Homélies de Dom Armand Veilleux

17 juillet 2021 - samedi de la 15ème semaine, année "A"

Ex 12, 37-42; Mt 12, 14-21

H O M É L I E

          En ces temps de "globalisation" et de "mondialisation" -- d'une certaine mondialisation toute dominée par l'économique -- le fossé entre les nations riches et les nations pauvres se creuse de plus en plus, tout comme celui entre les riches et les pauvres au sein de chaque pays.

16 juillet 2021 - vendredi de la 15ème semaine, année impaire

Ex 11, 10--12, 14; Mt 12, 1-8

H O M É L I E

          Nous lisons l'Écriture à la lumière de l'interprétation qu'en a donnée toute la tradition chrétienne qui nous a précédé; et cela est normal.  Il est toutefois utile parfois d'aborder un texte d'Évangile en faisant abstraction des lectures et interprétations antérieures, en essayant de nous demander ce que ce texte pouvait bien signifier pour ceux qui l'ont lu les premiers, durant la première génération chrétienne.  C'est un exercice qu'il vaut la peine de faire pour l'Évangile d'aujourd'hui.

          Les disciples de Jésus, un jour de sabbat, froissent des épis de blés dans leurs mains et les mangent, au grand scandale des Pharisiens, pour qui cela constitue une activité interdite le jour du sabbat.  Jésus prend leur défense et termine en disant: "Je vous le déclare, il y a ici plus grand que le temple. Si vous aviez compris le sens de cette parole: Je désire la miséricorde et non les sacrifices, vous n'auriez pas condamné ces innocents.  Car le Fils de l'Homme est maître même du sabbat."

          L'interprétation la plus populaire et la plus fréquente de ce texte consiste à le comprendre comme si Jésus disait:  "Il y a ici quelqu'un -- moi -- qui est plus grand que le temple.  Je suis maître du sabbat; je fais donc ce que je veux, et mes disciples de même."  Mais je ne crois pas que ce soit là le sens du texte.

          Tout d'abord, Jésus ne dit pas "Il y a ici quelqu'un plus grand que le Temple", mais bien: "Il y a ici quelque chose -- une réalité -- plus grande que le Temple".  Cette réalité plus grande que le Temple, il la mentionne tout de suite après.  C'est la "miséricorde".  Le mot grec utilisé est eleos, qui veut dire amour, plus spécifiquement amour miséricordieux à l'égard de celui qui est infidèle ou a transgressé. C'est cette miséricorde que Dieu préfère à tout sacrifice, à toute observance rituelle.  Pourquoi ? Parce que la loi et les rituels sont au service de l'être humain dans son service de Dieu, et non l'inverse.

          Le Fils de l'Homme est maître du sabbat, dit Jésus.  Lorsque nous lisons cette expression "Fils de l'Homme" dans le Nouveau Testament, nous l'entendons comme si c'était simplement l'un des noms du Messie.  C'est bien l'un des noms du Messie, mais l'expression a un sens plus général.  L'expression "fils de l'homme" désigne tout d'abord l'être humain comme tel.  Et si le Messie est le Fils de l'Homme par excellence, c'est qu'il est la pleine réalisation de ce que Dieu avait en vue lorsqu'Il a créé l'homme et la femme à son image.  Quant Jésus dit que le fils de l'homme est maître du sabbat, il dit que l'être humain dans sa dignité fondamentale, est plus grand que toutes les lois établies pour l'aider dans sa marche vers Dieu.

          Lorsque nous voyons notre soeur ou notre frère transgresser une loi, nous n'avons pas le droit de le/la "condamner", même si nous ne pouvons fermer les yeux sur la transgression, car Dieu lui-même ne condamne pas.  Nous devons surtout nous rappeler que nous avons devant nous un être humain créé à l'image de Dieu et donc plus grand, dans sa dignité fondamentale, que toutes les lois.

Armand VEILLEUX

15 juillet 2021 – Jeudi de la 15ème semaine impaire

Ex 3, 13-20;  Matthieu 11:28-30

H O M É L I E

Nous poursuivons la lecture du Chapitre 11 de saint Matthieu, où celui-ci a regroupé diverses paroles brèves de Jésus.  Certaines de ces paroles ont été placées ailleurs par les autres Évangélistes; et d'autres, comme celle que nous venons de lire, sont propres à Matthieu.  Il serait futile d'essayer de retrouver la situation précise dans laquelle ces paroles ont été prononcées par Jésus.  Il s'agit de petits textes ou récits isolés qui circulaient dans l'Église primitive avant d'être regroupés dans nos Évangiles.  Ils ont une valeur et une force percutante en eux-mêmes, indépendamment de tout contexte.

14 juillet 2021 – Mercredi de la 15ème semaine impaire

Ex 3, 1-6. 9-12; Mt 11, 25-27 

HOMÉLIE

L'Évangile que nous venons de lire (et qui forme un tout avec celui que nous lirons demain) comprend quelques points de contact avec le Magnificat de la Vierge Marie, qui sont très intéressants et extrêmement révélateurs.

13 juillet 2021, mardi de la 15ème semaine, année impaire

Ex 2, 1-15; Mt 11, 20-24 

H o m é l i e

Les textes de cette Eucharistie nous parlent de faiblesse et de puissance – de la faiblesse des hommes et de la puissance de Dieu.  Dans la première lecture, tirée du Livre de l’Exode, nous voyons la faiblesse du peuple juif au sein de l’empire égyptien, en particulier la faiblesse de Moïse encore bébé déposé dans un panier posé sur les eaux du Nil, et la puissance avec laquelle Dieu libérera son peuple d’Égypte par le ministère de Moïse.

12 juillet 2021 – Lundi de la 15ème semaine

Ex 1, 8-14.22; Mt 10, 34--11, 1

 

H O M É L I E

           Cet Évangile est un peu déroutant – comme l’Évangile l’est souvent.  La dernière partie, sur l’accueil de l’autre, et en particulier l’accueil du messager du Christ, est rassurante et facile à comprendre.  La partie centrale du texte, cependant, affirmant « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi » n’est pas digne de moi » est plus difficile à comprendre.  C’est comme s’il y avait une compétition entre les deux amours.  Ce n’est pourtant pas conforme à l’image de Dieu que Jésus nous donne d’habitude.

           Le tout est précédé d’une première partie où Jésus dit : « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre...  je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère... on aura pour ennemis les gens de sa propre maison. »  Ce n’est certes pas là un texte facile non plus, mais le sens en est clair.  Le sens en est que la paix que Jésus est venu apporter au monde n’est pas une « paix à tout prix » .  Ce n’est pas une paix « comme le monde peut la donner ».  Ce n’est pas la paix qui consiste en compromis avec l’ordre établi, même lorsque cet ordre établi est fait d’injustice et d’oppression des plus faibles et des plus petits.  Ce n’est pas la paix annoncée par les faux prophètes qui ne désirent que se faire accepter et honorer, mais bien la paix annoncée par les vrais prophètes, une paix qui est le fruit du rétablissement d’un ordre juste, et dont on retrouve les échos dans le Magnificat :  « Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles... il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides ». 

           Quiconque a choisi de servir Dieu et non pas Mammon – quiconque a choisi de vivre selon les préceptes de l’Évangile et d’en accepter toutes les conséquences -- peut s’attendre à ce qu’en certaines circonstances ce choix le mette en porte-à-faux avec ceux qui l’entourent et même parfois avec ses plus proches, y compris ses parents ou ses enfants.  C’est alors qu’intervient cette parole de Jésus : « Si quelqu’un aime son père ou sa mère plus que moi, il n’est pas digne de moi ».  En dehors de cette situation de conflit et de choix obligé entre l’Évangile et ce qui lui est opposé, il est évident qu’il ne peut y avoir d’opposition ni même de tension entre l’amour de Dieu et l’amour des parents – celui-ci n’étant en fait qu’une expression de celui-là.

           Le Fils de Dieu s’est donné tout entier à sa mission. Selon la Lettre aux Philippiens (ch. 2), il n’a pas voulu « s’accrocher » à son égalité avec Dieu ;  il s’est anéanti – « vidé » -- ;  il a renoncé à tous ses droits pour se faire l’un d’entre nous ; et c’est pourquoi le Père l’a exalté...  Ainsi en est-il pour nous, nous dit Jésus.  Celui qui veut garder sa vie, c’est-à-dire celui qui s’accroche à sa vie comme une propriété privée, et qui est tout recroquevillé sur lui-même, a déjà en réalité perdu sa vie, car celle-ci est dès lors vidée de son sens.  Mais celui qui accepte la croix, qui accepte de vivre les conflits nés de la fidélité à l’Évangile, qui accepte de conformer sa vie à l’Évangile même si cela implique de choisir entre Jésus et ses plus proches, celui-là possède déjà en plénitude la vie – même si, en certains cas, cela peut le conduire à la mort physique.

           À ceux qui l’ont suivi dans cet esprit, à ses Apôtres, Jésus a donné le nom affectueux de « petits ».  C’est d’eux qu’il parle lorsqu’il dit que celui qui donnera ne fût-ce qu’un simple verre d’eau à « l’un de ces petits » ne perdra pas sa récompense.  Celui-là aura, dit Jésus, une récompense de prophète.  L’expression « une récompense de prophète » ne veut pas dire la récompense qui convient à un prophète, mais plutôt celle que l’on reçoit d’un prophète – un vrai prophète comme Élisée – qui, partout où il passe suscite la vie.  Tout comme « une récompense d’homme juste » veut dire celle que l’on reçoit d’un homme juste.

           Cet Évangile est très exigeant.  Il nous appelle à l’hospitalité, à l’accueil, spécialement l’accueil du petit, mais aussi à une hospitalité « ordonnée », où l’on sait établir un ordre d’importance, et choisir le Christ chaque fois que les circonstances ou les personnes nous obligent à choisir entre Lui et autre chose ou Lui et d’autres personnes, même si cela implique la croix, c’est-à-dire même si cela implique entrer en pleine possession de la vie en la perdant.

Armand Veilleux

 

11 juillet 2021 -- Solennité de saint Benoît

Prov. 2,1-9; Colossiens 3, 12-17; Matthieu 5, 1-12ª

H O M É L I E

          Dans les monastères vivant selon la Règle de saint Benoît, nous célébrons aujourd’hui la Messe et l’Office de saint Benoît, même si c’est un dimanche.