Homélies de Dom Armand Veilleux

28 December 2024 - Feast of the Holy Innocents

1 John 1, 5 - 2, 2; Matthew 2, 13-18

Homily

The Gospel of Matthew, from which the Gospel account of today's Mass is taken, begins with the words: ‘Book of the Origins of Jesus Christ, Son of David’. (” Biblios genesis Jesou Christou ’). By this, Matthew wants to emphasise the fact that the birth of Jesus is a new genesis, a new beginning, for the whole of humanity.

The book of Genesis began with a description of the creation of the world. In the beginning, in the initial chaos, everything was darkness, and the Creator's task on the first day of creation was to separate the light from the darkness. God created light and saw that the light was good.

The Evangelist John also sees the birth of Jesus as a new genesis, so it's not surprising that his whole Gospel is structured as an ongoing struggle between the kingdom of darkness and the kingdom of light, with the final victory of the light of the risen Christ.

This same theme of light and darkness recurs at the beginning of the First Letter of John, which we have just heard (first reading): ‘ God is light, and in him there is no trace of darkness’. And all John's moral teaching can be summed up in a single phrase: walk in the light and not in darkness. For John, ‘ walking in the light “ and ” being in communion with God ’ are one and the same thing; that's why anyone who claims to be in communion with God and walks in darkness is a liar, like the prince of darkness. Furthermore, in an admirable shortcut, John identifies communion with God with communion with others: ‘ If we walk in the light as (God) himself is in the light, we have communion with one another ’.

The Gospel story we have just read from Matthew shows us that from the moment of his birth, Jesus found himself in the midst of the struggle between the world of darkness and the world of light: still a small child, he experienced in his flesh the difficulties and trials of the poor and oppressed, with whom he identified throughout his life. How many families today, as throughout the centuries, are dislocated by war, forced population movements and exile? Moreover, most of the characters who appear in this second chapter of Matthew's Gospel are emblematic figures rather than historical figures. The ‘Magi’ represent a restless humanity in search of salvation, capable of recognising God in history and ready to leave its security behind and go out to meet God. Herod and his son Archelaus represent an exploitative and oppressive power, jealous of its hegemony and afraid of losing it, ready to use any cruelty to defend its privileges. As for the children of Bethlehem, they represent all those who, throughout the ages right up to the present day, have been victims of the power of darkness, because they belong to the kingdom of light, whether they have known Christ personally or not.

Even if we walk in the light, this does not mean that we are necessarily pure as angels. On the contrary, anyone who believes himself to be without sin is lying to himself and is therefore walking in darkness. But if we acknowledge that we are sinners, we have, says Saint John, an advocate with the Father. It is this defender whose birth we celebrate in these days and who died to obtain for us the forgiveness of our sins. We will remember him as we continue our Eucharistic celebration.

Armand Veilleux

27 December 2024 - Feast of Saint John

1 John 1:1-4; John 20:2-8

Homily

Saint John invites us to joy in his first letter, the beginning of which we read as the first reading.

29 décembre 2024 – Fête de la Sainte Famille

1S 1, 20...28; 1 Jn 3, 1...24; Lc 2, 41-52

H O M É L I E

          Étant donné que nous célébrons aujourd'hui la Fête de la Sainte Famille, il est tentant de chercher dans ce récit de l'escapade de Jésus au Temple, lors de sa montée à Jérusalem avec ses parents pour la Pâques, à l'âge de douze ans, des leçons sur la vie familiale de Jésus, Marie et Joseph. Mais ce faisant, nous introduirions dans ce beau récit des préoccupations qui n'étaient sans doute pas celles de Luc. Nous l'avons vu plus d'une fois, les deux premiers chapitres de l'Évangile de Luc utilisent un langage hautement symbolique et théologique. Luc n'a aucune prétention à nous informer sur l'enfance de Jésus, dont lui-même ne sait probablement pas grand-chose. Il nous annonce plutôt les grands thèmes de son Évangile, qui commencera avec le baptême de Jésus dans le Jourdain par son cousin Jean-Baptiste.

          Dans les deux chapitres d'introduction, qui sont en fait une introduction à ses deux Livres (son Évangile et les Actes des Apôtres), Luc fait venir Jésus deux fois au Temple de Jérusalem avec ses parents. Chaque fois, Jésus retourne ensuite à Nazareth où il continue de croître en âge et en sagesse, devant Dieu et devant les hommes. De sa vie à Nazareth Luc ne rapporte rien, sinon qu'il était soumis à ses parents.

          Ces deux montées de Jésus au Temple de Jérusalem préparent déjà la grande montée définitive vers Jérusalem à la fin de sa vie (Luc 19, 45ss). Il y a beaucoup d'éléments communs à ces trois "montées". Chaque fois, on vient au Temple par respect pour une prescription de la Loi. La première fois, c’est pour la présentation du nouveau-né, et les deux autres fois pour la célébration annuelle de la Pâque. Chaque fois, il y a des paroles qui provoquent l'étonnement. Lors de la présentation, "le père et la mère de l'enfant étaient étonnés de ce que [Siméon] disait de lui"; lors de la deuxième montée, tous ceux qui entendent le jeune Jésus discuter avec les docteurs de la loi sont dans l'étonnement et ses parents ne comprennent pas sa réponse lorsqu'il leur dit qu'il doit être aux choses de son Père; enfin, lors de la dernière prédication de Jésus au Temple, personne ne le comprend lorsqu'il annonce la destruction de ce Temple. Les trois jours pendant lesquels Marie et Joseph cherchent Jésus annoncent déjà symboliquement les trois jours au tombeau. Marie ne comprend pas, tout comme elle ne comprendra pas au pied de la croix, mais elle garde tout dans son cœur, y compris l'annonce faite par Syméon lors de la première montée au Temple.

          Dans ces récits, ce n’est pas seulement de Jésus dont il question, mais de sa famille. La famille est un lieu de passage. C'est d’abord à travers elle qu'on pénètre dans le monde, dont il faut sortir un jour pour prendre sa propre place dans la société. De même l'appartenance à un peuple ou à une nation, devrait être l'introduction à la grande famille humaine plutôt que de conduire à un nationalisme étroit et aveugle, comme c’est souvent le cas. Des moments de rupture sont nécessaires à la croissance, tout comme la sortie du sein maternel est nécessaire à la naissance.

Le récit de l'Évangile d'aujourd'hui décrit quelques-unes de ces ruptures et en annonce de plus radicales. Jésus, qui était venu une première fois au Temple comme petit enfant, y réapparaît cette fois dans une attitude d'autorité, même s’il est encore un enfant de douze ans. Face aux docteurs de la Loi il manifeste son intelligence; et, déjà, se laisse entrevoir la lutte à mort que lui livreront ces mêmes docteurs lorsqu'ils commenceront à le percevoir comme une menace. Et pourquoi sera-t-il pour eux une menace ? – Simplement parce que tout ce qu'il enseignera sur son "Père", bousculera leur enseignement sur Dieu et rendra caduc leur univers "religieux".   La lutte à finir est commencée dès ce jour.

          De cette lutte Jésus sera le perdant, car il sera mis à mort. Perdant, mais seulement en apparence; car il y aura ces "trois jours" déjà annoncés symboliquement eux aussi dans notre récit, au terme desquels se réalisera en plénitude la réponse de Jésus à Marie: "C'est chez mon Père que je dois être".

          Une fois mis en place tous les personnages du drame, Luc fait revenir Jésus à Nazareth avec Marie et Joseph, pour une vie sans histoire durant les quelque vingt années suivantes, au cours desquelles "il grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes".

          N'est-ce pas là le mystère, et souvent le drame, de toute famille humaine : voir s’éloigner ses membres les uns après les autres, pour vivre chacun son mystère propre et prendre sa place dans la grande communauté humaine ?

Armand VEILLEUX

27 décembre 2024 – Fête de saint Jean

1 Jean 1, 1-4 ; Jean 20,2-8  

H o m é l i e

         C’est à la joie que nous invite saint Jean dans sa première lettre, dont nous avons lu le début comme première lecture.

25 December 2024 - Mass of the Day

Isaiah 52:7-10; Hebrews 1:1-16; John 1:1-18

Homily

Jesus of Nazareth was a migrant, the son of a migrant.

One of the titles given to him in the Christian literature of the first centuries was precisely that of Stranger. He is the Stranger par excellence. He is even a stranger in his own home, because, as the Prologue to John's Gospel says, He came to his own people and his own people did not recognize him.

And if we pay any attention at all, we are surprised by the number of migrations mentioned in the opening chapters of Luke's Gospel.

Barely pregnant with Jesus, Mary leaves Galilee and hurries across the mountains of Judea to visit her cousin Elizabeth, who is six months pregnant. A few months later, already several months pregnant herself, she had to cross these same mountains again to go to Bethlehem in Judea, in order to satisfy the whims of the Roman Emperor, who wanted to take a census of his kingdom and have everyone registered in the town of his ancestors.

As soon as Jesus was born, he had to flee to Egypt with his parents to avoid being killed by the paranoid old king, Herod. When Joseph returned to Judea with his family after Herod's death, he had to flee to Galilee because Archelaus, Herod's son, was more dangerous than his father. Each of these migrations is therefore caused by the whim or malice of a powerful person who crushes the weak. This has been the case for thousands of years, and today's migrations are also caused by the wars waged by the powerful on the backs of the weak and the small.

Already in the Old Testament, migration is at the heart of the history of Israel. This story begins when Abraham receives the order to leave his country, his land, his people, and go to a new and unknown land. Once he had settled in this land, he was visited by God in the form of three ‘strangers’, three migrants passing through, whom he welcomed into his tent. Then the Chosen People will experience exile in Egypt and will be migrants for forty years in the desert before entering the Promised Land.

There is, however, a migration of another kind, and a much more important one. This migration is the subject of today's solemnity. It is the migration of which Saint John speaks when he says that the Word was in God and that the Word was God and became flesh. It is also that of which Saint Paul speaks when he tells us that the Word dwelt in the fullness of the divinity, but that he stripped himself of the attributes of his divinity and became obedient to the point of death, and the death of the cross; then the Father exalted him.

After his death Jesus returned to his Father, but promised his disciples that he would return. And according to his great speech, recorded in the beautiful chapter 25 of Matthew, the judgement that will then be passed on each of us will be: ‘I was... a stranger and you took me in’ or ‘I was... a stranger and you did not take me in’...

Christmas is not just the anniversary of the birth of little Jesus. It's the celebration of God's humanity. It is the feast of the Son of God who became a migrant to come to us. The Incarnation is not simply the incarnation of God in a human being; it is the fact that all of humanity has been assumed by God. And Jesus, who identified himself particularly with all the little ones and the weak, and who himself experienced in his flesh the difficulties of migration, comes to us through all the migrants who still come to us today.

          If chapter 25 of Matthew (‘you took me in... you did not take me in...’) is enough to make us tremble, let us listen to the words of the Evangelist John, the mystic with the piercing gaze, who tells us again, in the prologue to his Gospel: ‘He came to his own, and his own did not receive him... but to those who received him he gave the gift of becoming children of God.’

          In reality, there is no salvation without migration.   We cannot be saved without leaving ourselves to go towards others, with love and mercy, to allow God to come and make his home with us. For, in the end, it is not only the Son of God who makes himself a migrant, it is also his Father: ‘If anyone loves me,’ Jesus said, ‘he will keep my commandments. My Father will love him, and we will come to him and make our home with him.’

          Yes, God will migrate to come to us, but only on condition that, faithful to his command, we open ourselves to all his children who come to us.

Armand Veilleux

25 décembre 2024 – Messe du Jour

Is 52,7-10 ; He 1,1-16 ; Jean 1, 1-18

H o m é l i e

Jésus de Nazareth est un migrant, fils de migrant.

L’un des titres qu’on lui donnait dans la littérature chrétienne des premiers siècles est précisément celui d’Étranger. Il est l’Étranger par excellence. Il est même étranger chez lui, car, comme le dit le Prologue de l’Évangile de Jean, Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reconnu.

Et, si l’on y porte quelque peu attention, on est surpris du nombre de migrations mentionnées dans les premiers chapitres de l’Évangile de Luc.

À peine enceinte de Jésus, Marie quitte sa Galilée et traverse en toute hâte les montagnes de Judée pour aller visiter sa cousine Élisabeth, enceinte de six mois, puis elle retourne en Galilée. Quelque mois plus tard, déjà enceinte elle-même de plusieurs mois, elle doit traverser de nouveau ces mêmes montagnes pour se rendre à Bethlehem en Judée, afin de répondre aux caprices de l’Empereur romain qui voulait faire un recensement de son royaume et qui voulait que tout le monde aille se faire inscrire dans la ville de ses ancêtres.

À peine né Jésus doit fuit en Égypte avec ses parents pour éviter de se faire tuer par le vieux roi paranoïaque, Hérode. Lorsque Joseph revient en Judée avec sa famille, après la mort d’Hérode, il doit s’enfuir en Galilée car Archélaos, le fils d’Hérode, est plus dangereux que son père. Chacune de ces migrations est donc causée par le caprice ou la méchanceté d’un puissant qui écrase les faibles. Il en a été ainsi depuis des millénaires et les migrations d’aujourd’hui sont elles aussi causées par les guerres que se font les puissants sur le dos des faibles et des petits.

Déjà, dans l’Ancien Testament, la migration est au coeur de l’histoire d’Israël. Cette histoire commence au moment où Abraham reçoit l’ordre de quitter son pays, sa terre, les siens et d’aller dans une terre nouvelle et inconnue. C’est lorsqu’il sera installé dans cette terre, qu’il recevra la visite de Dieu sous la forme de trois « étrangers », de trois migrants de passage, qu’il reçoit dans sa tente. Puis le Peuple choisi connaîtra l'exil en Égypte et sera migrant durant quarante ans dans le désert avant d’entrer dans la Terre Promise.

Il y a cependant une migration d’un autre genre, et beaucoup plus importante. Cette migration est l’objet de la solennité d’aujourd’hui. C’est celle dont parle saint Jean lorsqu’il dit que le Verbe était en Dieu et que le Verbe était Dieu et qu’il s’est fait chair. C’est aussi celle dont parle saint Paul lorsqu’il nous dit que le Verbe habitait la plénitude de la divinité, mais qu’il s’est dépouillé des attributs de sa divinité et qu’il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ; puis que le Père l’a exalté.

Après sa mort Jésus est retourné vers son Père, mais a promis à ses disciples de revenir. Et selon son grand discours, qui nous est rapporté dans le très beau chapitre 25 de Matthieu, le jugement qui sera porté alors sur chacun de nous sera : « J’étais... un étranger et vous m’avez recueilli » ou bien « J’étais... un étranger et vous ne m’avez pas recueilli »...

Noël, ce n’est pas simplement l’anniversaire de naissance du petit Jésus. C’est la fête de l’humanité de Dieu. C’est la fête du Fils de Dieu qui s’est fait migrant pour venir jusqu’à nous. L’incarnation, ce n’est pas simplement l’incarnation de Dieu dans un homme, c’est le fait que toute l’humanité a été assumée par Dieu. Et Jésus, qui s’est identifié particulièrement à tous les petits et les faibles, et qui a connu lui-même dans sa chair les difficultés de la migration, vient à nous à travers tous les migrants qui viennent à nous encore de nos jours.

          Si le chapitre 25 de Matthieu (« vous m’avez recueilli... vous ne m’avez pas recueilli... ») a de quoi nous faire trembler, écoutons les paroles de l’Évangéliste Jean, le mystique au regard perçant, qui nous dit encore, dans le prologue de son Évangile : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu... mais à ceux qui l’on reçu, il a donné de devenir enfants de Dieu. »

          En réalité, il n’y a pas de salut sans migration.   Nous ne pouvons être sauvés sans sortir de nous-mêmes pour aller vers l’autre, avec amour et miséricorde, pour permettre à Dieu de venir chez-nous et de faire chez-nous sa demeure. Car, finalement, ce n’est pas seulement le Fils de Dieu qui se fait migrant, c’est aussi son Père : « Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, il observera mes commandements. Mon père l’aimera et nous viendrons chez-lui et nous ferons chez-lui notre demeure. »

          Oui, Dieu se fera migrant pour venir chez-nous, mais à condition que, fidèles à son commandement, nous nous ouvrions à tous ses enfants qui viennent à nous.

Armand Veilleux

25 décembre 2024 – Messe de Minuit

Is 9, 1-6; Tt 2, 11-14; Lc 2, 1-14

H o m é l i e

Chers frères et sœurs,

          Le problème des « sans papiers » n’est pas nouveau. Il existait déjà au temps de la naissance de Jésus. Les Juifs, sous l’occupation romaine, étaient des réfugiés dans leur propre pays – comme il y en a des millions de nos jours. C’est ainsi que, pour répondre au caprice de l’occupant, Marie et Joseph, comme tant d’autres, durent prendre la route pour aller se faire mettre en règle.