

          La déchirure du côté de Jésus et la blessure de son coeur ont opéré dans nos propres coeurs une ouverture par où a pu pénétrer en nous le Souffle remis par Lui à son Père sur la croix, si bien que, comme le dit encore Paul, l'amour de Dieu a été répandu en nos propres coeurs par l'Esprit, le Souffle de Jésus qui nous a été donné, et qui nous permet de dire, comme lui et avec lui :  Abba, pater.

          Puisqu'il nous a tant aimés, aimons-nous donc les uns les autres du même amour.

 

23 juin 2022 –Solennité de saint Jean-Baptiste

Is 49, 1-6 ; Actes 13, 22-26 ; Luc 1, 57---80

 

H O M É L I E

          L’iconographie traditionnelle nous présente souvent un Jean-Baptiste sévère, hirsute et à l’allure plutôt rébarbative.  Une telle présentation peut évidemment s’inspirer de quelques passages des Évangiles nous rappelant sa prédication et ses appels à la conversion et à la pénitence.  Et pourtant, le thème qui revient sans cesse dans les récits relatifs à sa naissance est celui de la joie.

          Lorsque l’ange Gabriel annonce à Zacharie qu’il aura un fils, il lui prédit que « beaucoup se réjouiront de sa naissance ». Lorsque Marie, qui vient de concevoir un fils, va visiter sa vieille cousine Élisabeth, elle-même enceinte depuis six mois, non seulement Élisabeth est elle-même remplie de joie, mais l’enfant qu’elle porte bondit de joie en son sein.  Et lorsqu’Élisabeth met au monde son fils, toute sa famille et ses voisins se réjouissent avec elle.

          C’est donc à juste titre que Jean-Baptiste est le seul saint, à part le Christ et sa Mère, dont on célèbre liturgiquement la naissance.  De tous les autres on célèbre leur entrée dans la gloire céleste au moment de leur mort.

          Tous les textes qui entourent la naissance de Jean-Baptiste nous parlent donc de la joie de ceux et celles qui sont affectés par cette naissance.  Et Jean-Baptiste lui-même nous apparaît comme un homme profondément heureux, d’une joie paisible, parce que c’est un homme unifié, entièrement consacré à sa mission. Un homme totalement libre.

          Parce qu’il est libre, parce qu’il n’a rien à prouver et rien à préserver, il peut parler sans crainte à ses contemporains, que ceux-ci soient des soldats ou des gens ordinaires, des princes ou des rois.  Il peut aussi s’effacer devant celui dont il a annoncé la venue, et même lui envoyer ses disciples. 

          Nous savons tous par expérience que lorsque nous sommes tristes ou malheureux, c’est lorsque nous avons perdu quelqu’un ou quelque chose qui nous était cher, ou bien lorsque nous ne savons pas réaliser certains de nos désirs ou certaines de nos ambitions. Nous n’avons pas tous les succès que nous aimerions avoir ; nous avons des échecs dont nous nous passerions bien. Nous ne sommes pas appréciés comme nous croyons que nous devrions l’être ; nos idées chères ou nos projets sont peut-être combattus par d’autres. Nous ressentons des tensions entre la personne que nous voudrions être et les missions ou responsabilités qui nous sont confiées. Nous sommes tristes, ou en tout cas notre joie n’est pas parfaite, parce que notre cœur est divisé.

          Chez Jean-Baptiste on ne voit aucun de ces tiraillements.  Sa mission est de préparer la venue du Messie.  Il s’identifie pleinement à cette mission. Il n’aspire à rien d’autre.  Il est donc un homme totalement libre parce que totalement unifié.  Et, parce qu’il est libre, sa vision des personnes et des choses n’est jamais déformée.  Quand le Messie apparaît, il le reconnaît tout de suite. Et il sait que sa mission à lui est terminée.  Il peut disparaître.  « Il est temps qu’il croisse et que je diminue ». Quelle parole surprenante, dans un monde où, alors comme aujourd’hui, chacun veut croître en importance, en fonction, en reconnaissance par les autres, etc. !

          On sait aussi à quel point un maître qui a des disciples qui lui sont fidèles et dévoués peut s’attacher à ces disciples, qui deviennent facilement pour lui comme une possession.  Jean-Baptiste, au contraire, envoie ses disciples à Jésus. « Voici l’agneau de Dieu, dit-il ». Son rôle auprès d’eux est terminé.

          Comme il n’a rien à perdre, n’étant attaché à rien, il peut aussi avoir une parole libre. Il peut donc dire au monarque qu’il ne lui est pas permis de prendre la femme de son frère.  Peu importe si cela le conduit en prison et, éventuellement, à la mort.

          Et puis, dans sa prison, il se met à douter. Se serait-il trompé ? Celui qu’il a reconnu comme le Messie n’agit vraiment pas comme le Messie qu’on attendait. Est-ce vraiment lui ?  Jean est alors assez libre pour assumer ses doutes sans en être déstabilisé et il envoie ses disciples demander à Jésus : « Es-tu vraiment celui que nous attendions ? » Et nous connaissons la réponse de Jésus.

          En cette solennité de Jean le Baptiste, demandons pour nous aussi la grâce d’une grande humilité, d’un détachement, d’une liberté intérieure qui nous ouvrent à la vraie joie – cette joie qui peut demeurer intacte au fond de nos cœurs malgré toutes les épreuves et les difficultés de la vie – malgré le remous des eaux à la surface de notre existence. Demandons pour chacun de nous cette joie inaltérable

Armand Veilleux

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16juin 2022 : Mémoire de Marie Mère de l’Église.

Gen. 3, 9-15.20 ou Ac 1, 12-14 ; Jean 19, 25-34

Homélie

          Au cours du Concile Vatican II, certains Pères conciliaires auraient voulu la proclamation d’un document consacré spécifiquement à la Vierge Marie, lui attribuant sans doute de nouveaux titres en plus de tous ceux que la Tradition et aussi la piété populaire lui ont conférés.  Le Concile opta plutôt pour parler de Marie au chapitre 8 de la Constitution dogmatique Lumen gentium, sur l’Église, situant Marie au cœur du Mystère du Christ et de l’Église,

5 juin 2022 – Solennité de la Pentecôte

Ac 2, 1-11; Rm 8, 8-17; Jn 14, 15...26 

H O M É L I E

          Luc, dans les Actes des Apôtres, et Jean, dans son Évangile, nous présentent deux descriptions fort différentes, mais complémentaires, de l'irruption de l'Esprit Saint dans la première Communauté chrétienne – celle des Apôtres et des premiers disciples.  Chez Luc, elle est manifestation visible, surprenante, dérangeante, dans les relations avec l'environnement.  Chez Jean, elle est toute intériorité, présence intime.  Dans un cas comme dans l'autre, elle est présence de l'Esprit de Dieu dans la pâte humaine.

4 juin 2022, samedi de la 7ème semaine de Pâques

Ac 28, 16-20.30-31 ; Jean 21, 20-25

Homélie

Avec la solennité de la Pentecôte, que nous célébrerons demain, se terminera le Temps liturgique de Pâques. Dans les Eucharisties fériales des sept dernières semaines, la première lecture, généralement tirée du Livres des Actes des Apôtres, nous a fait connaître le témoignage des premiers martyrs de la Foi et la vie de la première communauté chrétienne de Jérusalem, puis la prédication aux Nations au-delà du monde juif, et particulièrement le ministère de Paul.  La lecture de l’Évangile nous a raconté les apparitions de Jésus à ses disciples durant cette période ; et, depuis le début de cette dernière semaine, nous a fait lire les chapitres de l’Évangile de Jean nous rapportant les paroles de Jésus à ses disciples durant le dernier repas qu’il prit avec eux et sa longue prière à son Père durant ce même repas.  Il était donc tout normal qu’en ce dernier jour du Temps Pascal avant la Pentecôte, nous lisions les derniers versets des Actes des Apôtres et les derniers versets de l’Évangile de Jean.

3 juin 2022, vendredi de 7ème semaine de Pâques

Acte 25, 13-21 ; Jean 21, 15-19

Homélie

Durant la dernière Pâque que Jésus célébra avec ses disciples, Pierre, avec son ardeur habituelle s’était déclaré prêt à le suivre jusqu’au bout, même jusqu’à la mort. Jésus lui avait répondu : « Pierre, le coq ne chantera pas aujourd’hui, que tu n’aies par trois fois nié me connaître ». Et, de fait, quelques heures plus tard Pierre reniait Jésus trois fois et, rencontrant le regard de Jésus, il sortit et pleura amèrement.

1 juin 2022 – mercredi de la 7ème semaine de Pâques

Actes 20, 28-38 ; Jean 17, 11b-19

Homélie

Saint Luc, dans son Évangile, donne une grande importance à la longue montée de Jésus vers Jérusalem, où il sera jugé par le Sanhédrin puis confié par les chefs religieux au pouvoir romain, pour être mis à mort hors de la Ville. De même, dans son « deuxième livre », les Actes des Apôtres, il décrit l’activité de Paul comme une montée vers Jérusalem où il sera mis en accusation par les mêmes chefs religieux d’Israël, ce qui conduira à sa prise en charge par l’autorité romaine. Ce qui l’amènera à être envoyé à Rome où il sera finalement décapité.