A CARÊME 01 MATTHIEU 04,01-11 (13) Chimay :
26.02.2023
Frères et sœurs, depuis mercredi dernier, nous sommes entrés en Carême. Ils sont nombreux ceux et celles qui ne savent plus très bien ce que c’est. Beaucoup pensent d’abord aux privations : on jeûne… surtout entre les repas… on ne mange pas de viande… Les enfants ajouteraient qu’on ne mange pas de bonbons… Oui, bien sûr, tout cela peut faire partie du Carême. Mais ces privations ne sont que des moyens. Notre véritable priorité, c’est le Christ et son message. Quand on a compris cela, tout le reste est accessoire. Nous sommes invités à nous éloigner des bruits superficiels et à nous libérer des bagages qui encombrent. Le Carême n’est pas une période de manque et de privation, mais un temps de retrouvailles avec le Seigneur qui n’a jamais cessé de nous aimer.
La Parole de Dieu de ce dimanche nous apporte un éclairage. Le récit de la Genèse (2,7-9; 3,1-7) nous dit que l’homme a été créé pour devenir un être vivant. Dieu veut notre bien et celui de notre monde. Mais le tentateur cherche à nous détourner de Dieu. Il veut nous faire croire que Dieu a de mauvaises intentions sur nous. Ce n’est là que mensonge bien-entendu. Cependant le soupçon porté sur Dieu est un poison mortel qui empoisonne nos vies.
Aujourd’hui comme autrefois, le Seigneur nous voit nous détourner de lui. Le péché, en langage plus contemporain « la conscience de faire le mal », manifeste toujours une défiance vis-à-vis de Dieu : par l’orgueil – i.e. vouloir se mettre à la place de Dieu ; ou par l’égoïsme – se passer de Dieu et des autres. Ce sont les deux pieds du diable. La stratégie du diable est de nous inciter à nous regarder nous-mêmes, nous et nos besoins, plus que de regarder Dieu, sa bienveillance et les besoins des autres.
En ce début du Carême, le Seigneur nous adresse un appel solennel : « Revenez à moi de tout votre cœur… » (Jl 2,12). C’est une supplication pressante de sa part. Dieu ne veut que notre bonheur. Toute la bible nous dit qu’il est « tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (Jl 2,13). Dieu n’est pas là pour nous punir mais pour nous sauver et nous combler de ses bienfaits. C’est avec lui que nous trouvons la joie d’être réconciliés. Et du coup, nous retrouvons l’intimité avec notre Dieu.
Le Carême, non pas quarante jours de pénitence, mais quarante jours de retour vers Dieu. D’où le mercredi des Cendres, premier jour du chemin du Carême, pour que les quarante jours soient un temps de maîtrise des désirs de notre corps (le jeûne), d’attention à nos frères dans le besoin (le partage) et de relation approfondie avec le Seigneur (la prière) : trois domaines décisifs de la vie de tout chrétien et même de toute personne.
Voilà ce chemin qui nous est proposé. Mais sur ce chemin, nous rencontrons la tentation. L’Évangile de ce jour nous dit que Jésus y a été affronté. Derrière ces tentations, il y a quelqu’un : la bible le nomme « le diable ». Il est celui qui cherche à faire tomber. Il est présent dans toutes les luttes de notre vie et n’en démord pas. Jésus a été tenaillé par la faim. Mais il a refusé de céder à la tentation de posséder et de consommer. À la tromperie du démon il répond par un rappel de la Parole de Dieu : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu… » (Mt 4,4).
Jésus sait très bien qu’avec Satan, on ne peut pas dialoguer. Il choisit de se réfugier dans la Parole de Dieu. Nous l’avons entendu : ce n’est pas seulement de pain que vit l’homme. Manger, c’est vital ; être en accord avec Dieu est encore plus vital : « Tu ne tenteras pas le Seigneur » (Mt 4,7). Ne te prosterne pas devant les idoles, devant les personnes qui cherchent à te faire miroiter de faux biens et encore moins devant le diable. Ces tentations sont aussi appétissantes que le fruit défendu de la Genèse. À nous de choisir si nous voulons vivre en enfants de Dieu et être en relation de fraternité entre nous. Si nous choisissons de marcher à la suite du Christ, nous vivrons ; sinon ce sera la jungle. Et elle existe.
Jésus a résisté au tentateur et celui-ci a fini par le quitter. Le Seigneur nous montre comment faire face à toutes ses attaques. Il nous invite à nous réfugier, comme lui, dans la Parole de Dieu ; les Écritures nous ouvrent le cœur de Dieu. Leur méditation, leur mise en pratique auprès de nos frères, nous rapprochent de Dieu. C’est avec lui que nous trouverons force et courage dans notre lutte contre le mal. Avec le Christ, nous apprendrons à rejeter toutes les publicités mensongères qui courent à travers le monde et nous détournent de l’Évangile. La Lumière de la Parole de Dieu nous est offerte pour éclairer notre vie.
À la fin du Notre Père, nous disons : « Délivre-nous du Mal » (c’est-à-dire du Malin). Satan distille le mal sous toutes sortes de formes. Par exemple : ces égoïsmes qui nous ramènent implacablement au même point et nous donnent l’impression de piétiner ; ou encore ces brouilles, ces séparations, ces jalousies, qui deviennent de véritables prisons qui nous enchaînent et nous asphyxient... Voici le Carême qui nous fait demander au Seigneur de toute grâce de venir guérir notre cœur des handicaps dont il souffre pour que nous devenions libres du mal, pleinement, joyeusement. Grâce au jeûne, au partage et, par-dessus tout, à la prière avec ces instants de cœur à cœur avec le Seigneur où nous reprenons les mots du psalmiste : « Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint. Rends-moi la joie d’être sauvé » (Ps 50,12-14).
Si nous approfondissons un peu plus les Évangiles, nous découvrirons une bonne nouvelle : qui nous offre la vraie vie : celle qui ne se laisse pas aliéner par le mal. Cependant, nous sommes faibles et nous considérons facilement que la satisfaction de nos besoins matériels justifie de nous écarter de la volonté de Dieu. Si nous ne suivons pas le conseil du Christ, la fatigue devient une raison suffisante pour ne pas prier ; la mauvaise humeur sera une assez bonne raison pour ne pas vivre la charité, et une occasion inattendue suffira à nous faire agir comme nous le voulons, et non pas comme nous avons appris à agir.
À chaque Eucharistie, le Seigneur ne demande qu’à nous nourrir du « Pain vivant descendu du ciel » (Jn 6,51). Il nourrit la foi ; il fait grandir l’espérance et nous donne la force d’aimer. Puissions-nous, tout au long de ce Carême avoir toujours faim du Christ, seul Pain vivant, et de toute Parole qui sort de sa bouche.