Homélies et conférences du Père abbé - Dom Damien Debaisieux

Homélie funérailles de Père Paul Roty

(Mt 25,14-29a)

18 novembre 2020 

Chers Frères et Sœurs, si nous avons choisi ce passage de saint Matthieu pour les funérailles de Père Paul, vous comprenez bien que ce n’est pas en raison du troisième serviteur. C’est cet évangile qui a résonné à nos oreilles, à nos cœurs, à nos vies le jour-même où Père Paul, « serviteur bon et fidèle… entrait dans la joie de son Seigneur. » Et si nous nous penchons sur son corps qui est là, au milieu de nous, nous pouvons – même si c’est évidemment subjectif - y percevoir un visage satisfait, qui savoure enfin pleinement de goûter ce qu’il a cherché toute sa vie, Celui pour qui il a œuvré dans la vie monastique pendant quatre-vingt-une années, Celui qu’il a profondément aimé. C’est ce qu’exprime notamment cette phrase que nous avons inscrite sur le faire-part, phrase écrite de sa main sur un petit bout de papier retrouvé parmi tant d’autres dans un de ses livres, phrase qui dit combien Père Paul désirait vivre auprès de son Seigneur, maintenant et éternellement : « Mon bonheur est immense quand je suis près de Toi »… « Mon bonheur est immense »…

26e dimanche ordinaire A

(Mt 21,28-32)

Septembre 2020

« Un homme avait deux fils » (28). Deux fils qui n’en font en réalité qu’un seul et qui nous ressemblent étrangement. Par exemple, il serait facile de relever en chacun de nous les divergences entre ce que nous disons et ce que nous faisons. Nous pourrions aussi noter toutes ces fois où nous disons ‘non’, où notre premier réflexe est de ne pas vouloir, de penser : ‘laisse-moi tranquille’, ‘fais-le toi-même’ ou encore ‘demande à un autre’. Ces réponses ce sont celles que nous donnons parfois à nos proches, et ce sont celles que nous donnons aussi à Dieu. Ainsi, cet homme, ce père de la parabole, c’est Dieu, bien sûr, mais c’est aussi tout homme, toute femme, qui nous propose une relation de paternité, d’engendrement, de croissance mutuelle.

Saint Bernard

2020

Frères et sœurs, vous le savez, les Cisterciens vivent sous la Règle de saint Benoît. Celui-ci nous invite à renoncer à notre volonté propre et à prendre « les fortes et nobles armes de l’obéissance, afin de combattre pour le Seigneur Christ, notre véritable Roi. » Alors certes, nous pourrions peut-être gloser sur l’obéissance de Bernard avant qu’il ne devienne abbé, mais il est clair qu’il a obéi à l’appel qu’il a reçu et à Celui qui le lui a adressé. En digne fils de Benoît, et de surcroît chevalier de naissance, il a pris ces « nobles et fortes armes… afin de combattre pour… notre véritable Roi. » Et il l’a fait, non pas en se croyant déjà arrivé, non plus en se pensant plus vertueux ou plus courageux que les autres. Non, il l’a fait en connaissant son âme, sa vie, ses égoïsmes et ses résistances, qu’il n’a cessé d’offrir au Seigneur pour que, tel le fils prodigue, il puisse être accueilli, pardonné et revêtu par le Père miséricordieux. Dans cet esprit, ce n’est pas auprès des saints de l’Evangile que Bernard cherchait à revendiquer une place, mais c’est dans la figure du bon larron qu’il se reconnaissait davantage. Je le cite : « Oh ! Si, dans sa bienveillance pour son peuple, le Seigneur Jésus se souvenait de moi aussi, pécheur, quand il viendra dans son royaume !  Oh ! si, en ce jour où il remettra le royaume au Dieu et Père, il voulait bien me visiter par son salut. » Et Bernard dresse la liste de ce qui l’habite, afin, là encore comme nous y exhorte Benoît, d’appeler le Seigneur à son secours. Il écrit : « D’ici là, viens, Seigneur Jésus, arrache les scandales de ton royaume qui est mon âme, et règne sur elle, comme tu le dois !  Car l’avarice vient et revendique pour elle un trône en moi, la vanité aussi prétend dominer sur moi, l’orgueil veut être mon roi. La luxure dit : ‘C’est moi qui règnerai’ ; l’ambition, le mépris, la jalousie, la colère luttent en moi à mon sujet, pour savoir à qui j’appartiens le plus ». Bernard, notre saint, est habité, hanté oserais-je dire, par le spectre de tous les péchés capitaux. Mais il ajoute : « Pour moi, je résiste tant que je peux, je me bats autant que je suis soutenu. J’en appelle à Jésus mon Seigneur, je me défends de moi pour lui car je reconnais lui appartenir.  Je m’y tiens : c’est lui mon Dieu, lui mon Seigneur, et je dis : ‘Je n’ai pas d’autre Roi’ que Jésus.  ‘Viens, donc, Seigneur’, ‘disperse-les par ta puissance’ et tu règneras sur moi, car ‘c’est toi, mon Roi et mon Dieu, toi qui donnes ses victoires à Jacob’. » Inutile de préciser que nous découvrons ici, derrière l’image de facilité que laisse souvent entendre le mot de saint, tout le combat de Bernard, combat qu’il a mené avec toute sa force, avec toute sa vie, avec toutes ses larmes, mais aussi avec tout son amour, s’en remettant totalement au Seigneur.

17e dimanche ordinaire A

(Mt 13,44-52)

Juillet 2020

Frères et sœurs, pour le troisième dimanche consécutif, Jésus nous parle en paraboles. Après le semeur, après le bon grain et l’ivraie, la graine de moutarde ou encore le levain dans la pâte, voici donc le trésor, la perle et le filet. A chaque fois Jésus nous parle du royaume, de ce à quoi nous pouvons le comparer, pour nous permettre de l’accueillir et de le découvrir dans notre vie.

Saint Pierre et Saint Paul

(Mt 16,13-19)

Juin 2020

Frères et sœurs, ces dernières années, l’Eglise est et a été secouée par des scandales. Certains de ses prêtres, de ses évêques, mais aussi certaines de ses figures les plus emblématiques, ont été accusés pour des actes graves ou encore des silences inaudibles. Depuis, c’est l’autorité même au sein de l’Eglise qui est interrogée et remise en cause ; ce sont certaines de nos certitudes qui sont ébranlées ; et c’est l’Eglise elle-même qui vacille avec elles. Dernière conséquence de ces interrogations, une femme, la théologienne Anne Soupa, s’est déclarée candidate pour devenir archevêque de Lyon. Pourtant, aujourd’hui, nous fêtons dans la joie, avec toute l’Eglise, les apôtres Pierre et Paul, les colonnes de cette Eglise, et avec eux nous prions pour leurs successeurs, pour ceux qui ont la charge du troupeau du Seigneur et de la transmission de son message. Alors peut-être que cette fête, les textes de la liturgie, peuvent nous aider à mieux nous situer dans cette crise que traverse l’Eglise.

Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ

(Jn 6,51-58)

Juin 2020

Frères et Sœurs, nous le disions au début de cette célébration, pendant trois mois les circonstances vous ont privés de l’eucharistie. Alors il aurait été probablement plus judicieux de vous demander, à vous, de faire l’homélie à ma place ; de nous dire comment vous avez vécu cette privation, cette absence ; et de nous interpeler en nous expliquant comment cette fête d’aujourd’hui et ces paroles de Jésus résonnent en vous. Car paradoxalement, le manque vous a peut-être fait reconnaître davantage qu’il est le pain vivant, Celui qui donne la vie, Celui qui donne à la vie éternelle de demeurer en nous.

5e dimanche de Pâques A

Jn 14,1-12

Mai 2020

Chers Frères, avec cet évangile, nous nous situons au soir de la Cène, au soir du lavement des pieds. Judas vient de quitter le groupe pour accomplir sa besogne, Jésus déclare à ses disciples qu’il n’est plus avec eux que pour peu de temps, et il annonce à Pierre qu’il l’aura « renié avant qu’un coq ne se mette à chanter. » (13,38). Dans ce contexte où tout semble se précipiter, où tout semble s’effondrer pour s’ouvrir sur un inconnu incertain voire hostile – ce qui pourrait aussi correspondre à notre actualité - les mots d’encouragement de Jésus sont les bienvenus : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » (1).

Vigile pascale

(Mt 28,1-10)

Avril 2020

Chers Frères, nous sommes en confinement, les portes sont fermées, nos mouvements sont restreints et le monde semble comme s’être arrêté ; il se soigne et s’interroge. Et tous, nous attendons « l’heure où, comme dans l’évangile, commencer(a) à poindre le premier jour de la semaine » (1), la fin de ce mauvais rêve surréaliste. Matthieu nous parle lui aussi de ce moment où tout s’arrête, du Grand Sabbat, puis de cet après, et c’est alors le mouvement, l’ouverture, l’air pur : le ciel, une pierre roulée, un tombeau qui s’ouvre comme un carcan qui nous tombe des épaules ; un mouvement ininterrompu de la course des femmes à l’apparition de Jésus, en passant par la descente de l’ange et en imaginant déjà les disciples en Galilée au bord du lac. Le mouvement, la vie, et par deux fois, comme une espérance pour aujourd’hui : « Soyez sans crainte » (5.10).

Jeudi Saint

Avril 2020

 

Chers Frères, ce soir nous faisons mémoire d’un repas, de la sainte Cène, mais ce repas n’a de sens que s’il s’inscrit dans l’ensemble du mystère pascal. Ce soir, nous célébrons donc déjà la mort et la résurrection du Seigneur. Par contre, le récit de ce repas, et ici sous la forme plus spécifique du lavement des pieds, nous aide à comprendre, à entrer dans le mystère de cette mort et de cette résurrection, dans le don et le salut que le Christ nous apporte.