Homélies et conférences du Père abbé - Dom Damien Debaisieux

Sainte Marie, Mère de Dieu

(Lc 2,16-21)

                                                                                                                      1 Janvier 2021

Frères et Sœurs, on dit parfois que pour chaque mère, son enfant est un dieu. Eh bien, aujourd’hui, il semble bien que ce soit vrai ! Marie a été reconnue par l’Eglise Mère de Dieu, Théotokos, c’est-à-dire celle qui engendre, enfante, accouche Dieu. En cette Octave de Noël, nous continuons donc de méditer le mystère de l’Incarnation du Verbe, Incarnation à la fois très concrète et en même temps si insondable. Lire l’Incarnation à la lumière de la proclamation de Marie Mère de Dieu, met en lumière la divinité du Christ, mais elle dit aussi l’œuvre du Christ en sa mère et en chacun de nous.

Noël 2020

(Luc 2,1-14)

Frères et Sœurs, « je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, […] vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » Eh bien, après une année 2020 si compliquée, et face aux incertitudes qui pèsent encore sur nous pour 2021, il est bon d’entendre une bonne nouvelle. L’entendre et l’accueillir, l’entendre et la faire sienne, c’est-à-dire, comme les bergers, croire que cette annonce de l’ange est réellement pour nous, aujourd’hui, une bonne nouvelle, celle dont nous avons réellement besoin. Alors, dans le contexte qui est le nôtre, de quoi avons-nous besoin ? Sans forcément les opposer, avons-nous besoin d’ « un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur », comme l’annonce l’ange, ou avons-nous besoin d’un vaccin ? Assurément, si ce dernier est fiable, sans risque, un vaccin est évidemment le bienvenu, et je dirais même nécessaire. Mais, sans vouloir inquiéter personne, d’autres pandémies, d’autres catastrophes, d’autres bouleversements de notre quotidien et de notre monde sont encore à venir. Alors certes, il nous faut des remèdes, des solutions, du concret, mais il nous faut aussi apprendre à regarder le monde, notre vie, autrement, et peut-être tout simplement consentir à notre propre fragilité, comme semble nous le dire ce Dieu créateur et tout puissant qui s’incarne dans « un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »

3e dimanche de l’Avent B

(Jn 1,6-8.19-28)

Décembre 2020

Chers Frères et sœurs, nous connaissons la valeur littéraire et théologique du Prologue de saint Jean. Nombreux sont ceux qui ne sont pas restés indemnes de sa découverte, en tout cas pas indifférents. Ce prologue, ces mots, nous emmènent, nous élèvent, jusqu’à ce que la mention d’un homme, Jean-Baptiste, semble comme nous ramener, nous faire plonger dans l’ordinaire. L’évangile d’aujourd’hui, avec ces trois premiers versets tirés du Prologue, et les dix autres qui le suivent immédiatement, est donc peut-être pour nous comme un plongeon dans la personne de Jean-Baptiste, comme s’il nous fallait d’abord être baptisés en lui, par lui, avant d’accueillir un autre baptême, celui donné dans l’Esprit par Celui qui « se tient » « au milieu de » nous.

Homélie funérailles de Père Paul Roty

(Mt 25,14-29a)

18 novembre 2020 

Chers Frères et Sœurs, si nous avons choisi ce passage de saint Matthieu pour les funérailles de Père Paul, vous comprenez bien que ce n’est pas en raison du troisième serviteur. C’est cet évangile qui a résonné à nos oreilles, à nos cœurs, à nos vies le jour-même où Père Paul, « serviteur bon et fidèle… entrait dans la joie de son Seigneur. » Et si nous nous penchons sur son corps qui est là, au milieu de nous, nous pouvons – même si c’est évidemment subjectif - y percevoir un visage satisfait, qui savoure enfin pleinement de goûter ce qu’il a cherché toute sa vie, Celui pour qui il a œuvré dans la vie monastique pendant quatre-vingt-une années, Celui qu’il a profondément aimé. C’est ce qu’exprime notamment cette phrase que nous avons inscrite sur le faire-part, phrase écrite de sa main sur un petit bout de papier retrouvé parmi tant d’autres dans un de ses livres, phrase qui dit combien Père Paul désirait vivre auprès de son Seigneur, maintenant et éternellement : « Mon bonheur est immense quand je suis près de Toi »… « Mon bonheur est immense »…

26e dimanche ordinaire A

(Mt 21,28-32)

Septembre 2020

« Un homme avait deux fils » (28). Deux fils qui n’en font en réalité qu’un seul et qui nous ressemblent étrangement. Par exemple, il serait facile de relever en chacun de nous les divergences entre ce que nous disons et ce que nous faisons. Nous pourrions aussi noter toutes ces fois où nous disons ‘non’, où notre premier réflexe est de ne pas vouloir, de penser : ‘laisse-moi tranquille’, ‘fais-le toi-même’ ou encore ‘demande à un autre’. Ces réponses ce sont celles que nous donnons parfois à nos proches, et ce sont celles que nous donnons aussi à Dieu. Ainsi, cet homme, ce père de la parabole, c’est Dieu, bien sûr, mais c’est aussi tout homme, toute femme, qui nous propose une relation de paternité, d’engendrement, de croissance mutuelle.

Saint Bernard

2020

Frères et sœurs, vous le savez, les Cisterciens vivent sous la Règle de saint Benoît. Celui-ci nous invite à renoncer à notre volonté propre et à prendre « les fortes et nobles armes de l’obéissance, afin de combattre pour le Seigneur Christ, notre véritable Roi. » Alors certes, nous pourrions peut-être gloser sur l’obéissance de Bernard avant qu’il ne devienne abbé, mais il est clair qu’il a obéi à l’appel qu’il a reçu et à Celui qui le lui a adressé. En digne fils de Benoît, et de surcroît chevalier de naissance, il a pris ces « nobles et fortes armes… afin de combattre pour… notre véritable Roi. » Et il l’a fait, non pas en se croyant déjà arrivé, non plus en se pensant plus vertueux ou plus courageux que les autres. Non, il l’a fait en connaissant son âme, sa vie, ses égoïsmes et ses résistances, qu’il n’a cessé d’offrir au Seigneur pour que, tel le fils prodigue, il puisse être accueilli, pardonné et revêtu par le Père miséricordieux. Dans cet esprit, ce n’est pas auprès des saints de l’Evangile que Bernard cherchait à revendiquer une place, mais c’est dans la figure du bon larron qu’il se reconnaissait davantage. Je le cite : « Oh ! Si, dans sa bienveillance pour son peuple, le Seigneur Jésus se souvenait de moi aussi, pécheur, quand il viendra dans son royaume !  Oh ! si, en ce jour où il remettra le royaume au Dieu et Père, il voulait bien me visiter par son salut. » Et Bernard dresse la liste de ce qui l’habite, afin, là encore comme nous y exhorte Benoît, d’appeler le Seigneur à son secours. Il écrit : « D’ici là, viens, Seigneur Jésus, arrache les scandales de ton royaume qui est mon âme, et règne sur elle, comme tu le dois !  Car l’avarice vient et revendique pour elle un trône en moi, la vanité aussi prétend dominer sur moi, l’orgueil veut être mon roi. La luxure dit : ‘C’est moi qui règnerai’ ; l’ambition, le mépris, la jalousie, la colère luttent en moi à mon sujet, pour savoir à qui j’appartiens le plus ». Bernard, notre saint, est habité, hanté oserais-je dire, par le spectre de tous les péchés capitaux. Mais il ajoute : « Pour moi, je résiste tant que je peux, je me bats autant que je suis soutenu. J’en appelle à Jésus mon Seigneur, je me défends de moi pour lui car je reconnais lui appartenir.  Je m’y tiens : c’est lui mon Dieu, lui mon Seigneur, et je dis : ‘Je n’ai pas d’autre Roi’ que Jésus.  ‘Viens, donc, Seigneur’, ‘disperse-les par ta puissance’ et tu règneras sur moi, car ‘c’est toi, mon Roi et mon Dieu, toi qui donnes ses victoires à Jacob’. » Inutile de préciser que nous découvrons ici, derrière l’image de facilité que laisse souvent entendre le mot de saint, tout le combat de Bernard, combat qu’il a mené avec toute sa force, avec toute sa vie, avec toutes ses larmes, mais aussi avec tout son amour, s’en remettant totalement au Seigneur.

17e dimanche ordinaire A

(Mt 13,44-52)

Juillet 2020

Frères et sœurs, pour le troisième dimanche consécutif, Jésus nous parle en paraboles. Après le semeur, après le bon grain et l’ivraie, la graine de moutarde ou encore le levain dans la pâte, voici donc le trésor, la perle et le filet. A chaque fois Jésus nous parle du royaume, de ce à quoi nous pouvons le comparer, pour nous permettre de l’accueillir et de le découvrir dans notre vie.

Saint Pierre et Saint Paul

(Mt 16,13-19)

Juin 2020

Frères et sœurs, ces dernières années, l’Eglise est et a été secouée par des scandales. Certains de ses prêtres, de ses évêques, mais aussi certaines de ses figures les plus emblématiques, ont été accusés pour des actes graves ou encore des silences inaudibles. Depuis, c’est l’autorité même au sein de l’Eglise qui est interrogée et remise en cause ; ce sont certaines de nos certitudes qui sont ébranlées ; et c’est l’Eglise elle-même qui vacille avec elles. Dernière conséquence de ces interrogations, une femme, la théologienne Anne Soupa, s’est déclarée candidate pour devenir archevêque de Lyon. Pourtant, aujourd’hui, nous fêtons dans la joie, avec toute l’Eglise, les apôtres Pierre et Paul, les colonnes de cette Eglise, et avec eux nous prions pour leurs successeurs, pour ceux qui ont la charge du troupeau du Seigneur et de la transmission de son message. Alors peut-être que cette fête, les textes de la liturgie, peuvent nous aider à mieux nous situer dans cette crise que traverse l’Eglise.

Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ

(Jn 6,51-58)

Juin 2020

Frères et Sœurs, nous le disions au début de cette célébration, pendant trois mois les circonstances vous ont privés de l’eucharistie. Alors il aurait été probablement plus judicieux de vous demander, à vous, de faire l’homélie à ma place ; de nous dire comment vous avez vécu cette privation, cette absence ; et de nous interpeler en nous expliquant comment cette fête d’aujourd’hui et ces paroles de Jésus résonnent en vous. Car paradoxalement, le manque vous a peut-être fait reconnaître davantage qu’il est le pain vivant, Celui qui donne la vie, Celui qui donne à la vie éternelle de demeurer en nous.