Chapitre du 20 décembre 2014

Abbaye de Scourmont

Une saine dose d’inconscience

Le pape François a donné récemment une interview au journal argentin La nación. Il a parlé librement et spontanément durant 50 minutes de sa santé, de ses voyages, mais aussi de plusieurs questions concernant la situation actuelle de l’Église, du Synode sur la famille et de la réforme de la curie. Lorsque la journaliste Elisabetta Piqué lui posa des questions concernant les oppositions qu’il rencontre au sein même de la Curie, mais aussi des menaces qui lui viennent de l’extérieur, il a répondu : « Dieu est bon pour moi ; il me donne une saine dose d’inconscience. Je continue de faire ce que j’ai à faire. »

Lorsque j’ai lu le texte de cette interview, j’ai été tout de suite frappé par cette expression : une saine dose d’inconscience. Je crois que cela est assez proche du concept de « seconde naïveté » de Paul Ricoeur – une naïveté voulue ou en tout cas acceptée, qui nous permet d’ignorer les aspects superficiels et secondaires d’une réalité, pour nous concentrer sur ce qui en fait l’essentiel. Il me semble que cela est aussi assez proche de la notion de « simplicité » comme vertu fondamentale à laquelle doit tendre le moine et qui lui permet d’aller droit au but sans se laisser distraire par toutes les distractions le long du chemin (c’est d’ailleurs le sens étymologique premier du nom de moine : celui qui n’a qu’un but, qu’un amour, qu’un désir).

Dans l’expression de François, « Dieu me donne une saine dose d’inconscience », chaque mot a son importance.Il s’agit d’une « dose » d’inconscience et non pas une inconscience totale.Il ne s’agit pas d’ignorer les difficultés, de faire comme si elles n’existaient pas, de se fermer les yeux ou de faire l’autruche.Il s’agit de ne pas laisser la connaissance de ces difficultés envahir le champ de la conscience et empêcher celle-ci de tendre tout droit vers le but. Cette « dose » d’inconscience doit être saine. Le champ de la conscience doit demeurer intact. Et surtout cette dose d’inconscience doit être un don de Dieu et non quelque chose que nous créons par des mécanismes psychologiques ou tout simplement par la paresse.

Je crois aussi qu’on peut rattacher ce concept de François aux polarités qu’il mentionne dans son Instruction Evangelii gaudium, et que j’ai déjà mentionnées dans des chapitres récents : a) le temps des lents développements est plus important que les espaces de pouvoir ; b) la réalité est plus importante que les idées et c) le tout est plus grand que ses parties.

En réalité, cette « saine inconscience » de tout ce qui pourrait détourner de l’essentiel, s’accompagne d’une pleine et sereine conscience de la réalité. La journaliste de La Nación fait remarquer au pape qu’après un premier « effet François », qui avait fait revenir certaines personnes à l’Église ou à la pratique religieuse, on constatait actuellement que des Catholiques continuaient de quitter l’Église. La journaliste utilisait même l’image d’hémorragie.Le pape dit qu’il n’aime pas du tout cette image, car, dit-il, elle est liée au prosélytisme. Il préfère une image qu’il a souvent utilisée, celle d’ « hôpital de campagne ». Il y a, dit-il, des personnes très blessées et qui espèrent qu’on aille guérir leur blessures, quelle que soit l’origine de ces blessures. Il faut, dit-il, aller soigner leurs blessures.

François n’aime pas non plus qu’on parle de stratégie, soit pour aller récupérer ceux qui sont partis, soit pour trouver de nouvelles vocations. L’Église, dit-il, n’est pas une ONG. Il dit que l’Église ne fait pas et ne doit pas faire de prosélytisme, parce que, de par sa nature, elle s’agrandit non pas par prosélytisme, mais par attraction. C’est une idée sur laquelle il est revenu dans son document à l’occasion de l’année de la vie religieuse. Ce n’est pas en inventant toutes sortes de trucs inspirés des techniques de marketing qu’on attirera de vraies vocations soit à la vie religieuse, soit au ministère sacerdotal, mais en vivant sincèrement notre vocation et en donnant l’image de personnes et de communautés heureuses.

Il y a dans cette interview un autre élément qui me semble très instructif pour n’importe quelle personne. La journaliste lui demande ce que cela lui a fait de devenir pape, ce qui lui plaît le plus et ce qui lui plaît le moins dans cette fonction. Sa réponse est celle d’un homme libre. Dans l’Église, comme dans la société, et aussi dans n’importe quelle communauté, lorsqu’on reçoit une fonction ou un service à remplir, le danger est de s’identifier à cette fonction. C’est pourquoi François lutte sans cesse contre le carriérisme et le cléricalisme. Il rappelle que, lorsqu’il avait été nommé archevêque de Buenos Aires, il s’était dit, au cours d’un passage au lieu de pèlerinage de Lujan : « Jorge, ne change pas. Reste celui que tu es, parce que changer à ton âge serait ridicule », et il ajoute qu’il s’est redit la même chose quand il est devenu pape. Cela explique beaucoup de ses attitudes, en particulier son refus de beaucoup d’aspects du protocole romain. Très clairement, il n’est pas « le Pape François, qui s’appelait autrefois Jorge Bergoglio », mais bien « Jorge Bergoglio, qui remplit pour le moment le service de Pape sous le nom de François ».

C’est, au fond, le message de Noël :Dieu, qui s’est fait petit enfant, sans pouvoir, sans importance, pour nous sauver en nous délivrant de toutes nos illusions de toutes nos fausses grandeurs, et de nous apprendre à vivre en hommes libres, dans la pleine « conscience » de notre dignité de fils de Dieu, et dans une « saine inconscience » de tous les jugements des hommes, et de tout ce qu’on peut penser de nous, que ce soit en positif ou en négatif. Noël est une leçon d’humilité.

Armand VEILLEUX

Chapitre du 28 décembre 2014 – Dimanche de la Sainte Famille

Abbaye de Scourmont

L’éloge de la fragilité

Dans le dernier numéro (décembre 2014) de la revue Études, il y a un excellent article signé par Elena LASIDA, au nom du groupe « Développement » de Justice et Paix France, sur les relations entre l’institution et la fragilité.

L’article commence par l’énumération des crises dont on a beaucoup entendu parler ces dernières années : crise financière, crise écologique, crise sociale... Selon l’auteur « Il ne s’agit ni de crises conjoncturelles ni de crises épidermiques provoquées par des phénomènes exogènes.Ce sont des crises profondes qui viennent de l’intérieur, du fonctionnement même de notre vie en société. Elles interrogent le socle sur lequel s’est construite notre vie commune, autant au niveau local que planétaire.Elles déstabilisent les institutions autour desquelles s’organise notre vie collective : la famille, l’école, l’État, l’Europe, les institutions internationales... ».

Nous célébrons cette année le dimanche de la Sainte Famille dans un contexte particulier : entre deux Synodes de l’Église universelle sur la famille – l’un qui a eu lieu il y a quelques mois et l’autre qui aura lieu dans l’année qui vient. L’occasion de ces deux synodes est évidemment la crise de la famille qui caractérise notre société actuelle. Crise qui s’est manifestée lors de discussions animées, en divers pays, sur de nouvelles législations touchant de diverses façons la famille. Mais même avant toutes ces discussions, on pouvait constater que la famille humaine était grandement fragilisée dans la plupart des cultures occidentales, mais aussi ailleurs.

Or, comme le mentionnait l’article de la revue Études que je viens de citer, il y a un lien profond entre toutes les crises mentionnées.C’est pourquoi, ce qui est dit de la famille humaine (mère, père et enfants) vaut de toutes les autres formes de sociétés. Au cours des années précédentes, dans mes chapitres à la communauté lors du dimanche de la Sainte Famille, j’ai souvent insisté sur le fait que nous appartenons tous à plusieurs familles : il y a la famille dans laquelle nous sommes nés et que nous avons quittée lorsque nous sommes entrés au monastère ; il y a notre communauté, qui est notre nouvelle famille ; il y a la famille élargie constituée par l’Ordre qui est une communauté de communautés ; il y a aussi ce qu’on appelle maintenant la grande famille cistercienne. Enfin, il y a cette grande famille qu’est l’Église.

De nos jours, toutes ces institutions sont caractérisées par une réelle fragilité, et, en certains cas, par une grande fragilité. Or, on peut considérer cette fragilité comme un problème à résoudre ou un manque à combler, comme on peut aussi la considérer comme une promesse de nouveauté, une condition de la mise en mouvement et la base d’une véritable interdépendance. Et, de nouveau, je mets cela en relation avec ce que disait le pape François dans son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium concernant la supériorité du temps sur l’espace ; c’est-à-dire son appel à privilégier les processus d’évolution sur la consolidation d’espaces de pouvoir.

On peut accepter la fragilité comme une occasion de renouvellement de l’institution, tout comme on peut vouloir la faire disparaître en renforçant l’institution. Dans notre Ordre, je crois que cela s’applique au nouveau de tout l’Ordre, comme au sein de chacune de nos communautés.

Nous avons connu dans le passé des communautés grandes et fortes qui se sont donné des institutions correspondant à cette situation.Aujourd’hui, à cause de nombreux facteurs qui, pour la plupart, sont indépendants de notre contrôle, la plupart de nos communautés sont fragiles et parfois très fragiles. On peut voir cela comme une chance qui nous est donnée de créer de nouveaux liens, de nouvelles synergies permettant à cette fragilité d’être féconde et de se donner de nouvelles institutions.On peut aussi, et c’est la tentation la plus générale, refuser cette fragilité en reconstituant ce que le pape François appelle des espace de pouvoirs. On essaye alors de faire disparaître toutes ces fragilités fécondes en les regroupant dans de grands ensembles copiant les structures fortes du passé.

La presse a fait beaucoup de bruits ces derniers jours autour du discours très fort du Pape à la curie.Les journaux ont généralement utilisé des titres comme « les 15 maladies de la curie ». En réalité, si on prend soin de lire le début du discours du pape, ce qu’il fait est d’inviter à un examen de conscience en donnant une liste de quinze maladies auxquelles peut être exposée toute institution humaine ou ecclésiastique.Il fait d’ailleurs référence à des listes semblables établies pour les « pères du désert » (d’où est venue d’ailleurs la liste de nos sept péchés capitaux). On reconnaîtra là aussi une caractéristique jésuite, puisque la lecture des Pères du Désert a eu un rôle essentiel dans la conversion d’Ignace de Loyola.

Dans nos vie personnelles aussi nous connaissons avec l’âge de nouvelles formes de fragilité (distinctes des fragilités de la jeunesse, qui en connaît aussi).

Mais, en cette fête de la Saine Famille, l’important est de voir comment toute nos fragilités, si elles sont bien acceptées et intégrées, peuvent contribuer à la vitalité de chacune des familles à laquelle nous appartenons, à commencer par notre communauté locale.

La tendance d’une mentalité de pouvoir, qui prévaut encore, est d’opposer fragilité et autonomie. Or nos Pères cisterciens au douzième siècle, nous ont donné l’exemple inverse : celui de créer un esprit de famille assurant l’autonomie des plus fragiles. Et il ne faut pas oublier que la Charte de Charité, qui a assuré une expansion extraordinaire de l’Ordre durant quelques siècles, a été élaborée au moment où le Cîteaux primitif vivait encore une grande fragilité.

La célébration liturgique d’aujourd’hui nous donne comme modèle et point de référence une famille d’une grande fragilité et d’une grande précarité, avec la naissance de Jésus au cours d’un déplacement à Bethlehem, dans la fuite en Égypte, dans la vie silencieuse à Nazareth, dans le voyage à Jérusalem lorsque Jésus eut douze ans, en attendant la présence de cette famille réduite à Jésus et Marie au Calvaire.

Cette fragilité a été notre salut. Efforçons-nous donc de voir comment, au sein de notre famille communautaire, toutes nos fragilités peuvent servir comme occasion et source d’une nouvelle vitalité.

Armand VEILLEUX

Chapitre pour la Fête du Christ Roi

23 novembre 2014

Abbaye de Scourmont

Le Christ Roi dans la Règle de Saint Benoît

La Fête du Christ Roi, célébrée le dernier dimanche de l’année liturgique est fort récente et n’a pas de lien avec le grand cycle des « mystères » chrétiens qui constituent l’ossature de l’année liturgique.Elle a été instituée en 1925 par Pie XI, à une époque où, devant la montée des États modernes, Rome s’efforçait de préserver ou de restaurer la situation médiévale, essayant de faire en sorte que le christianisme soit la religion officielle des États chrétiens. (On a d’ailleurs vu à l’époque certains dictateurs consacrer leur pays au Sacré Coeur ou au Christ Roi.) Malgré cette origine plutôt ambiguë, cette solennité conserve toute son importance, si l’on n’essaie pas de concevoir le Christ comme le roi de tout l’univers à la façon d’un roi temporel, mais si l’on s’attache plutôt à son enseignement sur le « Règne » de Dieu, le Règne de son Père.

Cette fête est pour nous une bonne occasion de revenir encore une fois sur la place du Christ Roi dans la Règle de saint Benoît, où l’accent est évidemment tout autre que celui que je viens de mentionner.Il ne s’agit pas alors de faire de l’Église un instrument pour instaurer la royauté du Christ sur les peuples, mais plutôt de se mettre humblement au service de Celui qui s’est mis lui-même à notre service.

En relisant le Prologue de la Règle, on est frappé de la place capitale qu’y tient cette notion de la royauté du Christ.Le Prologue commence et se termine avec la mention de cette royauté.Je suis surpris de voir que les grands commentaires spirituels de la Règle, y compris celui de Dom De Vogüé, qui s’attachent savamment à analyser comment ce Prologue utilise le texte antérieur du Maître et est une sorte de commentaire de plusieurs textes de l’Ancien Testament, n’ont pas souligné davantage cette dimension du texte de Benoît.

Dès le début du Prologue, Benoît dit qu’il écrit cette Règle pour ceux qui ont décidé de se convertir et d’assumer les armes très puissantes de l’obéissance pour militer sous le Christ Seigneur, le vrai roi.Il ne faut surtout pas voir de nuance militaire ou guerrière dans l’utilisation par Benoît du verbe « militer ».Christine Mohrmann, la grande spécialiste du latin chrétien, a montré qu’à l’époque de Benoît ce mot latin signifiait non seulement le service militaire mais aussi n’importe quel service civil.L’idée fondamentale est donc celle de service.Et nous sommes là, tout de suite, au coeur de l’essence même de la vie cénobitique, le service.Dès le point de départ, Benoît présente la vie monastique comme une vie de service – de service de Dieu exprimé dans un service mutuel utilisant les instruments de l’obéissance, qui est toujours l’obéissance à Dieu, mais qui, comme on le verra à la fin de la Règle, implique l’obéissance mutuelle.

Toujours dans le même Prologue, Benoît présente ensuite l’entrée au monastère comme l’expression d’un désir de vie en plénitude.Il brosse le tableau de Dieu venant sur la place publique et criant : « Quel est celui qui désire la vie ? », le moine répondant : « C’est moi ! ».Alors, continue Benoît, vêtus de la foi et de la pratique des bonnes oeuvres, avec l’Évangile comme guide, nous pourrons arriver à voir celui qui nous a appelés dans son royaume.

Ensuite, Benoît présente toute la vie monastique comme une école où l’on apprend à servir le Seigneur, notre seul vrai Roi. Et le Prologue se termine par une nouvelle mention du « royaume ».Après avoir couru, le coeur rempli de joie, dans la voie des commandements duSeigneur, observant ses préceptes au sein de la communauté, participant à travers les difficultés que cela peut comporter aux souffrances du Christ, nous mériterons d’avoir part à son Royaume.

La place du Christ et de son royaume est donc beaucoup plus centrale dans la vie du moine selon saint Benoît qu’une lecture superficielle de la Règle pourrait nous faire croire.Toute la vie du moine est une vie de service en vue de ce royaume ; et toute l’ascèse monastique est une école de service.

Armand Veilleux

30 novembre 2014 – 1er dimanche de l’Avent

Chapitre à la Communauté de Scourmont

L’Année de la Vie Consacrée

Comme vous le savez sans doute, le pape François a déclaré l’année 2015 « l’année de la vie consacrée ». Cette année commence en réalité aujourd’hui, le premier dimanche de l’Avent, et se terminera avec la fête de la Présentation de Jésus au Temple, le 2 février 2016. À cette occasion, le pape vient de publier (21 novembre 2014) une Lettre apostolique adressée à tous les consacrés. C’est cette lettre que je voudrais présenter ce matin.

Dans l’introduction à cette Lettre, François dit qu’il a décidé d’ouvrir cette année de la vie consacrée à l’occasion du 50ème anniversaire de la Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, qui, au chapitre VI, traite des religieux comme aussi du décret Perfectae caritatis sur le renouveau de la vie religieuse. Il est intéressant de voir qu’il mentionne la Constitution sur l’Église avant le décret sur la vie religieuse. En effet c’est dans la Constitution sur l’Église qu’on trouve une théologie de la vie religieuse beaucoup plus que dans le décret sur la vie religieuse, dont le but est de tracer les grandes lignes d’un renouveau nécessaire et désiré des Instituts religieux.

Dès cette introduction, le pape précise qu’il ne s’agit pas tellement de chanter les gloires passées des Instituts religieux mais de construire une histoire glorieuse.Appliquant à la vie religieuse ce que Jean-Paul II proposait à toute l’Église au début du troisième millénaire, il écrit : « Vous n’avez pas seulement à vous rappeler et à raconter une histoire glorieuse, mais vous avez à construire une histoire glorieuse !Regardez vers l’avenir, où l’Esprit vous envoie pour faire encore de grandes choses. »

La Lettre du Pape comprend trois parties :

I – Les objectifs pour cette Année de la Vie Consacrée.

II – Les attentes du pape pour cette Année de la Vie Consacrée.

III – Les horizons de l’Année de la Vie Consacrée.

I – Les objectifs pour cette Année de la Vie Consacrée.

1. Le premier objectif est de regarder le passé avec reconnaissance.

2. Le deuxième, vivre le présent avec passion

3. Le troisième, embrasser l’avenir avec espérance

1. Regarder le passé avec reconnaissance

Les débuts de chaque famille religieuse sont marqués par une forte intervention de l’Esprit de Dieu et de la réponse de personnes charismatiques qui en ont été les fondateurs et fondatrices.Puis il y a eu des générations de personnes qui nous ont transmis ce charisme en le vivant fidèlement.

Raconter sa propre histoire est indispensable pour garder vivante l’identité comme aussi pour raffermir l’unité de la famille et le sens d’appartenance de ses membres. Il ne s’agit pas de faire de l’archéologie... mais bien plutôt de parcourir à nouveau le chemin des générations passées pour y cueillir l’étincelle inspiratrice.

Dans le monachisme, nous avons une circonstance particulière à ce sujet.Nous n’avons pas un fondateur ou des fondateurs qui auraient transmis leur charisme à des générations successives. Notre fondateur, c’est le Christ ou son Évangile. La vie monastique est une longue tradition ininterrompue qui remonte aux premières générations chrétiennes. Diverses personnes, au long des siècles, ont profondément marqué cette tradition – Antoine, Pachôme, Basile, Benoît, les premiers Cisterciens, Bernard.Ce ne sont pas des fondateurs au sens où ont pu l’être François, Dominique ou Ignace de Loyola. Ils ont profondément marqué une tradition dans laquelle ils se sont insérés.Ils n’en sont pas les initiateurs.

Le Pape appelle aussi à remercier Dieu d’une façon particulière pour les 50 dernières années, qui ont été pour la plupart des Instituts religieux un chemin fécond de renouveau. (Il fait bon entendre cette appréciation positive de la part d’un pape religieux, alors que les appréciations venues de Rome ces dernières décennies étaient le plus souvent négatives).

2. Vivre le présent avec passion

Le deuxième objectif est de vivre le présent avec passion. Cela veut dire vivre notre vie consacrée avec un amour passionné du Christ, des pauvres – qui sont les privilégiés du Christ – et de l’Église au sein de laquelle nous avons une mission particulière.

Comme la communion est au coeur de la vie de l’Église, François appelle les religieux à être des « experts en communion ».

3. Embrasser l’avenir avec espérance

Enfin le troisième objectif est d’embrasser l’avenir avec espérance.François ne nie pas les difficultés auxquelles sont confrontés la majeure partie des communautés : diminution des vocations et vieillissement, problèmes économiques liés à la crise financière mondiale, etc. Malgré cela il faut vivre l’espérance. Celle-ci ne doit pas se fonder sur les chiffres, ni sur nos propres forces mais sur Celui en qui nous avons mis notre confiance.

Ici, dans un passage le Pape s’adresse spécialement aux jeunes, qui sont le présent et l’avenir, et les invite à vivre en communion avec les générations plus âgées pour assurer une transmission harmonieuse du charisme.

II – Les attentes du pape pour cette Année de la Vie Consacrée.

Je m’attarderai moins longuement sur les attentes du Pape pour cette année.

1. La première est un appel à la joie. C’est avant tout par notre joie que nous devons témoigner, et cela malgré nos difficultés. Le Pape applique ici à la vie religieuse ce qu’il avait dit dans son exhortation apostolique sur la joie de l’Évangile : « L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais par attraction. »Et il ajoute : « La vie consacrée ne grandit pas si nous organisons de belles campagnes vocationnelles, mais si les jeunes qui nous rencontrent se sentent attirés par nous, s’ils nous voient être des hommes et des femmes heureux ».

2. La deuxième attente de François est que les Consacrés réveillent le monde en assumant leur vocation de prophètes. « Jamais un religieux ne doit renoncer à la prophétie », écrit-il. Et il rappelle que le prophète se tient habituellement du côté des pauvres et des sans défense, parce que Dieu lui-même est de leur côté.

3. Sa troisième attente est que les religieux soient des experts en communion, comme dit plus haut. (Il a là-dessus un long développement).

4. Sa quatrième attente est que les religieux aillent vers les « périphéries existentielles ». Il a ici des orientations très concrètes : allègement des structures et réutilisation des grandes maisons religieuses à des fins sociales, humanitaires et d’évangélisation.

5. Enfin, sa cinquième attente : Il appelle tous les religieux à s’interroger sérieusement sur ce que Dieu et l’humanité d’aujourd’hui demandent. Il a un passage très forts adressé aux communautés contemplatives et monastiques les appelant à grandir dans leur communion avec toute l’Église et tous ceux et celles qui ont besoin de soutien spirituel, moral et matériel.

III – Les horizons de l’Année de la Vie Consacrée.

Il ne me reste pas de temps suffisant pour résumer correctement cette section.En voici quand même les grandes lignes :

1 – Il y a tout d’abord un appel aux laïcs et le Pape s’adresse tout particulièrement à ces laïcs, (comme ceux que nous appelons « laïcs cisterciens ») qui s’efforcent d’intégrer dans leur vie de laïcs les valeurs spirituelles d’une famille religieuse et d’appartenir de cette façon à cette famille.

2 – Cette année ne concerne pas simplement les Consacrés mais l’Église entière.

3 – Appel aux consacrés à s’impliquer dans le dialogue œcuménique.

4 – Même chose pour le dialogue interreligieux.

5 – Enfin, un appel à ses frères dans l’épiscopat à comprendre et faire comprendre le charisme religieux.

Armand Veilleux

9 novembre 2014 – Dédicace de la basilique du Lateran

Chapitre à la Communauté de Scourmont

Fête de la Dédicace de la Basilique du Latran

Nous avons célébré il y a peu de temps la fête de la Dédicace de notre église de Scourmont. En effet, en chaque communauté où il y a une église consacrée, on célèbre chaque année la « dédicace » de cette église, c’est-à-dire l’anniversaire du jour où l’édifice a été consacré au culte de Dieu, et donc le jour où la communauté a commencé de s’y réunir plusieurs fois par jour pour y célébrer les Offices divins, et où les moines ont commencé d’y venir privément, à toute heure, pour y rencontrer Dieu dans une prière intime.Nous célébrons également chaque année la dédicace de l’Église du diocèse où se trouve notre monastère.Eh bien, aujourd’hui c’est la dédicace de la cathédrale de l’Église de Rome que nous célébrons.

La basilique Saint-Pierre est évidemment plus connue que celle du Latran.C’est là que vont en premier lieu tous les pèlerins et les touristes qui viennent à Rome.C’est là également qu’ont lieu la plupart des grandes célébrations liturgiques pontificales.Cependant, la cathédrale du Pape, en tant qu’évêque de Rome, c’est la basilique du Latran, et non pas celle de Saint-Pierre. Son vrai nom est « Basilique du saint Sauveur ». On lui donne aussi le nom de « Basilique de saint Jean » (c’est-à-dire Jean-Baptiste), parce qu’un baptistère y est attenant, où, durant des siècles, les nouveaux convertis de la ville de Rome venaient se faire baptiser.

Le pape est en tout premier lieu l’évêque du diocèse de Rome. Le Pape François l’a affirmé clairement le soir de son élection, en s’adressant à la foule assemblée sur la Place Saint-Pierre. « La tâche des cardinaux, a-t-il dit, était de donner un évêque au diocèse de Rome. C’est précisément en tant qu’évêque de Rome et donc de successeur de Pierre dans cette fonction, qu’il a la mission de confirmer ses frères dans la foi et de veiller à la communion entre toutes les Églises locales.C’est pourquoi nous exprimons aujourd’hui notre communion avec l’Église de Rome et toutes les Églises locales de la chrétienté en commémorant cette dédicace.

La cathédrale du Latran fut érigée en 320 par Constantin peu après sa conversion et la fin de l’ère des persécutions.Elle fut construite sur le plan des « basiliques », c’est-à-dire des maisons du peuple dans l’Empire romain.Toutes les grandes basiliques romaines ont conservé jusqu’à nos jours ce caractère d’un grand espace intérieur où le peuple se réunit pour célébrer le mystère chrétien, mais aussi et tout d’abord pour célébrer le mystère de sa communion dans le Christ. Ces grandes basiliques sont vraiment impressionnantes surtout lorsqu’il n’y a aucun banc et aucune chaise dans la nef centrale, ce qui est la situation normale en dehors des grandes célébrations.Elles apparaissent alors clairement comme un lieu de rassemblement et de rencontre du peuple.

Dans l’Évangile des marchands chassés du Temple – que nous avons à la messe d’aujourd’hui, Jésus révèle déjà que le culte de la nouvelle Alliance est très différent de celui de l’ancienne Alliance.Le Temple de l’ancienne Alliance, qui était la « maison de Dieu » -- « maison de mon Père », dit Jésus -- n’est pas remplacé ni par un temple matériel nouveau, ni par plusieurs, mais par l’humanité du Christ.« Le temple dont il parlait – dit saint Jean – c’était son corps ».Depuis la mort de Jésus et sa résurrection, Il habite en chacun de ceux qui ont reçu son Esprit et qui sont donc devenus, chacun, le Temple de Dieu.« N’oubliez pas, nous dit saint Paul, que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous...Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous ».

La vision d’Ézéchiel, à qui l’on fait voir l’eau qui coule du côté droit du Temple et qui apporte vie et fécondité ainsi que nourriture et guérison à tout ce qu’elle touche a toujours été appliquée au Christ dans la tradition chrétienne.C’est Lui qui est la source de notre communion et de notre unité... Mais je ne veux pas prendre la place de l’homéliste du jour.

Depuis plusieurs siècles le pape ne vit plus au Latran mais au Vatican.Dans l’exercice de son ministère de communion il doit se faire aider par plusieurs collaborateurs qui, avec le temps, son devenus une lourde machine administrative qu’on appelle la Curie romaine.Il peut arriver que certains chrétiens, y compris des évêques et des cardinaux, ne soient pas toujours d’accord avec certaines positions prises par ces organismes romains.  Il peut même arriver qu’on voie en certaines décisions de ces « dicastères » -- comme on appelle les Congrégations romaines et les Conseils pontificaux -- des obstacles à la communion plutôt que des aides à la communion.Mais ce sont là des accidents de parcours de l’histoire ; et le pape François s’est donné comme une de ses tâches de réformer cette machine administrative. Mais ce qui est vraiment important, c’est le fait qu’à travers l’Évêque de Rome nous sommes en communion avec toutes les autres communautés ecclésiales du monde et nous formons tous un seul Temple, un seul Corps du Christ abreuvé du même fleuve de sang et d’eau provenant du côté droit du Christ ouvert par la lance du soldat sur la Croix.C’est ce mystère de communion que nous célébrons aujourd’hui en fêtant la dédicace de la cathédrale de l’évêque de Rome, la Basilique du Saint Sauveur.

C’est vraiment une « fête du Seigneur » ; et c’est pourquoi, dans le calendrier liturgique, elle a préséance sur un dimanche ordinaire, qui est aussi fête du Seigneur.

Armand VEILLEUX

14 décembre 2014 – 3ème dimanche de l’Avent

Chapitre à la communauté de Scourmont

La figure de Jean-Baptiste, un homme libre

Même si l’Évangile du dimanche, en cette année liturgique « B » est normalement tiré de l’Évangile de Marc, celui de ce troisième dimanche de l’Avent est tiré de l’Évangile de Jean, et plus particulièrement du Prologue. Il nous présente la figure de Jean Baptiste. Je laisse, évidemment, à l’homéliste d’aujourd’hui de nous commenter cet Évangile. Mais je voudrais dire un mot de la figure de Jean Baptiste qui a été considéré dans la tradition monastique comme prototype du moine (qu’il ait appartenu ou non à la communauté de Qumran, qui se trouva tout près de l’endroit où il vivait et baptisait).

L’iconographie traditionnelle nous présente souvent un Jean-Baptiste sévère, hirsute et à l’allure plutôt rébarbative.Une telle présentation peut évidemment s’inspirer de quelques passages des Évangiles nous rappelant sa prédication et ses appels à la conversion et à la pénitence.Et pourtant,le thème qui revient sans cesse dans tous les récits relatifs à sa naissance est celui de la joie.

Lorsque l’ange Gabriel annonce à Zacharie qu’il aura un fils, il lui prédit que « beaucoup se réjouiront de sa naissance ». Lorsque Marie, qui vient de concevoir un fils, va visiter sa vieille cousine Élisabeth, elle-même enceinte depuis six mois, non seulement Élisabeth est elle-même remplie de joie, mais l’enfant qu’elle porte bondit de joie en son sein.Et lorsqu’elle met au monde son fils, toute sa famille et ses voisins se réjouissent avec elle.

C’est donc à juste titre que Jean-Baptiste est le seul saint, à part le Christ et sa Mère, dont on célèbre liturgiquement la naissance.De tous les autres on célèbre leur entrée dans la gloire céleste au moment de leur mort.

Tous les textes qui entourent la naissance de Jean-Baptiste nous parlent de la joie de ceux et celles qui sont affectés par cette naissance.Mais Jean-Baptiste lui-même nous apparaît comme un homme profondément heureux, d’une joie paisible, parce que c’est un homme unifié, entièrement consacré à sa mission. Un homme totalement libre.

Parce qu’il est libre, qu’il n’a rien à prouver et rien à préserver, il peut parler sans crainte à ses contemporains, qu’ils soient des soldats ou des gens ordinaires, des princes ou des rois.Il peut s’effacer devant celui dont il a annoncé la venue, et même lui envoyer ses disciples.

Nous savons tous par expérience que lorsque nous sommes tristes ou malheureux, c’est lorsque nous avons perdu quelqu’un ou quelque chose qui nous était cher, ou bien lorsque nous ne savons pas réaliser certains de nos désirs. Nous n’avons pas tous les succès que nous aimerions avoir ; nous avons des échecs dont nous nous passerions bien. Nous ne sommes pas appréciés comme nous croyons que nous devrions l’être ; nos idées chères ou nos projets sont peut-être combattus par d’autres. Nous ressentons des tensions entre la personne que nous voudrions être et les missions ou responsabilités qui nous sont confiées. Nous sommes tristes, ou en tout cas notre joie n’est pas parfaite, parce que notre cœur est divisé.

Chez Jean-Baptiste, on ne voit aucun de ces tiraillements.Sa mission est de préparer la venue du Messie.Il s’identifie pleinement à cette mission. Il n’aspire à rien d’autre.Il est donc un homme totalement libre parce que totalement unifié.Et, parce qu’il est libre, sa vision des personnes et des choses n’est jamais déformée.Quand le Messie apparaît, il le reconnaît tout de suite. Et il sait que sa mission à lui est terminée.Il peut disparaître.« Il est temps qu’il croisse et que je diminue ». Quelle parole surprenante, dans un monde où, alors comme aujourd’hui, chacun veut croître en importance, en fonction, en reconnaissance par les autres, etc. !

On sait à quel point un maître qui a des disciples qui lui sont fidèles et dévoués peut s’attacher à ces disciples, qui deviennent facilement pour lui comme une possession.Jean-Baptiste au contraire envoie lui-même ses disciples à Jésus. « Voici l’agneau de Dieu, dit-il ». Son rôle auprès d’eux est terminé.

Comme il n’a rien à perdre, n’étant attaché à rien, il peut aussi avoir une parole libre. Il peut donc dire au monarque qu’il ne lui est pas permis de prendre la femme de son frère.Peu importe si cela le conduit en prison et, éventuellement, à la mort.

Dans sa prison, il se met à douter. Se serait-il trompé ? Celui qu’il a reconnu comme le Messie n’agit vraiment pas comme le Messie qu’on attendait. Est-ce vraiment lui ?Jean est alors assez libre pour assumer ses doutes sans en être déstabilisé et envoyer ses disciples demander à Jésus : « Es-tu vraiment celui que nous attendions ? » Et nous connaissons la réponse de Jésus.

En ce temps de l’Avent, où la personne de Jean Baptiste est si présente dans la liturgie, demandons pour nous aussi la grâce d’une grande humilité, d’un détachement, d’une liberté intérieure qui nous ouvrent à la vraie joie – cette joie qui peut demeurer intacte au fond de nos cœurs malgré toutes les épreuves et les difficultés de la vie – malgré le remous des eaux à la surface de notre existence.

Chapitre du 16 novembre 2014

Abbaye de Scourmont

Le temps supérieur à l’espace

Nous approchons de la fin de l’année liturgique et les textes bibliques choisis pour la Messe nous parleront de plus en plus souvent de « la fin des temps », comme le fait déjà l’Évangile d’aujourd’hui.

Dans son Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium, le pape François a une section extrêmement intéressante sur la supériorité du temps sur l’espace. Cette section se trouve dans le chapitre 4 de l’Exhortation, qui traite de la dimension sociale de l’évangélisation. Il y a déjà quelque chose de tout à fait nouveau dans les textes pontificaux dans cette façon de lier l’évangélisation à la situation sociale de l’humanité. D’une part l’annonce de l’Évangile doit avoir un effet sur la vie des hommes en société ; et, d’autre part, l’évangélisation se fait aussi à travers les transformations sociales, en particulier par l’intégration des pauvres, qui ont une place privilégiée dans le Peuple de Dieu.

Au sein de ce chapitre se trouve une section sur le bien commun et la paix sociale où le pape identifie quatre tensions bipolaires caractéristiques de toute réalité sociale : a) Le temps est supérieur à l’espace ; b) l’unité prévaut sur le conflit ; c) la réalité est plus importante que l’idée ; d) le tout est supérieur à la partie.

On a pu voir, lors du synode sur la famille, ce que le Pape entend lorsqu’il dit que la réalité est plus importante que l’idée. Au cours de ce synode on a vu s’affronter deux attitudes opposées : celle de ceux qui défendent des principes absolus et veulent y faire se conformer la réalité et celle de ceux qui partent de la réalité vécue par les hommes et femmes d’aujourd’hui et qui se demandent qu’elle est l’attitude évangélique à tenir face à cette réalité.

Mais dans le contexte de notre réflexion sur le temps, à laquelle nous invitent les lectures bibliques de cette fin d’année liturgique, je préfère m’arrêter à la deuxième tension mentionnée par le texte de François celle de la supériorité du temps sur l’espace. Que veut dire le Pape par cette expression ? Pour lui le « temps » au sens large, « fait référence à la plénitude comme expression de l’horizon qui s’ouvre devant nous », alors que le « moment » est « une expression de la limite qui se vit dans un espace délimité. Selon lui, le principe selon lequel le temps est supérieur à l’espace, « permet de travailler à long terme, sans être obsédé par les résultats immédiats.Il aide à supporter avec patience les situations difficiles et adverses, ou les changements des plans qu’impose le dynamisme de la réalité. Il est une invitation à assumer la tension entre plénitude et limite, en accordant la priorité au temps. »

Selon le Pape, l’un des péchés qui parfois se rencontrent dans l’activité socio-politique – mais aussi, pourrait-on dire, dans la vie de l’Église et des Communautés religieuses – consiste « à privilégier les espaces de pouvoir plutôt que le temps des processus ». On devient « fou », dit-il, en tentant de prendre possession de tous les espaces de pouvoir et d’auto-affirmation ». Il faut, ajoute-t-il, initier des processus plutôt que posséder des espaces.Il faut « privilégier les actions qui génèrent les dynamismes nouveaux... et impliquent d’autres personnes et groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils fructifient en événements historiques importants.Sans inquiétudes, mais avec des convictions claires et de la ténacité ». François met ce principe en relation avec la parabole du grain et de l’ivraie et la promesse de Jésus à ses disciples que l’Esprit Saint viendra leur faire comprendre toutes choses... plus tard.

Il me semble que cela comporte des leçons importantes pour chacun de nous, pour nos communautés et pour toute l’Église en ces temps qui ne sont pas sans difficultés.La tentation est toujours de trouver des solutions immédiates qui nous redonnent un aspect de solidité et de pérennité assurée.La leçon du Pape est plutôt d’initier des processus d’évolution et de se laisser guider par une vision de la fin ultime, par une « utopie » (le Pape utilise ce mot, qui était cher à dom Bernardo Olivera).

Dans notre Ordre, où la plupart des monastères vivent diverses formes de précarité – comme la plupart de nos Églises locales – et où des solutions radicales avec des résultats immédiats bien visibles sont souvent recherchées, il y aurait probablement lieu de nous inspirer de cet appel du Pape François à privilégier les processus de changement.

Et il me semble que cela peut nous aider à nous situer face à l’avenir de notre propre communauté et de chacun d’entre nous. Nous devons nous efforcer de comprendre, dans la prière, vers où il veut nous conduire et le laisser nous y mener.

Armand Veilleux