2 novembre 2014 – Chapitre à la Communauté de Scourmont

La commémoraison de tous les fidèles défunts

La célébration du 2 novembre a une place spéciale et un peu compliquée dans notre calendrier liturgique. Il s’agit d’une « mémoire » (commemoratio), mais d’une mémoire qui a une place plus élevée que les autres mémoires dans la table de « préséance » des célébrations liturgiques. Elle cède au dimanche – c’est pourquoi nous avons aujourd’hui l’Office du dimanche, bien qu’on célèbre les Vêpres des défunts, pour raisons pastorales. Et nous avons aussi la Messe des Défunts, pour la même raison. En réalité, il y a un lien très étroit entre la fête d’hier et la mémoire d’aujourd’hui.Il s’agit, dans les deux cas de faire mémoire de tous ceux qui sont passés au-delà des limites du temps et de l’espace dans lesquelles nous vivons.

Dans notre vie chrétienne, la mémoire est quelque chose de vraiment central. À la dernière Cène, Jésus a dit à ses disciples : « Faites ceci en mémoire de moi ». « Faire mémoire » est quelque chose de beaucoup plus important que de simplement « se souvenir ». Nous nous souvenons des personnes que nous avons connues et des événements que nous avons vécus – surtout des personnes et des événements qui nous ont particulièrement marqués. En général, avec le temps qui passe ces souvenirs s’estompent graduellement.

Dans l’acte de mémoire, nous transcendons les limites du temps et de l’espace. Nous pourrions dire que nous rendons présents les événements et les personnes dont nous faisons mémoire.Il est probablement plus juste de dire que nous nous rendons présents à eux. Ils ont déjà transcendé les limites du temps et de l’espace dans lesquelles nous demeurons ; nous ne pouvons évidemment pas les y ramener. C’est nous qui, par l’acte de mémoire, transcendons momentanément ces limites.

Cela est évident pour l’Eucharistie. Le Mystère Pascal de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ, par lequel il nous a sauvés, est unique. Notre célébration quotidienne de ce mystère par l’Eucharistie ne répète pas et ne multiplie pas cet unique mystère.Elle le rend présent pour que nous puissions nous y unir.Il est encore plus juste de dire que c’est nous qui sommes rendus présents à cet unique mystère et sommes transformés par ce contact car nous pénétrons alors dans l’éternité.

Le « Jour des morts », comme on appelle le 2 novembre, est un jour où nous prions pour tous les défunts, spécialement pour ceux que nous avons connus et qui nous sont chers – ceux de notre communauté et de nos familles, en particulier -- ; c’est aussi le jour où nous pouvons les rappeler à notre souvenir, par exemple en allant au cimetière. Mais faire mémoire d’eux, c’est beaucoup plus que cela. C’est les rejoindre – non pas là où ils sont, car ils ne sont plus dans un lieu – mais les rejoindre dans l’éternité de Dieu où ils ont été introduits par la mort.

Pour quelqu’un qui vient de perdre un être très cher – par exemple pour une épouse qui vient de perdre un époux très aimé avec qui elle a vécu 50 ans ou plus – il est bon de « sentir » la présence sous une forme nouvelle de cette personne aimée, et même de lui parler. Mais le changement dans la relation va beaucoup plus loin.Nous ne pouvons pas ramener ici-bas la personne qui nous a quittés ; mais par l’activité de la mémoire, c’est elle qui nous fait aller au-delà de nos limites et nous fait entrer en communion avec l’éternité bienheureuse dont elle jouit déjà.

Au deuxième nocturne de l’Office des Vigiles de ce matin, nous avons entendu un très beau texte de Karl Rahner sur le silence de nos morts : « Le silence de nos morts est un langage plus expressif et réalise une proximité plus intime que toutes les déclarations d’amour et d’intimité. Ils sont entrés dans la vie de Dieu, aussi ne peuvent-ils que se dérober à nos prises... Mais c’est précisément en fonction de cette situation radicalement différente que leur vie est en relation de présence et d’intimité avec la nôtre. Leur silence est pour eux le moyen le plus clair de nous faire signe, car il est l’écho du silence de Dieu ; il est à l’unisson de la parole de Dieu qui s’adresse à nous. »

Ces réflexions peuvent aussi nous aider à comprendre l’expression memento mori, (« souviens-toi de la mort »), qui a été souvent comprise comme une représentation mentale lugubre du moment de la mort. En réalité, penser à la mort c’est pénétrer déjà, par l’activité de mémoire, dans – non pas le lieu le moment – mais l’état où notre être est déjà dans une certaine mesure, avant de le devenir définitivement et pleinement, absorbé dans le silence bienheureux du Verbe de Dieu.

Aujourd’hui, en faisant mémoire des défunts – de tous les défunts et non seulement de ceux que nous avons connus et aimés – nous pénétrerons un peu plus dans l’éternité, dans notre éternité, qui est celle de Dieu ; et en nous laissant pénétrer par le silence de nos morts, nous nous laisserons envahir par le silence de Dieu.

Armand Veilleux

19 octobre 2014

Abbaye de Scourmont

Synode sur la famille --- Béatification de Paul VI

Le Synode des évêques sur la famille s’est terminé hier soir. Je n’ai parcouru que rapidement ce matin le texte du document final du Synode, qui se trouve déjà sur le site du Vatican. J’ai cependant pu lire plus attentivement hier soir le Message du Synode au monde, voté dans la matinée d’hier.

En général les travaux d’un Synode de l’Église universelle se terminent par une série de propositions adressées au Pape, et qui servent ensuite à la rédaction d’une Instruction apostolique publiée environ un an plus tard par le Pape. Le Synode de cette année est une préparation à un Synode plus important sur le même sujet, qui aura lieu l’an prochain. Il se termine donc par un document final soumis à l’étude de toutes les Conférences épiscopales.

En plus de ces propositions ou de ce document final, la plupart des Synodes dans le passé ont adressé un Message au monde. Ces messages ont eu des réceptions diverses selon les cas, dépendant en grande partie de la façon dont ils avaient été préparés (le Message du Synode sur la vie religieuse a eu une histoire assez abracadabrante !).Celui de cette année est vraiment spécial et dans un style tout à fait nouveau. Son approche est celle que le Pape François a graduellement donnée à l’Église depuis le début de son pontificat.François ne fait jamais de grands développements théologiques, mais on peut dire qu’il fait de la théologie en action.Il n’a jamais beaucoup parlé de collégialité ou de synodalité, mais le Synode qui vient de se terminer a probablement été la meilleure expression de collégialité vécue dans l’Église depuis Vatican II, qui avait pourtant voulu explicitement cette collégialité.

Le premier paragraphe du Message donne déjà le ton.Il s’adresse à toutes les familles des divers continents, et en particulier à celles qui suivent la Voie du Christ. À toutes – et non seulement aux familles chrétiennes – les membres du Synode expriment leur admiration et leur reconnaissance pour le témoignage quotidien offert au monde par leur fidélité, leur foi, leur espérance et leur amour.

Dans le deuxième paragraphe du document, les Pères du Synode disent pourquoi ils se croient autorisés à parler de la famille. On sait que certaines voix dans la société, et certaines jouissant d’une grande autorité, avaient nié à un groupe de célibataires le droit de parler de la famille... Les Pères du Synode disent simplement qu’ils sont tous nés dans une famille avec, en chaque cas son histoire et parfois ses difficultés, puis que, comme prêtres et évêques, ils ont vécu auprès de familles qui leur ont raconté leur vécu – un vécu fait d’une longue série de splendeurs et aussi de fatigues. Ils rappellent enfin que le Synode a été préparé par une consultation à l’échelle de l’Église universelle.

Mais surtout, dans la pure ligne de la théologie de la libération, ils ne partent pas de principes abstraits, mais du vécu concret des familles d’aujourd’hui. Ils savent que si beaucoup de familles donnent un grand exemple de fidélité et de courage, cette fidélité est mise de nos jours à rude épreuve par un ensemble de situations concrètes, y compris les difficultés économiques engendrées par des systèmes économiques pervers.Ils constatent, sans jugement, que dans ces circonstances, beaucoup d’unions n’ont pas survécu, donnant naissance à de nouvelles relations, de nouveaux couples, de nouvelles unions et de nouveaux mariages, créant des situations complexes pour ceux qui ont fait le choix d’une vie chrétienne.

Ils affirment que le Christ a voulu une Église qui soit une demeure dont la porte est toujours ouverte, accueillant tous et n’excluant personne.

Il n’était pas question dans ce Synode de rappeler les grands principes de la théologie sur la famille, qui sont connus, ni de modifier ou de rappeler les règles pratiques.Il s’agit de trouver des réponses pastorales à des situations concrètes qui sont la réalité à laquelle les pasteurs sont confrontés. Le texte se termine par un appel au dialogue – au sein des familles et au sein de l’Église, précisément en préparation au Synode de l’an prochain.

Le Pape François a introduit dans ce Synode une atmosphère de dialogue inconnu jusqu’à maintenant dans ces assemblées, insistant pour que chacun puisse exprimer ses positions personnes et ses questionnements, sans aucune crainte.

On trouve déjà sur le Site du Vatican le texte du Document final, avec le nombre de votes reçus par chaque paragraphe. Seuls 3 paragraphes sur 62 n’ont pas reçu la majorité des 2/3. Mais même ces trois paragraphes ont reçu presque les 2/3 des voix (104 vs 74 étant le plus faible score).

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Ce n’est certainement pas hasard que le Synode se termine aujourd’hui avec la béatification de Paul VI pour qui le dialogue était une chose extrêmement importante. Pour lui, le dialogue était une dimension essentielle de l’Église, ce qu’il a longuement expliqué dans son encyclique Ecclesiam du 5 août 1964 (durant le Concile). Il voyait le fondement de tout dialogue dans le fait que la Révélation est en elle-même une relation dialogale, l’Incarnation du Verbe de Dieu étant le moment central de l’histoire du Salut.

Paul VI est un pape que j’ai toujours beaucoup admiré. C’était, surtout vers la fin de sa vie, un homme tourmenté, toujours soucieux de maintenir en relation les opposés. Il ne voulait perdre ni ceux de droite ni ceux de gauche et voulait même les maintenait en dialogue.

Il ne lui a pas été possible, à son époque, de faire du Synode de l’Église universelle un véritable exercice de collégialité. François peut le faire aujourd’hui, en construisant sur l’esprit de dialogue impulsé par Paul VI.

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Quelques dialogues communautaires concrets pour Scourmont...

Chapitre pour le 5 octobre 2014

Abbaye de Scourmont

François d’Assise et Cîteaux

La fête de saint François d’Assise, que nous avons célébrée hier, le 4 octobre, et le fait que nous avons tenu notre Chapitre Général à Assise au cours du mois de septembre m’a amené à réfléchir sur la relation entre le charisme cistercien et le charisme de François d’Assise.

Nous avons tenu nos trois derniers Chapitres Généraux à Assise et, si les responsables suivent l’orientation donnée par les Capitulants de 2014, le prochain Chapitre, celui de 2017, aura lieu également à Assise. Au début, la raison d’aller à Assise était sans doute que nous y avions trouvé un endroit où l’on rencontrait toutes les facilités nécessaires à une réunion aussi large et complexe que la nôtre. Mais il y a plus. Il y a dans l’air d’Assise une fraîcheur et une beauté qui plaît à tout le monde. Et si les Cisterciens d’aujourd’hui si sentent chez eux, c’est peut-être que l’idéal de François les ramène à leurs racines. Et nous sentons probablement que nous pouvons y trouver des lumières et des pistes pour nous orienter dans la situation de fragilité que vivent la plupart de nos communautés aujourd’hui.

En réalité, les relations entre l’origine de Cîteaux et le mouvement franciscain sont complexes et pleines d’enseignements.À l’époque de la fondation de Cîteaux, au 12ème siècle, l’Église et toute la société féodale se trouvaient embarquées dans un grand mouvement de réforme qu’on appela la réforme grégorienne. Par cette réforme, l’Église se libérait de l’emprise du pouvoir civil, mais se positionnait comme un autre pouvoir face à celui-ci. Mais en même temps, et parallèlement à ce mouvement qui se situait au sommet de l’Église et de la société, se produisait dans le peuple un fort mouvement de retour à la simplicité, à la pauvreté et à la fraîcheur de l’Église primitive.Le premier Cîteaux, celui de Robert, Albéric et Étienne et de leurs compagnons, et de l’humble petit monastère de Cîteaux, se situait tout à fait dans ce grand courant spirituel qui secouait toute l’Europe. Puis, vint la deuxième génération, celle de Bernard et de ses jeunes chevaliers, qui apportèrent beaucoup de vitalité au mouvement, mais le firent rentrer dans la foulée de la grande réforme grégorienne.Se multiplièrent les grandes abbayes. Paradoxalement, l’idéal cistercien de pauvreté qui faisait renoncer à vivre du travail des autres, selon le système féodal, mais de son propre travail sur ses propres terres, conduisit à la création de grandes propriétés terriennes nécessaires pour nourrir de grandes communautés et construire de grands monastères.Non seulement le système cistercien fut une réussite organisationnelle, mais contribua largement à une nouvelle relation entre la campagne et les villes et à la constitution d’une nouvelle classe bourgeoise qui allait remplacer la chevalerie.

Or, c’est précisément cette classe bourgeoise, à laquelle François renonça pour fonder sa petite communauté de frères « mineurs », lorsqu’il remit ses vêtements à son père devant l’évêque. En réalité François et les autres Ordres mendiants, revenaient à l’intuition primitive du premier Cîteaux. Depuis longtemps, nous sommes fiers des grandeurs spirituelles, artistiques, architecturales, etc. héritées du Cîteaux de la deuxième génération.Il semble que François d’Assise, et maintenant François de Rome, nous rappellent à l’humilité, la simplicité et la ferveur du Cîteaux de la première génération.

En réalité, c’est peut-être le Seigneur lui-même, qui, à travers ce qu’on appelle la « crise » de nos communautés, de notre Ordre et de toute l’Église, surtout ici en Occident, où nous avons connu tellement de gloire par le passé, veut nous ramener à la simplicité et la pauvreté évangéliques. Peut-être le Seigneur désire-t-il de toutes petites communautés ecclésiales et monastiques, fragiles mais ferventes pour reconstruire son Église.Tout comme il a demandé à François d’Assise de reconstruire l’Église de son temps. Il y a peut-être dans l’Évangile d’aujourd’hui (« le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit ») un message à l’Église et aux grands Ordres d’aujourd’hui.Vouloir supprimer toutes les petites communautés fragiles pour les regrouper en de grandes communautés de nouveaux solides, puissantes bien organisées et bien visibles me semble aller à contre-courant de ce mouvement de l’Esprit et, en tout cas du message de François (les deux François).

Aujourd’hui, à Rome s’ouvre le Synode sur la famille. Dès avant son ouverture, il a fait l’objet de prises de position contrastées par des Cardinaux qui s’opposent ouvertement les uns aux autres. La chose merveilleuse est que le Pape ne semble aucunement s’inquiéter de ces débats, mais invite au contraire à un dialogue aussi ouvert que possible sur toutes les questions. Il y a là aussi un message pour nous tous.Et je crois que l’essentiel du message de François est que ce qui est en premier ce ne sont pas les principes théoriques et les grandes idées, ce sont les personnes. Ce qui l’intéresse ce ne sont pas le « mariage » ou le « divorce », mais la personne mariée et la personne divorcée, et l’attention pastorale qu’elles sont en droit d’attendre de leurs pasteurs.Il est facile de faire la transposition en beaucoup d’autres domaines.

Enfin, n’oublions pas dans nos prières les élections qui ont lieu aujourd’hui au Brésil, l’une des plus grandes démocraties du monde (plus de 200 millions). Là aussi se joue le choix entre une société plus attentive aux besoins des petits, dans la ligne d’Assise d’une certaine façon, et une société à la remorque de l’économie libérale qui crée les fossés entre les favorisés du système et les défavorisés.

Armand Veilleux

Chapitre du 26 octobre 2014

L’amour de Dieu et du prochain

Le thème central de la liturgie du jour est celui de l’amour, qui trouve son point culminant dans le lien essentiel qu’établit Jésus entre les deux commandements : celui d’aimer Dieu et celui d’aimer le prochain.

Il y a en tout homme le besoin d’aimer et d’être aimé.Mais il y a aussi en tout homme un instinct de conservation qui provoque facilement un repli sur soi conduisant parfois à une exploitation de l’autre. Cela vaut pour les individus, mais aussi pour les peuples et, peut-on dire, pour l’humanité tout entière. Périodiquement il faut que, soit des prophètes, soit des législateurs rappellent les exigences de l’amour du prochain. C’est sans doute là au moins en partie le sens de la parole de Jésus : « Tout ce qui est dans la Loi et les Prophètes trouve son fondement dans ces deux commandements ».

Mais les structures sociales, les coutumes et mêmes les lois ne suffisent pas.Il faut toujours une conversion du coeur. Même encore de nos jours, il y a des sociétés ou des groupes ethniques où la solidarité du clan ou de la famille élargie est une dimension de la structure sociale. En réalité, cette solidarité est essentielle à leur survie. Les conditions de vie peuvent être très simples et même frugales, mais personne ne manque de rien. Les plus faibles sont pris en charge par la collectivité. Mais on constate en général que dès que les membres de ces groupes sortent de ce microcosme culturel, par exemple lorsqu’ils quittent le village pour la ville, ces liens se défont et la solidarité disparaît.

Quelque chose de semblable se produisit en Israël après l’établissement dans la Terre Promise.Des personnes qui avaient tout partagé entre elles durant le temps de leur existence nomade commencèrent à établir de petits empires privés. Des difficultés économiques résultèrent du passage d’une économie nomade à une économie urbaine, où les individus faibles devenaient plus vulnérables. Des étrangers, des veuves, des orphelins et de nombreux pauvres mouraient de faim sans que personne ne vienne à leur aide. Les règles de solidarité établies dans la Loi que Moïse avait transmise au peuple ne fonctionnaient plus. Intervinrent alors les prophètes pour rappeler les exigences de l’amour du prochain.

Quelque chose de semblable se produisit plusieurs siècles plus tard, au temps de saint Benoît. La stabilité qu’avait apportée l’Empire romain à une grande partie du monde connu était fracassée par l’invasion et l’implantation dans l’Empire romain de nombreuses tribus venant du Nord et de l’Est.C’est dans ce contexte que Benoît demande à ses moines de recevoir les étrangers et les pauvres comme le Christ.C’est aussi dans ce contexte qu’il établit une forme de vie commune qui est une expression concrète au quotidien des deux préceptes de l’amour de Dieu et du prochain.

Il n’y a pas lieu d’opposer la loi et l’esprit. La loi – que ce soit, dans notre cas, la Règle de Benoît, le code de Droit de l’Église ou nos Constitutions ou même nos règlements locaux – est là pour nous rappeler les exigences de l’amour dans notre situation concrète.La loi tue lorsqu’on la coupe de la source où elle a pris naissance.

Pour que notre vie monastique soit authentique, nous devons nous interroger constamment sur la qualité de notre amour fraternel, qui est le baromètre de notre amour de Dieu.

Dans la société d’aujourd’hui il y a de nombreuses formes de solidarité qui ne méritent pas ce nom.On donne parce que le fait de donner procure un sentiment agréable.Face à la pauvreté grandissante de secteurs de plus en plus nombreux de la société, on organise des collectes et des campagnes de souscription pour se donner bonne conscience – ce qui semble nous dégager de l’obligation de changer les structures d’oppression. On peut aussi donner de son temps ou même de sa personne parce qu’on sent le besoin de le faire, ou parce que cela procure un sentiment agréable, sans qu’il n’y ait vraiment d’amour de l’autre.Certains sociologues parlent d’un phénomène qui semble se généraliser et qu’ils décrivent comme « le don de soi sans souci de l’autre ».

Cela est possible aussi dans une communauté monastique.C’est pourquoi nous devons sans cesse nous interroger sur la qualité de notre amour fraternel.Je puis me dépenser sans compter pour ma communauté ; mais cela ne suffit pas.Je dois me demander sans cesse : Est-ce que je le fait pour l’amour de mes frères ou par amour propre ? – Bien sûr, nos intentions ne sont jamais à 100% pures ! Mais il est essentiel de toujours tendre à la « simplicité » qui est la vertu fondamentale vers laquelle doit tendre le moine : cette simplicité qui consiste à n’avoir qu’une préoccupation, qu’un amour, qui est à la foi celui de Dieu et du prochain. Et c’est dans cet amour de Dieu vécu dans l’amour du prochain que réside le véritable amour de soi. On ne peut se donner que si l’on se possède vraiment ; et l’on ne se possède que si l’on est une personne autonome capable d’établir une relation d’amour avec Dieu et avec toutes les autres personnes.

Armand Veilleux

Chapitre du 7 septembre 2014

Leçons de leadership selon l’exemple du Pape François

Un auteur américain, considéré comme un expert dans les questions de leadership a écrit récemment un livre où il présente douze leçons de leadership selon le Pape François. Cet auteur, Jeffrey A. Krames, n’est pas catholique. C’est un Juif, fils de survivants de l’holocauste. Il voit dans François tout à fait l’opposé de la dictature fasciste.

Le titre de son livre est déjà très significatif : « Lead Humility » (conduire avec humilité) et le sous-titre est : « 12 leçons de leadership selon le Pape François ». L’auteur trouve ces leçons non pas dans des textes du pape, mais dans son attitude et dans sa façon d’exercer son rôle, de gérer l’Église.

Ces leçons peuvent inspirer quiconque a un rôle de leadership ou un rôle d’autorité ou une responsabilité dans la société ou dans l’Église.Et comme nous sommes tous co-responsables de la marche et de la qualité de vie de la communauté à laquelle nous appartenons, ces leçons valent pour tous et chacun de nous. En voici quelques-unes.

La première de ces leçons est l’humilité. Pour cet auteur, la première raison du grand succès du pape François et de l’estime dont il jouit mondialement auprès des Chrétiens comme des non-Chrétiens est sa grande modestie : « Il pense que l’authentique humilité donne plus de moyens aux dirigeants que n’importe quelle autre qualité de leadership (...) Il ne rate aucune occasion de montrer que l’on n’est jamais trop humble et que l’on peut apprendre à le devenir ». L’auteur donne comme exemple le fait que le soir de son élection, François a refusé de monter sur l’estrade qui l’aurait placé plus haut que les cardinaux qui venaient de l’élire. Et le même auteur donne à tout dirigeant d’entreprise le conseil suivant : « Si vous avez la chance de diriger des personnes, n’utilisez jamais votre position pour des raisons égoïstes. Prenez soin de ne rien faire qui montre à vos subordonnés ou collègues que vous vous situez au-dessus d’eux ».

Une deuxième leçon est celle de s’immerger dans son « troupeau ». On connaît bien la formule très imagée de François qui dit qu’il veut des pasteurs « qui ont l’odeur des brebis ». On connaît aussi sa tendance continuelle à parler avec le plus grand nombre de personnes possible soit par téléphone, soit en tête-à-tête.Il a demandé aux évêques de ne pas rester dans leurs bureaux « à signer des parchemins ».

Une troisième leçon est celle de s’entourer de conseillers ayant des expériences et des points de vue différents.Le groupe de huit cardinaux nommés par François pour l’assister dans la réorganisation ou restructuration de la curie romaine est un bel exemple.Ce sont des hommes très différents, venant des quatre coins du monde et ayant, au moins pour certains, des parcours atypiques.

La quatrième leçon est celle que le pape donne lorsqu’il appelle sans cesse les missionnaires et tous les pasteurs à aller aux périphéries. Il y a les périphéries en dehors de l’Église – à l’image de Jésus allant au-delà des limites d’Israël, vers les territoires de Tyr et de Sidon.Mais il y a aussi les périphéries au sein de l’Église, c’est-à-dire ceux qui sont marginaux ou traités comme tels.On peut mentionner l’attitude pastorale du pape à l’égard des divorcés remariés et des homosexuels.

Ce que notre auteur traduit, en s’adressant aux hommes d’affaires, en leur disant l’importance d’aller au-delà de leur clientèle habituelle.

Une autre leçon est celle de savoir prendre des risques ou de « vivre à la frontière ». Le Pape François donne lui-même l’exemple suivant : À un moment où il souffrait d’une grave maladie, lorsqu’il était jeune, la soeur qui le soignait lui donna une dose d’antibiotiques trois fois supérieure à celle prescrite par le médecin, parce qu’elle savait par expérience que c’était nécessaire pour lui sauver la vie.

Les autres leçons sont, par exemple, celle de savoir être patient. Il faut savoir que les changements importants ne se font pas en quelques semaines ou quelques mois.Ils prennent des années.Il faut savoir les mettre en branle en sachant que d’autres devront les gérer après nous.Il y a aussi, évidemment, l’invitation à conduire par l’exemple.

Une leçon très importante est celle de mettre les buts de l’organisation à laquelle on appartient et qu’on sert au-dessus de ses buts personnels.C’est dans ce sens que François met constamment en garde contre le carriérisme au sein de la curie romaine et de l’Église en général.

Un exemple de la façon dont François réorganise la curie avec patience, prudence et courage à la fois peut se trouver dans une quelques nominations faites récemment en Espagne.Le préfet de la Congrégation pour le culte et les sacrements depuis 2008 était un espagnol, le Cardinal Antonio Cañizares Llovera. Il représentait une ligne plutôt conservatrice et beaucoup de personnes s’attendaient à un remplacement dès le début du pontificat du pape François.Celui-ci ne s’est pas pressé.Il a attendu un moment opportun. Récemment, le Cardinal Rouco Varela, archevêque de Madrid, ayant atteint l’âge de la retraite, le pape l’a remplacé par Mgr. Carlos Osoro Sierra, archevêque de Valencia, qui est certainement beaucoup plus dans la ligne de François. Et il a nommé à Valencia le Cardinal Cañizares, libérant ainsi le poste de préfet de la Congrégation du culte. Son successeur à ce poste n’est pas encore nommé.

Il y a dans cette nomination un message important :Avant d’être cardinal préfet de la Congrégation du culte, le Cardinal Cañizares avait été évêque d’Ávila, puis de Grenada avant d’être archevêque de Tolède et primat des Espagnes.En quittant maintenant son poste de préfet d’une Congrégation romaine, et recevant la charge de Valencia il assume un poste beaucoup moins prestigieux que ceux qu’il a eus depuis plus de dix ans. C’est là non seulement une leçon d’humilité mais aussi un signe très clair que ce qui prime dans l’Église est le service à rendre et non la gloire personnelle ou les titres.

Il me semble que toutes ces leçons de leadership valent non seulement pour ceux qui ont des postes de « leaders » ou de chefs, mais pour chacun d’entre nous dans tous les services, petits et grands que nous sommes appelés à rendre.

Armand Veilleux

12 octobre 2014

Chapitre à la Communauté de Scourmont

Ce qu’est un banquet

Dans la première lecture de la Messe d’aujourd’hui, le prophète Isaïe utilise l’image du banquet pour décrire le salut des temps messianiques offert à tous les peuples.De la même manière Jésus utilise souvent l’image du banquet de noces dans l’Évangile, lorsqu’il veut révéler le mystère de l’histoire du salut.

Paul VI a souvent utilisé cette image, dans un contexte bien concret de justice sociale et de répartition des ressources naturelles, pour rappeler que toutes les nations de la terre doivent être conviées au « festin des nations ».Évidemment, le pape François va dans le même sens avec son appel constant à une Église pauvre pour les pauvres.

Réfléchissons un peu sur le sens de l’image du banquet, qu’on retrouve dans l’Évangile d’aujourd’hui tout comme dans la lecture d’Isaïe. Et tout d’abord demandons-nous ce qui distingue un banquet d’un repas de tous les jours.

La première différence est dans l’invitation.En effet, on ne se présente pas à un banquet sans y être invité.Il s’agit d’un repas festif auquel une personne invite librement ceux et celles qu’elle veut.Les invités sont libres d’accepter, mais ils sont en quelque sorte forcés par cette invitation de révéler s’ils sont, oui ou non, de vrais amis. Ceux qui ne sont pas de vrais amis trouvent toujours des excuses pour éviter de venir.

Et puis, un banquet regroupe plusieurs personnes.Pour un hôte ou une hôtesse, c’est un art que de savoir bien choisir ses invités.Il faut, d’une part, éviter de réunir à la même table des personnes qui ne peuvent se rencontrer.D’autre part, un banquet peut aussi être une occasion de réconciliation offerte à des personnes qui ont quelque chose à se pardonner mutuellement.Ce peut aussi être l’occasion de nouer de nouvelles amitiés. Je connais une personne qui s’est fait en quelque sorte une vocation d’inviter à sa table toutes sortes de personnes ayant des intérêts spirituels ou théologiques communs et qui ne se seraient probablement pas rencontrées autrement.

Le troisième élément qui caractérise un banquet c’est que ce n’est pas une chose que l’on fait normalement tous les jours.Il faut avoir quelque chose ou quelqu’un de spécial à célébrer : ce qu’on célèbre peut être une arrivée, un départ, une rencontre après une longue séparation, etc.C’est toujours l’occasion de faire mémoire de quelque chose qui a une importance spéciale pour tous les participants.

Une telle célébration implique un certain engagement de la part de tous.En effet, on ne peut plus se permettre d’être ennemis après avoir participé ensemble à un banquet, même si on l’était avant.

Un banquet exige aussi une nourriture spéciale : quelque chose de vraiment bon et préparé avec amour, qui soit un régal pour les yeux et l’odorat aussi bien que pour le goût.Ce qu’on mange à un banquet n’a pas simplement pour but de calmer la faim. (Cf. le film Le festin de Babette).

Finalement, un habit de fête s’impose.Une personne bien éduquée ne va pas à un banquet en « jeans ».

Eh bien ! Je crois qu’il est assez facile d’appliquer tout cela au banquet eucharistique, auquel, dans ce cas, nous sommes conviés tous les jours !

Nous sommes les invités du Seigneur Jésus, qui nous a recommandé de nous réunir ainsi autour de la table en mémoire de lui.Il s’agit de quelque chose de beaucoup plus important et plus riche que d’être simplement fidèles à une obligation ou à l’observance d’une règle. C’est pour nous l’occasion de montrer notre amour pour la personne qui nous invite, sachant au surplus, que nous sommes toujours invités.

Celui qui nous a invités, nous a appelés de plusieurs horizons pour nous transformer en une communauté, une Église.C’est au moment de la célébration eucharistique que notre communauté monastique se manifeste comme Église locale. Et la présence d’autres fidèles (un petit groupe sur semaine, une foule plus nombreuse le dimanche), nous rappelle que nous ne sommes pas vraiment Église, si nous ne sommes pas en communion avec toutes les autres Églises locales dont la communion entre elles forment la grande « Église ».

Au moment de notre Eucharistie quotidienne, nous sommes réunis pour célébrer ensemble quelque chose, ou plutôt quelqu’un.Nous célébrons le mystère pascal de notre rédemption dans le Christ.Nous voulons conserver vivant le souvenir de celui qui nous a invités, et écouter de nouveau son message.

Nous avons une nourriture spéciale, qui est le Corps et le Sang du Christ, sacrement de l’amour de Jésus pour nous et de l’amour que nous voulons avoir les uns pour les autres.

Nous aussi nous avons un vêtement spécial, car nous avons été revêtus du Christ le jour de notre baptême ;et sans ce vêtement nous ne pourrions pas célébrer l’Eucharistie.

Tout cela requiert un engagement de notre part : l’engagement à vivre le message reçu, et à manifester dans notre vie de tous les jours les liens rétablis ou raffermis ; l’engagement à transmettre à tous l’invitation ;et finalement l’engagement à rendre possible à tous la participation à ce banquet.

Armand Veilleux

Chapitre du 3 août 2014

Abbaye de Scourmont

Transfiguration vs défiguration

En décembre 2008, s’est tenue à Bruxelles la 31ème rencontre internationale des Jeunes de Taizé. Y ont participé environ trente mille jeunes de l’étranger, plus une dizaine de milliers de jeunes Belges, et un grand nombre de personnalités, dont, évidemment le frère Aloys qui avait remplacé peu auparavant frère Roger, un cardinal, des évêques et des métropolites, etc.Je n’y ai pas participé, mais l’évènement a été largement couvert par les médias. Cette rencontre où l’on a beaucoup parlé de prière et de paix se déroulait au moment même où l’armée d’Israël faisait à Gaza un véritable carnage comme celui qu’elle y fait actuellement.Or, ce qui m’avait profondément troublé, en suivant cette rencontre de Bruxelles à travers les médias, c’était que, autant qu’on a pu en juger par la presse, tous les intervenants ont donné les discours qu’ils avaient préparés à l’avance, sans mention de ce qui se passait à Gaza.C’était comme si l’événement, dont je ne mets pas en doute l’importance et la beauté, se déroulait dans une bulle aseeptique, étrangère au monde réel où se déroulent tant de guerres.

Si je mentionne cela c’est qu’il me semble qu’au moment où se passe actuellement, de nouveau, à Gaza, tous les jours, une tel massacre d’hommes, de femmes et d’enfants, et une destruction de toutes les infrastructures vitales, avec une férocité qui dépasse l’entendement, notre prière et notre réflexion, si on veut qu’elles soient chrétiennes, ne peuvent pas faire abstraction de cette réalité.

Dans la nouvelle cathédrale de Tokyo, au Japon, on peut voir un crucifix tout à fait surprenant.Il n’a pas de bras et tout le corps est calciné.Il ne s’agit pas d’une œuvre d’art, même si la cathédrale est très moderne (et qu’il y a un autre crucifix très moderne au-dessus du maître autel). Il s’agit d’une œuvre d’horreur.C’est le crucifix qui pendait au-dessus du maître autel dans la cathédrale de Hiroshima, le 6 août 1945 lorsque la première bombe atomique est tombée sur la ville.Ce crucifix abîmé et calciné demeure un rappel de ce que l’homme est capable de faire à l’homme, un rappel de la façon dont nous sommes capables de traiter l’image de Dieu présente en chacun de nos frères.

Nous célébrerons dans trois jours la fête de la Transfiguration.Depuis 1945 on ne peut célébrer cette fête liturgique de la Transfiguration, sans se souvenir que c’est le 6 août de cette année-là, en la fête de la Transfiguration, que s’abattit la première bombe atomique sur Hiroshima, et que l’humanité fut terriblement défigurée.Cet événement est sans doute celui de l’histoire moderne où s’exprime de la façon la plus claire et la plus tragique la prétention irrationnelle et stupide des humains de pouvoir vaincre la violence par la violence.Depuis que l’humanité existe, les humains ont toujours essayé de vaincre la violence par une violence plus grande et n’ont jamais réussi à faire autre chose que d’engendrer une spirale de violence encore plus grande.Comment se fait-il que nous n’ayons pas encore compris ?Si l’humanité l’avait compris, on ne verrait pas ces jours-ci dans nos médias tous ces corps d’enfants et d’adultes déchiquetés à Gaza par un type de bombes pernicieuses à fléchettes particulièrement destructrices des corps.

Dans l’Évangile, le récit de la Transfiguration vient après la profession de foi de Pierre. Jésus annonce alors sa Passion, "Le Fils de l’homme, dit-il, doit souffrir beaucoup, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter" et il établit les conditions que doit remplir quiconque veut le suivre. "Si quelqu'un veut venir après moi qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix chaque jour, et qu’il me suive..." Et c'est alors qu'il amène ses disciples les plus proches, Pierre, Jean et Jacques pour prier. Et c'est pendant qu'il priait que son aspect fut transformé.

Personne n'était plus pleinement et plus constamment en présence de son Père que Jésus.Et pourtant l'Ecriture nous le fait voir à diverses reprises se mettant à l'écart, soit seul soit avec ses disciples, pour prier.Et sa prière est toujours liée à sa mission. Ici, dans sa prière, il parle avec Moïse et Élie de sa mort prochaine.

Nous sommes appelés nous aussi à être transformés à l'image du Christ. La voie de la transformation, pour nous comme pour Jésus, c'est la voie de l'obéissance.Paul, dans sa Lettre aux Philippiens dit que Jésus n'a pas jugé bon de s'accrocher à la gloire qui était sienne, mais qu'il s'est anéanti, vidé, qu'il s'est fait obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la croix... et c'est pourquoi le Père l'a exalté et lui a donné le nom au-dessus de tout nom, le nom de Kurios, Seigneur.

Il est bon de relire cet Évangile qui nous rappelle non seulement la gloire de Jésus, mais la dignité de tous nos frères et toutes nos sœurs.On demandait un jour à saint Pachôme de raconter une de ses visions et il répondit : "La plus grande de toutes les visions est de voir le Christ dans notre frère".Puissions-nous avoir la foi qui permet cette transfiguration de notre regard.

Aujourd'hui, dans de nombreux conflits à travers le monde – et non seulement à Gaza -- le visage du Christ est bafoué, déchiré. -- Il est plus important que jamais de témoigner, à travers la qualité même de nos relations fraternelles de notre foi en la dignité de toute personne humaine créée à l'image de Dieu.

Armand VEILLEUX