3 juin 2021 – jeudi de la 9ème semaine
Tob 6, 10-11a; Mc 12,28b-34
H O M É L I E
Le contexte de cet enseignement de Jésus sur le plus grand des commandements est très simple. Jésus vient d'avoir des discussions, surtout avec les Sadducéens, sur la résurrection des morts. C'est alors que s'approche de lui l'un des scribes, qui lui demande: "Quel est le premier de tous les commandements?". Ce scribe semble avoir été un homme sincère. Il ne s'approche pas de Jésus pour le mettre à l’épreuve; mais il est disposé à accueillir sa parole. Il veut apprendre. Jésus le prend au sérieux et lui répond alors sans hésiter, citant le beau texte du Deutéronome que les Juifs pieux utilisent encore aujourd'hui comme prière: Shema Isarël, Écoute, Israël.
Le peuple d'Israël était très fier de sa Loi. Elle le distinguait de tous les autres peuples. Il avait reçu cette Loi de Dieu lui-même par l'intermédiaire de Moïse. Elle déterminait tous les éléments de la vie du peuple comme de celle de chaque personne. Elle leur apportait félicité, mais était aussi un poids. Elle comprenait tant de préceptes! Comment eut-il été possible pour une personne d'observer tous ces préceptes ne fût-ce qu'un seul jour? D'où la question du scribe, une question candide et sérieuse: quel est le plus grand de tous ces préceptes? Cette question exprime la recherche passionnée d'une voie de salut de la part de beaucoup des compatriotes de Jésus – une recherche dont nous avons eu un bel exemple dans l'histoire du jeune homme riche d'il y a quelques dimanches.
Jésus ne se contente pas de citer un précepte: "Fais ceci" ou "Ne fais pas cela". Il donne un véritable enseignement. Le premier mot de sa réponse est: "Écoute..." Dans un sens très vrai, c'est là le premier commandement de la Loi: "Écoute!" Et pourquoi écouter? – Parce que "le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur." S'il y avait plusieurs dieux, si nous avions le choix entre plusieurs, aucun d'entre eux ne pourrait nous donner de préceptes. L'unique chose qu'un dieu pourrait faire serait de nous offrir un contrat... La foi d'Israël est, avant tout, qu'il n'y a qu'un seul Dieu.
Personne d'entre nous, évidemment, ne croit en la multiplicité des dieux. Nous n'avons pas d'idoles de pierre ou de bois, de fétiches, que nous pourrions adorer comme des dieux. Et cependant ce n'est pas si certain que plusieurs réalités ne soient pas devenues pour nous des dieux... Ce peuvent être des choses matérielles auxquelles nous tenons, mais ce peut être aussi l'image que nous avons de nous-mêmes et que nous voulons communiquer aux autres, notre réputation, notre nom, etc.
Le Seigneur Dieu est l'unique Seigneur. C'était là la première chose que Jésus voulait mettre au clair. C'est pourquoi, continue-t-il, "tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force." Pris globalement, cela veut dire que nous devons confesser par toute notre vie, toute notre existence, cette vérité que Dieu est l'unique Seigneur – sans hésitation et sans réserve. C'est là la signification globale de la réponse. Mais chacun des mots utilisés par Jésus: coeur, âme, esprit, force, a un sens particulier.
Le coeur exprime la capacité affective de la personne. Notre amour, notre affection, notre tendresse ne peuvent pas être divisés entre Dieu et les autres. Quand ils s'adressent à d’autres qu’à Dieu, ils doivent demeurer en relation avec l'amour de Dieu, de telle sorte que nous aimions Dieu dans les autres, tout en les aimant toujours pour eux-mêmes.
Avec tout notre esprit: Dieu nous a donné une intelligence. Une expression de l'amour consiste à utiliser cette intelligence que Dieu nous a donnée pour le mieux connaître, Lui et toutes ses créatures. Cela implique aussi que nous ayons le courage de prendre nos propres décisions, après mûre considération, plutôt que d'attendre que Dieu les prenne pour nous. Comme disait Augustin: "Aime et fais ce que tu veux". Aimer de tout son esprit est encore plus difficile que d'aimer de tout son coeur.
Nous devons aussi aimer de toute notre force... Cela veut dire rester fidèles même lorsque le chemin devient difficile, quand la route est rude... fidèles jusqu'à la mort comme l'ont fait tant de prophètes (anciens et modernes). L'amour fait ses preuves dans les temps difficiles.
Vient ensuite, dans l'enseignement de Jésus, l'autre conséquence de la foi en un seul Dieu: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." Cela n'est pas évident! Il n'est pas facile de s'aimer soi-même; et ce n'est pas sans raison que, selon l'enseignement de saint Bernard et des autres Cisterciens, l'amour de Dieu et des autres commence par l'amour de soi.
Le scribe est d'accord avec Jésus et il ajoute quelque chose de très profond. "[Cela] vaut mieux, dit-il, que toutes les offrandes et tous les sacrifices." Jésus l'approuve et lui dit : "Tu n'es pas loin du royaume de Dieu."
Nous sommes tous en route vers le même but. Demandons la grâce de vivre de telle sorte que Jésus nous dise à nous aussi: Tu n'es pas loin du royaume de Dieu.
Armand VEILLEUX