Homélies du Père Jacques Pineault donnée à Scourmont

C 28 LUC 17, 11-19  (15)

Scourmont : 09.10.2022

 

Frères et sœurs, notre pape François ne cesse de nous inviter à aller « aux périphéries ». À la Pentecôte 2020, il a même demandé à l’Église de vivre « un mois missionnaire extraordinaire ». La bonne nouvelle de l’Évangile doit être annoncée au monde entier et à tous les milieux. En communion avec toute l’Église, nous chrétiens baptisés et confirmés, nous sommes envoyés pour en être les messagers. Car l’Évangile de Jésus Christ est pour tous.

C 14 LUC 10, 01-12.17-20 (13)

Scourmont : 03.07.2022

Frères et sœurs, la Parole de Dieu de ce dimanche nous annonce une nouvelle qui peut surprendre. Le prophète Isaïe (Is 66,10-14) nous invite à la joie, une joie donnée par Dieu lui-même. Il nous parle d’allégresse après les larmes, de consolation. Il annonce une paix « qui déborde comme un torrent » (Is 66,12). Les Ukrainiens seraient heureux de l’entendre ! Cette paix, ce n’est pas seulement une absence de guerre, c’est d’abord la plénitude de la présence de Dieu, la joie des nations converties au Seigneur.

LUC 01, 26-38 (1)

Scourmont : 25.03.2022

Homélie

Frères et sœurs, en ce jour de la fête de l’Annonciation du Seigneur, nous célébrons Marie, complètement transformée par la grâce, prête à accueillir l’Esprit Saint. L’humanité, totalement disponible à l’action de Dieu, donne à Dieu de pouvoir prendre chair et de se manifester au monde. Cette totale adéquation à la volonté divine permet à celui qui n’est que « oui au Père » d’entrer dans l’histoire pour dire à l’humanité l’amour du Père pour elle.

C CARÊME 01 LUC 04,01-13 (14) 

Scourmont : 06.03.2022

Frères et sœurs, il semble bien qu’une dernière étape doive s’accomplir avant que Jésus ne commence sa mission : une épreuve tout à fait singulière, aux allures de passage initiatique, que racontent Marc (1,12-13), Matthieu (4,1-11) et Luc (4,1-13) : après son baptême, Jésus se retire au désert, comme un moine en mal de retraite, où il est tenté par le diable.

Le désert symbolise l’épreuve : épreuve physique, car il est difficile d’y survivre ; mais aussi épreuve spirituelle, car le découragement guette l’ascète. Mais paradoxalement le désert est le lieu de rencontre privilégié avec soi-même et avec Dieu. La Bible est parsemée de récits qui présentent des hommes ayant à vivre un temps de probation au désert, comme Moïse lorsqu’il fuit l’Égypte (Ex 13,17-22), ou Élie pourchassé par Jézabel (1 R 19,1-8). Mais le cas le plus emblématique est celui des Hébreux qui, après le passage de la mer Rouge, demeurent quarante ans au désert avant de s’installer en Canaan.

Les civilisations qui connaissent géographiquement le désert en font un lieu différent, un lieu chargé d’un sens sacré. Il est d’ailleurs intéressant de se rappeler que le mouvement monastique a pris naissance au désert, lorsque les anachorètes, ces moines si désireux de solitude, ont décidé de s’y retirer pour vivre seuls avec Dieu. Saint Antoine le Grand (251-356) fut le premier ; Saint Charles de Foucauld (1858-1916) l’un des plus récents...

L’épreuve de Jésus en fait partie. Quant au temps du séjour, il est dit qu’il dure quarante jours, chiffre lui aussi symbolique, comme les quarante jours durant lesquels les eaux du déluge recouvrent la terre (Gn 7,12). Ce chiffre désigne le temps nécessaire à la maturation d’une expérience et à l’enrichissement intérieur, ce que de nos jours on appelle l’intériorisation ou l’intégration.

Enfin, on peut se demander qui est celui qui vient dans la solitude de sa retraite tenter Jésus. Matthieu parle d’un examinateur, Marc le nomme Satan et Luc l’appelle le diable. Diable vient du grec diabolos et signifie celui qui divise, qui accuse, qui calomnie. Satan dérive de l’hébreu et désigne un adversaire. Ces multiples dénominations attestent du mystère toujours renouvelé de celui qui ne cesse de troubler le cœur de l’homme... Satan soumet Jésus à une épreuve singulière que nous racontent les évangélistes, chacun à leur manière. Marc ne spécifie pas les épreuves que le diable propose à Jésus, mais Luc et Matthieu en mentionnent trois, en des ordres différents, dont voici la trame.

D’après Matthieu, la première tentation concerne la faim. Satan provoque Jésus en lui disant : « Si tu es le Fils de Dieu, dis à ces pierres de devenir du pain » (Mt 4,3). Jésus répond en citant un verset du Deutéronome : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Dt 8,3). Avec cette citation, Jésus relie son épreuve à celle des Hébreux qui, au désert, connurent la faim mais furent nourris de la manne, symbole même du don gratuit de Dieu, qui est devenu pour nous l’eucharistie.

Lors de la seconde épreuve, Satan transporte Jésus sur le sommet du temple de Jérusalem, et il lui demande de se jeter en bas, s’il est le Fils de Dieu. Car, dit-il en citant lui aussi la Bible : « Il [Dieu] donnera pour toi des ordres à ses anges et ils t’élèveront sur leurs mains de peur que tu heurtes ton pied à une pierre » (Mt 4,6). Mais Jésus lui rétorque : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu » (Mt 4,7). Il est vrai que cette manifestation de puissance permettrait à Jésus de s’imposer par la force. Or c’est précisément cela que Jésus rejette durant son ministère, refusant parfois de faire des miracles pour authentifier son identité. On peut aussi remarquer que le diable connaît bien la Bible, mieux que certains chrétiens, mais son extrême intelligence est froide et calculatrice, elle ne sert qu’à tromper et asservir. Elle veut séparer Jésus de son Père. C’est là exactement l’objectif du péché : nous séparer de Dieu.

Enfin la dernière tentation est sans doute la plus subtile, puisque la plupart des juifs attendent un Messie guerrier. Aussi le diable propose à Jésus la royauté sur le monde entier, à condition qu’il se prosterne devant lui. Épreuve emblématique, puisqu’au contraire Jésus devra suivre un chemin difficile et mourir d’une manière infamante. Mais Jésus répond : « Va-t-en Satan, car il est écrit : “Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul” » (Mt 4,10). Et Satan, ayant bien compris le message, le quitte « jusqu’au moment fixé » (Lc 4,13), dit Luc, c’est-à-dire le dernier, celui de l’agonie et de la mort.

Le pape François rappelle avec humour qu’il ne faut jamais dialoguer avec le diable ! Et en effet, Ève, notre ancêtre symbolique, a certainement dû se repentir d’avoir accepté de répondre au serpent, le tentateur qui ne cesse de pervertir le don de Dieu. Pourtant Jésus semble enfreindre cette loi d’élémentaire prudence puisqu’un véritable dialogue théologique s’engage entre le Christ et le Satan. Mais justement, Jésus, parce qu’il est le Fils de Dieu, ne se laisse pas entraîner sur le terrain du diable : s’il répond trois fois c’est en citant trois fois la Parole de Dieu. Il faut le regarder vivre jusqu’au moment de sa passion et de sa mort pour comprendre quelle fut sa totale confiance en son Père. Plusieurs fois l’évangile nous dit que le Christ se retire la nuit pour prier son Père, communier à son Père.

Jésus, parce qu’il est le Fils de Dieu, domine le diable. Mais parce qu’il est homme, il est tenté, comme chacun de nous au fil de sa vie. Avant le commencement de son ministère, Jésus se retire seul dans un endroit désert, pour rentrer en lui-même, dans ce silence intérieur où il communie au Père. Il se prépare pour son chemin parmi les hommes, et il sait bien que les hommes sont faibles, facilement dupés ou même attirés par les fourberies du Malin. Aussi les tentations qu’il affronte sont un condensé tragique de celles qui minent le cœur de ses frères. Alors Jésus va, par son exemple, nous apprendre à combattre, en nous donnant des armes appropriées.

Les tentations de l’avoir et du pouvoir sont les plus courantes, les plus visibles aussi, même s’il faut du courage pour y résister. La dernière est plus fine, elle touche à l’orgueil qui se décline sous des formes très subtiles, comme le dénigrement de soi par exemple ou celui des autres. Le discernement est alors nécessaire, il suppose un temps de prière, l’aide d’un frère éclairé, la fréquentation de la Parole de Dieu ; la paix qui en résulte est le critère du bon choix.

Moïse entrevoit la terre promise, pays ruisselant de lait et de miel. Mais en y entrant, dit-il, il faudra garder à la mémoire le temps du désert, durant lequel Dieu n’a cessé d’être présent à son peuple, le nourrissant de sa parole et de la manne, la nourriture essentielle dans la précarité, c’est-à-dire l’eucharistie. Ainsi avons-nous le secret pour le temps du désert, au moment où nous nous y aventurons avec Jésus, ou plutôt – et la différence est importante – où nous y sommes conduits comme lui par l’Esprit.

Car le carême n’est pas performance humaine, il est le chemin que Dieu ouvre et nous propose d’adopter. Là est pour nous l’effort, nous laisser dépouiller comme les térébinthes et apprendre à vivre comme les plantes de terre aride, du vent et de si peu d’eau. Pour nous, de la Parole de Dieu. Les vieux démons sont là, en tentations de tous genres. Non pas tant les petites, mais celles qui attaquent la vie de plein fouet. C’est à cette épreuve brutale que le diable soumet Jésus au temps de la faim : le miracle du pain, celui du Pouvoir sans limites, ou de nous prendre même pour Dieu, en ignorant la source. Les images de l’Évangile sont à peine à transposer. Il nous faut revenir à l’essentiel. Garder au cœur que nous avons un esprit de fils, et qu’il nous est nécessaire de nous nourrir de la Parole de Dieu. Nous laisser habiter par cette Parole et en vivre. « Elle est tout près de toi cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur » (Rm 10,8).

C 05 LUC 05,01-11 

         Frères et sœurs, dimanche dernier, nous avons entendu le récit de la vocation de Jérémie (Jr 1,4-5.17-19). Aujourd’hui, deux autres nous sont proposées, celle d’Isaïe (Is 6,1-8) et celle de l’apôtre Pierre. D’un côté, Dieu se présente comme le Dieu trois fois saint ; de l’autre, c’est Jésus qui est monté tout simplement dans la barque de Pierre mais qui va se manifester comme le maître de la création, par une pêche incroyable qui prélude à une mission universelle.

C STE MARIE, MÈRE DE DIEU LUC 02, 16-21 (9)

Scourmont :01.01.2022

Frères et sœurs, en ce début d’année, nous échangeons des souhaits. Et nous avons des formules pour le faire : « Bonne et heureuse année, beaucoup de santé, que tous tes désirs se réalisent ». La Bible a aussi ses formules : dans la première lecture, nous en trouvons une qui est très belle ; il s’agit d’une bénédiction que Dieu a transmise à son peuple : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 6,24-26). Cette bénédiction s’adressait au peuple de l’ancienne alliance. Elle s’adresse aussi à l’Église d’aujourd’hui et à chacun de nous. Constamment le Seigneur se penche vers nous pour nous apporter la paix. Quelles que soient les épreuves qui surviendront en cours d’année, la bénédiction de Dieu nous est toujours offerte.

C IMMACULÉE-CONCEPTION LUC 01,26-38 (5)

Scourmont : 08.12.2021

 

Frères et sœurs, sur notre route de l’Avent, nous rencontrons cette fête de Marie que nous appelons l’Immaculée Conception. En vertu d’une grâce exceptionnelle, Marie, Mère de Jésus n’a jamais connu le mal. « Elle est celle qui n’a jamais refusé à Dieu la plus petite preuve d’amour » (Mgr Thomas). Ainsi elle a pu donner au monde le Fils qui a écrasé le mal qui rongeait l’humanité. La Constitution sur l’Eglise du Concile Vatican ii nous dit que « depuis le premier instant de son existence, elle est enrichie des splendeurs d’une sainteté singulière ». Elle a été appelée « la toute sainte ». Et ce que Dieu notre Père veut accomplir en nous : nous rendre saints et irréprochables devant lui (Lv 20,26 ; 1 Pi 1,16), il l’a réalisé à l’avance en Marie, conçue sans péché.

B 21 JEAN 06,60-69 (10)

Scourmont : 22.08.2021

 

         « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,58). Frères et sœurs, ces paroles de saint Pierre, nous sommes invités à les faire nôtres, sinon nous ne serions pas ici aujourd’hui. Comme Pierre et comme le peuple d’Israël au temps de Josué, nous nous retrouvons face aux mêmes questions : « Qui voulez-vous servir ? Les dieux païens ou le Seigneur ? » (Jos 24,15). Et dans l’Évangile : « Voulez-vous partir vous aussi ? » (Jn 6,67).

B 11 MARC 04, 26-34 (5)

Scourmont : 13.06.2021

 

Frères et sœurs, quand Jésus a quitté ses apôtres le jour de l’Ascension, il leur a promis d’être avec eux « tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Il est donc avec nous tous les jours. Certains jours, nous pouvons avoir du mal à y croire. La lecture des médias nous dit tellement le contraire. Alors on s’interroge : où es-tu Seigneur quand on tue un peu partout, quand les épidémies conduisent à des morts affreuses, quand il y a tant de gens affamés jetés à la rue ? Où donc est Dieu dans notre monde ? Où est son Royaume ? Questions lancinantes à une époque où les croyants semblent se raréfier, où les hommes se déchirent de façon toujours plus violente.