27 septembre 2020 -- 26ème dimanche ordinaire « A »
Ez 18, 25-28 ; Ph 2, 1-11 ; Mt 21, 28-32
H O M É L I E
Pour Dieu les hommes ne sont pas divisés en deux catégories : les bons et les mauvais. Pour lui, tous sont ses enfants ; tous sont pécheurs, en cheminement, toujours capables de tomber à nouveau, mais aussi toujours appelés à une nouvelle conversion, et donc capables d’une nouvelle conversion.
Dans la société où vivait Jésus, les « pécheurs » n’étaient pas simplement des personnes qui avaient commis quelque faute grave. Ils constituaient une classe sociale. En fait, ils étaient proscrits. Quiconque, pour une raison ou une autre, avait dévié de la loi et des coutumes de la classe moyenne (qui était constituée des personnes instruites et vertueuses, les scribes et les pharisiens) était traité comme quelqu’un d’une classe inférieure. Les pécheurs appartenaient donc à une classe sociale bien définie, la même à laquelle appartenaient aussi les pauvres au sens large du mot.
Cette classe comprenait tous ceux qui avaient une profession immorale ou impure : les prostituées, les collecteurs d’impôt (à la solde du pouvoir romain) et les usuriers. En faisaient partie également ceux qui ne payaient pas la dîme aux prêtres et quiconque étaient négligent en ce qui concernait le repos du sabbat et les prescriptions de pureté rituelle. Les lois et les coutumes en cette matière étaient si complexes que les personnes sans instruction étaient incapables de comprendre ce qu’on attendait d’elles. Les ignorants étaient inévitablement sans loi et immoraux et ils étaient considérés par les pharisiens comme des pécheurs.
De plus, il était quasiment impossible de sortir d’une telle situation. Théoriquement la prostituée pouvait être purifiée, mais à travers un processus très élaboré de pénitence, de purifications et d’expiation. Mais cela coûtait beaucoup d’argent et, évidemment, elle ne pouvait utiliser à cette fin l’argent gagné par son métier... De même, des collecteurs d’impôt on exigeait qu’ils restituent à toutes les personnes qu’ils avaient fraudées, tout ce qu’ils avaient pris, plus un cinquième. La personne sans instruction devait passer par un long processus d’instruction avant de pouvoir être considérée « purifiée ». Concrètement, être pécheur était le destin de certaines personnes. On considérait que certains étaient condamnés à cette situation inférieure par le destin ou par Dieu. En ce sens, les pécheurs étaient des prisonniers. On leur refusait toute forme de responsabilité dans une société très préoccupée par les classes.
Que fait Jésus ? Il se mêle aux pécheurs et, ainsi, leur redonne leur respectabilité. Il s’efforce de se mêler socialement avec les collecteurs d’impôts et les prostituées. Il mange avec eux. Et dès qu’ils/elles manifestent la moindre ouverture sincère du cœur, il leur dit que leurs péchés sont pardonnés. Le mot grec pour « pardonner » signifie « remettre », « relâcher », « libérer ». Pardonner à quelqu’un, c’est le libérer de la domination de sa vie passée. Quand Dieu pardonne, il ignore le passé de la personne qu’il pardonne et il supprime les conséquences présentes et futures des transgressions du passé.
Les gestes d’amitié de Jésus envers ces personnes manifestaient clairement ce qu’il avait dans l’esprit et le cœur. Il ignorait leur passé. Il les considérait comme des personnes n’ayant plus aucune dette envers Dieu et qui ne méritaient donc plus d’être rejetées ou punies. Elles étaient pardonnées.
Non seulement par les paroles de l’Évangile d’aujourd’hui, mais aussi par son attitude générale, Jésus proclame que quiconque dit « non » à Dieu peut, avec Sa grâce, transformer ce « non » en « oui » ; et que la personne disant « oui » pour le moment -- ou pensant le faire -- ne doit pas s’en glorifier, car ce « oui » n’en est que plus fragile lorsqu’on est superbe.
Armand Veilleux