14 décembre 2008 – 3ème dimanche de l’Avent
Chapitre à la Communauté de Scourmont
Soyez toujours dans la joie
Dans l’Évangile d’aujourd’hui Jean indique aux prêtres et aux lévites qui ont été envoyés de Jérusalem pour lui demander qu’il il est, qu’il y a parmi ses disciples (litt. parmi ceux « qui viennent après lui ») quelqu’un de plus grand que lui, qui est le Messie attendu. Et la première lecture, tirée d’Isaïe comme c’est le cas depuis le début de l’Avent, nous trace une admirable image de celui que Dieu a consacré par onction et a envoyé « pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le coeur brisé, etc. »
Entre ces deux lectures, il y a celle de Paul.Ce qu’il écrit aux Thessaloniciens pourrait tout aussi bien nous être adressé à nous aujourd’hui.Essayons d’écouter ses recommandations dans notre contexte actuel.
Première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens (1Th 5, 16-24)
16i Frères, soyez toujours dans la joie
17 priez sans relâche,
18 rendez grâce en toute circonstance : c'est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus.
19 N'éteignez pas l'Esprit
20 ne repoussez pas les prophètes,
21 mais discernez la valeur de toute chose. Ce qui est bien, gardez-le
22 éloignez-vous de tout ce qui porte la trace du mal.
23 Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et qu'il garde parfaits et sans reproche votre esprit, votre âme et votre corps, pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ.
24 Il est fidèle, le Dieu qui vous appelle : tout cela, il l'accomplira
Paul fait d’abord trois recommandations, en trois petites sentences brèves et lapidaires :
- soyez toujours dans la joie
- priez sans relâche
- rendez grâce en toute circonstance
il conclut ces trois recommandations en disant :
C’est ce que Dieu attend de vous dans le Christ Jésus
Tout d’abord, il est tout à fait extraordinaire de s’entendre dire que Dieu attend quelque chose de nous.Beaucoup de personnes vivent dans une sorte de dépression continuelle parce qu’elles ont l’impression que personne n’attend rien d’elles.Dans d’autres cas, on peut avoir l’impression que beaucoup de personnes attendent beaucoup de nous, mais ce qu’ils attendent de nous n’est pas ce que nous pouvons leur donner, ou en tout cas n’est pas ce que nous avons de meilleur à leur apporter.
Or, que nous soyons compris ou non par les hommes, que nous soyons estimés à notre juste mesure ou mésestimés, Dieu, qui nous connaît, puisque c’est lui qui nous a fait – qui nous a tissés (ou tricotés) dans le sein de notre mère, comme dit le psalmiste – attend quelque chose de nous.Et il attend cela « dans le Christ Jésus », c’est-à-dire, parce que son Fils éternel s’est incarné, qu’il est devenu l’un de nous, le premier né d’une multitude de frères, et qu’en Lui nous sommes tous devenus ses enfants.
Dieu attend donc quelque chose de nous.Et qu’attend-il ?On pourrait s’imaginer qu’il attend de nous que nous lui obéissions, que nous le craignions, que nous l’adorions.Or, ce que Dieu attend de nous, nous dit Paul, c’est que a) nous soyons toujours dans la joie, b) que nous priions sans relâche et que c) nous rendions grâce en toute circonstance. Arrêtons-nous à chacune de ces recommandations :
Soyez toujours dans la joie.Il ne s’agit évidemment pas d’une joie superficielle comme celle qu’on pourrait trouver en s’amusant de mille et une façons pour oublier ses problèmes.D’un point de vue tout à fait terre à terre, il semble qu’il n’y a souvent pas grand’ raison de se réjouir.La crise financière et économique actuelle ne réjouit personne – ni les riches qui ont presque tous perdu une bonne partie de leur fortune, ni les pauvres qui en souffrent le plus.L’avidité et la recherche effrénée du gain qui ont engendré cette crise ont aussi engendré toutes les guerres qui créent des souffrances inimaginables pour des millions de personnes, au Moyen-Orient et en Afrique.Dans l’Église, le vent de restauration qui souffre de plus en plus fort n’est pas de nature à engendrer la joie, sauf pour une minorité de nostalgiques.Ainsi, un monastère de notre Ordre, en Allemagne, vient de demander au Saint Siège et d’obtenir pratiquement par retour du courrier le « privilège » de revenir non seulement à la liturgie d’avant Vatican II, mais aux coutumes monastiques antérieures à tout le renouveau de notre Ordre plusieurs fois sanctionné par des approbations pontificales. Comme si tout ce renouveau conciliaire avait été erreur dont quelques « privilégiés » (car il s’agit d’un privilège) pouvaient en être dispensés.Humainement, il y a de quoi pleurer plutôt que de quoi se réjouir. Et dans chacune de nos vies personnelles, à tous les niveaux, il y a sans doute beaucoup de réalités qui ne portent pas à la joie.Et pourtant, la recommandation de Paul est claire et limpide : Soyez toujours dans la joie.
La deuxième recommandation nous indique déjà où peut être trouvée la source de notre joie :Priez sans relâche.Notre vie doit être une prière continuelle, c’est-à-dire une communion continuelle avec Dieu.Il ne s’agit évidemment pas de réciter sans cesse des prières, ou de se promener avec toujours un livre de prière ou un chapelet à la main.Il s’agit de faire de tous les moments de notre vie, nos moments de travail comme nos moments de lectio et nos célébrations de l’Office divin, des moments de communion avec Dieu.C’est dans cette communion même et non dans les diverses choses que nous faisons ou subissons, que nous trouvons la source de notre joie.
Et c’est en reconnaissant cela que nous pouvons rendre grâce en toute circonstance.
Le temps me manque pour commenter le verset suivant invitant à ne pas éteindre l’Esprit et à ne pas repousser les prophètes, mais à opérer un constant discernement.Ce discernement est aussi nécessaire aujourd’hui qu’à aucun autre moment de l’histoire de l’Église et de la Société.
Prions aussi pour que s’applique à chacun de nous la prière finale de Paul dans ce beau texte :
Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et qu’il garde parfaits et sans reproche votre esprit, votre âme et votre corps, pour la venue de notre Seigneur Jésus-Christ.
Nouvelles de nos monastères du Congo et du Rwanda
Le général rebelle Nkunda et sa petite armée assurait depuis quelques années une certaine sécurité dans la région du Masisi, car ses soldats sont beaucoup plus disciplinés que ceux de l’armée nationale.Pourquoi a-t-il soudain repris les combats, ne prétendant plus simplement défendre l’ethnie Tutsi dans les deux Kivus, mais remettant en cause la situation générale du pays ?C’est que les intérêts économiques des pays qui le supportent (plusieurs pays d’Europe et les USA, et non seulement le Rwanda et les autres pays voisins) voient leurs ambitions économiques menacées.Le Congo a passé ces dernières années de nombreux contrats avec la Chine pour l’exploitation des richesses minières du pays.Personne n’a démontré que ces contrats sont moins favorables au Congo que s’ils avaient été passés avec un pays d’Europe ou d’Amérique.Mais les prédateurs traditionnels du Congo n’acceptent pas qu’on leur enlève les droits d’exploiter qu’ils s’étaient eux-mêmes attribués.
Comme toujours c’est le petit peuple qui souffre.
Nos communautés de Mokoto (à Keshero, près de Goma) et de La Clarté-Dieu (près de Bukavu) continuent de vivre fidèlement leur vie monastique, quoique non sans une certaine crainte à peu près continuelle.Jusqu’ici aucune de ces deux communautés n’a été affecté directement par les combats, mais cette situation est pesante, psychologiquement.De plus, le prix des denrées a triplé en quelques semaines, accentuant la difficulté de gagner sa vie.
Armand Veilleux